dodis.ch/45238
Der schweizerische Gesandte in
Rom,
G. Wagnière, an den Vorsteher des Politischen Departementes,
G. Motta1
J’ai l’honneur de vous faire savoir que j’ai été reçu ce matin par M. Mussolini, auquel j’avais demandé une audience.
J’ai commencé par le féliciter au sujet de l’attentat du mois dernier. Il m’a dit: «Je n’y pense déjà plus, mais ce sont des événements très fâcheux et très graves non pas au point de vue de ma personne; il ne s’agit pas de Mussolini, il s’agit de ce qui pourrait se passer si l’attentat réussissait, et cela non seulement pour la situation intérieure, mais pour nos relations avec l’étranger.» Le Duce a prononcé ces paroles avec beaucoup de gravité. Il a même dit: «Nous ne voulons pas recommencer 1914.»
Il a ajouté qu’il demandait à la France de faire ce que lui-même serait prêt à faire en toute occasion quand il s’agit de réfugiés qui viennent compromettre des relations de bon voisinage. «Si les Russes du parti blanc se permettaient quelque attentat contre l’Ambassade de Russie, je les expulserais tous d’Italie. Je n’en demande pas autant à la France, mais je lui demande d’avertir les Italiens réfugiés chez elle qui complotent contre le Gouvernement italien et qui excitent à l’assassinat, comme je puis le prouver d’après des citations de journaux imprimés en France, et de leur faire savoir que, pour les bonnes relations avec l’Italie, leurs menées doivent cesser. La Suisse, qui est beaucoup plus républicaine que la France, et qui a des institutions démocratiques que la France ne connaît pas, et qui est jalouse de son indépendance, a su avertir Tonello, et je lui en suis très reconnaissant.» Le Duce m’a fait à ce propos un très grand éloge de la parfaite correction de nos Autorités.
J’ai saisi l’occasion de lui rappeler que les Autorités italiennes ne s’inspirent pas de l’esprit de confiance et de cordialité dont il a reconnu la nécessité dans nos relations. Notre accord concernant les passeports est appliqué de façon très large par la Suisse, mais tout au contraire par l’Italie, en premier lieu par les Consuls italiens en Suisse. En outre, nos compatriotes en Italie subissent souvent des vexations de la part des syndicats fascistes qui ignorent nos accords internationaux et qui considèrent comme un intrus tout étranger qui vient travailler en Italie. J’ai pu citer à ce propos au Premier Ministre des chiffres éloquents concernant le nombre des Italiens entrés en Suisse et celui des Suisses en Italie, et quelques exemples des vexations récemment subies par des compatriotes.
Le Premier Ministre en a pris note; [...]Il m’a promis qu’il télégraphierait au Comte Pignatti pour qu’il donne des instructions plus larges à ses Consuls, et qu’il enverrait une circulaire aux Préfets de l’Italie septentrionale. Il m’a dit, en outre, qu’étant lui-même à la tête des syndicats, je devais lui signaler les cas d’ingérence abusive de syndicats dans les questions concernant des Suisses engagés en Italie.
J’ai profité de ces bonnes dispositions pour lui rappeler également toutes les difficultés que nous éprouvons en matière douanière, et je ne lui ai pas caché qu’il y avait en Suisse un mouvement de plus en plus contraire à l’égard de notre Traité de Commerce avec l’Italie2, ce qui a paru le surprendre. Ce mécontentement ne pourrait qu’augmenter si l’on multiplie les mesures de restriction et les difficultés douanières à la frontière. J’ai insisté sur l’utilité d’en parler avec le Ministre de l’Economie Nationale.
Espérons qu’il résultera quelque chose de concret des bonnes dispositions qui m’on été exprimées. Le Premier Ministre m’a encore dit qu’il était sensible à la sympathie qui lui a été témoignée par le Conseil Fédéral. En le félicitant, je n’avais pas manqué de lui dire que j’agissais aussi en votre nom.