dodis.ch/45214
Der Vorsteher des Politischen Departementes,
G. Motta, an den schweizerischen Gesandten in
Rom,
G. Wagnière1
Je viens de recevoir votre lettre du 27 de ce mois2 et vous avez sans doute reçu mon télégramme chiffré au sujet de la «germanisation» du Tessin3.
Je vois à la lecture de votre lettre - dont je vous remercie cordialement - que vous êtes quelque peu découragé. Je m’explique votre état d’âme à merveille. Mais voici quelques réflexions, qui vous permettront d’envisager la situation avec plus de confiance.
Je vous avoue que les échos d’Italie à ma réponse à l’interpellation Nicole4 ne m’ont pas été désagréables. J’aurais craint des manifestations de satisfaction complètes, car elles auraient déterminé dans l’opinion publique suisse l’impression d’une certaine faiblesse de notre part. Sous la modération de l’expression, ma réponse était vis-à-vis des fascistes très ferme. Il était trop évident que la presse italienne l’aurait senti. Mais mon but était bien de faire comprendre aux fascistes que nous voulons être maîtres chez nous. Or, il était inévitable que la presse officieuse - ayant senti la pointe - n’abondât point en déclarations d’amitié.
Quant à la campagne au sujet de la prétendue «germanisation» du Tessin, j’en perçois bien les dangers. Le malheur est que la matière à cette polémique insensée a été fournie par des journaux suisses. Certaines interprétations fâcheuses présentées au Grand Conseil du Tessin et certaines réponses du Conseil d’Etat tessinois ne sont pas non plus à l’abri de la critique.
J’ai cependant des scrupules très graves à vous charger encore une fois d’une intervention diplomatique. Le Gouvernement italien peut avoir très facilement l’impression que nous avons mauvaise conscience et que nous avons besoin de sa protection spéciale. Or, il n’en est rien. Cela ne signifie pas que, si l’occasion propice se présente, vous ne puissiez relever combien cette propagande est dénuée de toute raison. Mais autre chose est faire une remarque occasionnelle même très nette et très ferme et autre chose est de présenter, encore une fois, une réclamation diplomatique à soi.
Lorsque, j’en aurai l’occasion à Genève j’entretiendrai M. Scialoja ou M. Grandi ou les deux de ces choses délicates.
Pour le moment, je crois le mieux est de regarder la situation sans pessimisme, avec calme et sérénité.
Quant à une visite de moi à Mussolini, elle est exclue. Vous savez quelles sont nos régies dans cette matière. L’opinion publique verrait une démarche pareille de mauvais œil.
Je ne penche pas non plus vers l’idée d’organiser maintenant une visite de journalistes italiens en Suisse. On comprendrait de suite que cette visite a un but politique tiré des circonstances du moment. Mais je ne perds pas de vue votre suggestion et j’en parlerai, le moment venu, avec les journalistes de ma confiance.
Je suis un peu fatigué. J’ai besoin de repos. Je partirai en congé le 10 juillet et je serai absent - exceptionnellement - pendant 40 jours. J’irai, pour trois semaines, à Tarasp. Je n’ai pas l’intention (mais cette intention n’est pas encore très arrêtée) d’aller en Italie.