dodis.ch/45002
Le Chef du Département politique,
G. Motta, au Secrétaire général de la Société des Nations,
E. Drummond1
Je tiens à vous remercier cordialement de la courtoisie que vous m’avez témoignée en me faisant porter personnellement, par M.J.D.deMontenach, votre message du 17 de ce mois relatif à la démarche entreprise auprès de vous par M. du Chayla.2
J’ignore, avant tout, quelles sont les qualités exactes de M. du Chayla et, tout particulièrement, s’il est autorisé par le gouvernement soviétique russe à faire les déclarations dont il s’agit, au nom de ce dernier.
La position que le Conseil fédéral a toujours prise, et prend aujourd’hui encore, au sujet d’un observateur officiel ou officieux que le gouvernement soviétique enverrait à Genève, auprès de la Société des Nations, n’a jamais été douteuse. J’ai eu l’honneur de m’en expliquer devant le Conseil National Suisse, au mois de juin de cette année3, et je n’ai jamais varié dans mes déclarations.
Le Conseil fédéral est un partisan déclaré de l’universalité de la Société des Nations. Tout ce qui peut rapprocher la Société de ce but est, par conséquent, envisagé avec faveur.
Si le gouvernement soviétique russe se décide à accréditer un observateur auprès de la Société des Nations, il peut être sûr d’avance qu’il ne rencontrera aucune difficulté de la part du gouvernement suisse. Celui-ci assurera à l’observateur la protection qui lui est due, ainsi que toutes les prérogatives qui sont dans les usages diplomatiques, aucune distinction ne devant être faite entre un observateur soviétique russe et les observateurs des autres pays.
Le Conseil fédéral ne pourrait, par contre, délivrer aucune déclaration faisant naître l’idée qu’il reconnaîtrait avoir encouru des responsabilités au sujet du crime de Lausanne.
Le Conseil fédéral a stigmatisé le meurtre commis par Conradi et Polounine dans un communiqué officiel paru le lendemain du fait.4 11 a fait présenter ses condoléances par un délégué spécial à la veuve de Monsieur Vorowski.5 Il a pris immédiatement les mesures qui était de sa compétence pour faire engager la procédure judiciaire qui était commandée par les lois. Dès qu’il l’a pu, il a expulsé Polounine du territoire suisse. Il a voulu marquer, par là, entre autres choses, l’horreur que soulèvent en lui la doctrine et la pratique du meurtre. Il demeure persuadé que son attitude a toujours été irréprochable. Il ne saurait donc délivrer des déclarations qui laisseraient sous entendre que sa conduite n’a pas été, à tous les points de vue, correcte.
Comme ce que cette lettre contient est de notoriété publique, je vous autorise, M. le Secrétaire général, à en faire l’usage que vous jugerez opportun.