Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.12. France
II.12.1. La question des zones franches de Haute-Savoie et du Pays de Gex
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 343
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1680* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 295 | |
Dossier title | Schiedsordnung vom 30.10.1924 betr. die Freizonen von Hochsavoyen und Gex (1924–1926) | |
File reference archive | B.137.2 |
dodis.ch/44985
Ainsi que je vous l’ai télégraphié, j’ai pu avoir un entretien, hier soir, avec le Président du Conseil2, qui m’a reçu très affablement. J’ai fait à M. Herriot un court résumé de l’état où en est la question des zones et je lui ai exposé que nous désirons beaucoup voir son attention retenue sur deux points:
1. arbitrage soumis à la Cour de La Haye; mon interlocuteur m’a répondu que n’ayant point encore eu le temps matériel d’étudier le dossier, il n’était pas en mesure de me communiquer une décision de sa part sur ce point; mais il a ajouté – et répété – qu’il a tendance à aller à La Haye. J’ai pris acte avec beaucoup de satisfaction de cette déclaration et j’ai exprimé l’espoir que cette «Tendance» pourrait s’affirmer.
2. arbitrage borné à la question litigieuse de droit; M. Herriot m’a interrompu en souriant pour me demander s’il n’y avait pas une certaine contradiction entre l’intention suisse de ne point recourir à un simple tribunal arbitral ad hoc mais de vouloir la Cour de La Haye, et notre désir de restreindre le problème qui sera soumis aux juges. J’ai répliqué que cette objection ne m’avait pas encore été faite: toutefois, elle ne me déconcertait nullement; le litige juridique est à la base de toute la controverse actuelle entre les deux Gouvernements; si M. Herriot ouvre le Traité de Versailles (il l’avait sous la main et contrôla mes dires), il y verra que, seul de tous les articles, le no 435 est flanqué de deux notes interprétant chacune à son point de vue ce que, dans la pensée du Cabinet de Berne – ou de Paris – ledit article 435 a voulu fixer. Le litige de droit est donc bien antérieur à l’idée de recourir à l’arbitrage de la Cour de La Haye; c’est seulement lorsque toutes les négociations sont demeurées stériles que nous avons, en Suisse, formé le projet d’aller à La Haye. M. Herriot m’a écouté avec attention et n’a pas dupliqué; il m’a assuré qu’il allait examiner lui-même toute cette affaire, avec l’esprit amical qui l’anime envers notre pays. Seulement, il demande qu’on lui laisse un certain temps, parce qu’il a tout d’abord à mener à bien avec l’Angleterre la question allemande; et ce n’est pas facile. Donc, M. Herriot prie qu’on ne le presse pas; «et surtout ne mobilisez pas» a-t-il ajouté, en souriant, la pipe à la bouche! Je présume, M. le Conseiller fédéral, que vous serez d’accord pour laisser à M. Herriot le délai qu’il désire pour étudier le dossier personnellement.
M. Logoz a eu un entretien de deux heures et 1/2 avec M. Fromageot; ce dernier considère comme très probable l’acceptation par son Gouvernement de l’arbitrage purement juridique. Nouvel entretien lundi après-midi entre ces deux Messieurs.3
- 1
- Lettre: E 2/1680.↩
- 2
- Il s’agit d’Edouard Herriot, arrivé au pouvoir, le 15 juin 1924.↩
- 3
- Sur ses conversations avec Henri Fromageot les 21, 23 et 24 juin 1924 à Paris, Logoz a rédigé un rapport strictement confidentiel, cf. E 2/1680.Un résumé des arguments suisses a été remis par Logoz à Fromageot à l’intention de Herriot: I. Le Conseil fédéral attacherait un très grand prix à ce que la Cour Permanente de Justice Internationale à La Haye fût désignée comme instance arbitrale. Sans méconnaître la valeur de certaines objections qu’on pourrait formuler à cet égard, je tiens à insister sur le fait qu’un arrêt rendu par l’organe judiciaire de la Société des Nations serait absolument indiscuté en Suisse, quel qu’il puisse être. L’autorité morale dont la Cour Permanents de Justice Internationale jouit en Suisse est telle qu’on peut dire, je crois, en toute certitude qu’un arrêt rendu par elle viderait réellement le litige. Il est, d’autre part, conforme à la politique générale de mon pays de faire confiance à la Société des Nations et à ses organes. II. Quant aux questions à soumettre à l’arbitrage le Conseil fédéral, aujourd’hui encore, est d’avis que pour la solution de la question des zones franches de Haute- Savoie et du Pays de Gex, un arbitrage purement juridique serait hautement désirable dans l’intérêt de la France et de la Suisse. En d’autres termes, il considère qu’une fois résolue par l’arbitrage la question de droit sur laquelle, seule, les H. P. C. n’ont pas pu s’entendre jusqu’ici (c’est-à-dire la question de savoir si «les petites Zones» sont ou doivent être supprimées en vertu de l’article 435, alinéa 2, du Traité de Versailles), il serait dans l’intérêt des deux pays de prévoir que des négociations directes régleront le nouveau régime à instituer, aux termes de l’article 435, alinéa 2, du Traité de Versailles, pour les territoires mentionnés dans cette disposition du Traité. Il importe de régler l’affaire des zones de telle manière qu’il n’en reste rien qui, à l’avenir, puisse être de nature à troubler les bonnes relations entre la France et la Suisse. A cet égard, il serait extrêmement souhaitable que le nouveau régime de fait à instituer aux termes de l’article 435, alinéa 2, du Traité de Versailles, fît l’objet d’une convention librement discutée et volontairement acceptée par les H. P. C., plutôt que d’une sentence arbitrale imposée, qui pourrait ne satisfaire aucune des parties et créer ainsi des éléments de mécontentement durable. En effet, à défaut d’accord officieux entre les parties au sujet du règlement du régime de fait (et, ainsi que je l’expliquerai plus bas, il n’est évidemment pas possible de tabler avec certitude sur un accord de ce genre), les arbitres ne pourront pas évaluer, aussi bien que les intéressés eux-mêmes et même avec les documents que les parties leur soumettront, les prestations et contre-prestations que peut impliquer le nouveau régime de fait à instituer. Les arbitres ne peuvent pas apprécier aussi exactement que les parties elles-mêmes les besoins économiques existant de part et d’autre. Cela est d’autant plus vrai qu’il s’agit là, pour une bonne part, de questions de pure appréciation, d’opportunité, dont la solution très délicate sera ssurée d’une manière beaucoup plus sûrement satisfaisante par le libre jeu d’offre et de demande qui n’est possible que dans des négociations directes. Ces négociations, sans doute, aboutiraient assez rapidement: en 1921, une fois admise, en fait, une base de départ commune – c’est-à-dire la douane française à la frontière française – les négociations se sont terminées dans l’espace de quelques semaines. A l’appui de la manière de voir du Conseil fédéral (arbitrage strictement juridique), il est permis de signaler en outre que, dans cette hypothèse, l’instruction du procès arbitral serait infiniment plus simple que dans le système qui consisterait à charger les arbitres de statuer à la fois sur la question de droit et sur le nouveau régime de fait. Si, en effet, c’est cette dernière mission qui devait être confiée aux arbitres, les parties auraient, semble-t-il, à fournir aux arbitres les mémoires et autres documents nécessaires: 1° en vue de la solution de la question de droit, 2° en vue du régime de fait à instituer si, en réponse à la question de droit, les arbitres déclaraient que les «Petites Zones» sont et doivent être maintenues, 3° en vue du régime de fait (sans doute différent) à instituer si les arbitres résolvaient la question de droit en sens inverse. Cela ne risque-t-il pas d’embarrasser les parties et d’influer fâcheusement sur les renseignements ou éléments d’appréciation qu’elles croiront pouvoir fournir aux arbitres en vue du règlement du régime de fait? – Quant à l’accord officieux par lequel, au cours de la procédure d’arbitrage, les parties pourraient faciliter la tâche des arbitres en ce qui concerne le règlement du régime de fait que les arbitres seraient chargés d’instituer, cet accord paraît être difficile à réaliser, tant que les parties ne connaîtront pas la réponse que les arbitres entendent donner à la question de droit. Si, en effet, du côté français, c’est sur la base de la douane à la frontière politique qu’on envisage un accord officieux relatif au nouveau régime de fait, je ne crois guère, par contre, que le Conseil fédéral suisse puisse entrer dans ces vues avant de savoir qu’elles sont conformes à l’opinion des arbitres sur la question de droit. Car le peuple suisse, non sans raison, n’admettrait pas qu’après avoir, d’accord avec la France, institué un arbitrage portant notamment sur la question de droit, le Conseil fédéral fasse pratiquement abstraction de la solution donnée par les arbitres à cette question. En acceptant l’arbitrage proprement dit, c’est-à-dire juridique que propose le Conseil fédéral, le Gouvernement français ferait un geste qui, immédiatement, aurait les plus heureux effets sur les relations entre les deux pays; en outre, j’en ai la conviction, il acheminerait ainsi le litige des zones vers une solution moralement et matériellement satisfaisante pour la France, pour les zones et pour la Suisse (E 2/1680). Fromageot a préparé de son côté le texte de deux questions à soumettre aux arbitres: I. Dire si l’article 435, alinéa 2, du Traité de Versailles, avec ses annexes, a abrogé ou a pour but de faire abroger en ce qui concerne la France et la Suisse, les stipulations du Protocole des Conférences de Paris du 3 novembre 1815, du Traité de Paris du 20 novembre 1815, du Traité de Turin du 16 mars 1816 et du Manifeste de la Cour des Comptes de Sardaigne du 9 septembre 1829, apportant des restrictions au droit souverain de la France et de la Sardaigne déplacer leurs lignes de douanes à la frontière de leur territoire. II. Régler, en se conformant à la réponse donnée à la première question, le nouveau régime qui, aux termes de l’article 435, alinéa 2 du Traité de Versailles, aurait dû être insitué par le commun accord de la France et de la Suisse pour les territoires visés dans cette disposition du dit Traité; sous réserve de toutes dispositions que les H. P. C. pourront soumettre aux arbitres d’un commun accord, ce règlement sera fait dans le cadre des documents que les H. P. C. fourniront à cet effet aux arbitres (E2/1680).↩
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