Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 240
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1504#643* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1504 28 | |
Dossier title | Bank für orientalische Eisenbahnen (1917–1923) | |
File reference archive | C.42.111.1 • Additional component: Türkei |
dodis.ch/44882 Aide-mémoire du Chef du Bureau du Contentieux du Département politique, G. Sauser-Hall1
M. Frey, Président de la Banque des Chemins de fer orientaux, m’informe qu’il est allé le lundi et le mardi, 4 et 5 décembre à Lausanne, sans rendre cependant visite aux délégations française et anglaise disposées à le recevoir2. Il avait été convoqué par une de ses connaissances, membre de la délégation italienne, dont il n’a pas cru pouvoir me dire le nom.
L’impression existe dans les sphères officielles de la Conférence que les Turcs partiront dès qu’on aura réglé la question des Détroits et celle de leurs frontières. Ils se montrent intransigeants sur le régime des capitulations qu’ils veulent abolir, sur les concessions ferroviaires et minières et ne veulent pas lâcher les pétroles de Mossoul demandés par les Anglais; le pacte national d’Angora leur en fait une obligation; leur antagonisme avec les Anglais est aigu.
Pour ce qui est des chemins de fer d’Anatolie, les Turcs ont bien accueilli la requête de la Banque des chemins de fer orientaux3; ils seraient disposés à renouveler les concessions à des Suisses qui n’ont pas d’arrière-pensées politiques. Mais les chemins de fer ont subi des dégâts importants au cours des dernières hostilités gréco-turques; le montant en est diversement apprécié; la délégation anglaise a formulé le chiffre de 4 à 5 millions de pounds; M. Huguenin, ancien directeur des chemins de fer, actuellement à Constantinople, ne les évalue qu’à 20 millions de francs, chiffre qui paraît insuffisant à M. Frey. Quoi qu’il en soit, il est impossible d’obtenir des capitalistes suisses les 50 millions, environ, nécessaires au rétablissement du service des diverses lignes de l’Anatolie. La personnalité italienne qui a documenté M. Frey lui a demandé à brûle-pourpoint si les Suisses seraient disposés à participer à un grand consortium financier international, composé surtout d’Anglais, de Français et d’italiens et qui se proposerait de reprendre tous les chemins de fer de l’Asie Mineure, et non seulement les lignes d’Anatolie; la banque serait alors admise avec son paquet d’actions. M. Frey a réservé sa réponse. Il a appris que les Turcs craignent ce projet pour des raisons politiques et il craint luimême qu’en acceptant, il ne compromette sa situation vis-à-vis des Turcs, pour le cas extrêmement probable où ceux-ci se refuseraient d’accorder des concessions ferroviaires à ce consortium. Il estime qu’il faudrait si possible avoir l’appui des Américains, qui, politiquement, ne portent pas aux Turcs le même ombrage que les grandes Puissances européennes.
Comme il désire savoir mon avis, je lui réponds qu’il ne me paraît pas opportun de traiter uniquement entre Turcs et Suisses pour les deux raisons suivantes: a) financièrement, les milieux suisses ne pourront ou ne voudront pas fournir les capitaux nécessaires à la remise en état des chemins de fer; b) politiquement, la Suisse, sans Légation à Constantinople4, ne serait pas en état d’assurer l’observation des concessions si les Turcs venaient à en enfreindre les dispositions; un consul général n’aurait pas non plus le prestige nécessaire pour le faire. Les Suisses ne peuvent donc se passer de l’appui de grandes Puissances étrangères, et comme la Turquie n’a qu’une confiance modérée dans le désintéressement des grandes Puissances européennes, je demande à M. Frey s’il n’y aurait pas moyen de faire l’affaire à trois, à savoir Turcs d’une part, et Suisses et Américains de l’autre.
M. Frey me répond qu’à première vue, il ne lui semble pas impossible d’intéresser de puissants milieux financiers à la question des chemins de fer, d’autant plus que les Etats-Unis s’intéressent aux gisements pétrolifères d’Asie Mineure et n’ont pas appuyé, à Lausanne, les prétentions anglaises. Il se mettra en rapports à ce sujet avec ses correspondants américains; ce sont les chemins de fer d’Anatolie qui ont obtenu la concession de la ligne Bagdad, concession comprenant celle des mines et puits de pétrole se trouvant dans un certain rayon des deux côtés de la ligne; lorsque la Compagnie des chemins de fer d’Anatolie a, par la suite, cédé à la Compagnie du Bagdad les concessions de chemins de fer qui lui avaient été accordées, elle en a excepté le droit d’exploiter les mines de pétrole; elle s’est donc réservé les concessions minières et pétrolifères et celles-ci appartiennent, en fait, à la Banque de Zurich, principal actionnaire des chemins de fer d’Anatolie. Il y a donc espoir d’avoir l’appui américain.
M. Frey nous tiendra constamment au courant.