Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.4. Le relèvement économique de l'Autriche
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 222
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#1248* | |
Dossier title | Wien, Politische Berichte und Briefe, Militär- und Konsularberichte, Band 37 (1922–1922) |
dodis.ch/44864
J’ai l’honneur de vous confirmer mon rapport du 18 de ce mois2 et mes télégrammes3 d’hier et de ce matin vous annonçant le départ de Mgr. Seipel et du Ministre des Finances Ségur pour Genève. Le départ du Chancelier, qui ne paraissait pas encore imminent lundi, a été avancé par les nouvelles reçues de Genève. La Société des Nations semblant vouloir intervenir d’une manière directe dans la constitution de la banque d’émission il devenait d’ailleurs superflu de continuer à discuter les projets du Gouvernement relatifs à cette institution et le parlement ne retenait donc plus Mgr. Seipel.
J’ai commencé une tournée chez mes collègues dès mon retour à Vienne et ai vu jusqu’ici les Ministres de France, d’Italie, d’Angleterre, des Etats-Unis, des Pays-Bas, du Danemark et de Hongrie. Tous m’ont manifesté d’une manière non équivoque leur satisfaction de voir la Suisse s’intéresser au sort de l’Autriche, mais le Ministre de France a été particulièrement chaud pour ne pas dire enthousiaste et m’a assuré que votre discours de Genève4 avait été pour ainsi dire la délivrance d’un cauchemar. M. Lefèvre-Pontalis aurait considéré une aide venant uniquement des Etats successoraux ou vainqueurs comme humiliante pour l’Autriche, d’autant plus qu’un contrôle aurait été naturellement nécessaire et qu’il aurait eu l’aspect d’une mesure d’oppression de la part de ces pays vis-à-vis d’un adversaire affaibli. Conformément au contenu de votre dernier télégramme j’ai rendu mes collègues attentif au fait que, si le Conseil fédéral était sans aucun doute animé des sentiments les plus amicaux à l’égard de l’Autriche, il n’y avait cependant encore rien de décidé au sujet d’une participation de la Suisse aux crédits actuellement en discussion à Genève. Mes collègues sont également unanimes dans leur avis que le contrôle et toutes les mesures d’économie que pourrait exiger la Société des Nations seraient illusoires et destinées à rester lettre morte si l’on ne mettait pas le Gouvernement et le contrôleur à même de faire exécuter leurs décisions; or – et c’est la manière de voir de tous les représentants étrangers à Vienne de même que c’est celle que je vous ai exposée moi-même de vive voix il y a une quinzaine de jours – on ne peut pas compter sur la force armée actuelle, la «Wehrmacht», qui n’est autre chose qu’une garde rouge, qui, avec les 23 000 hommes qu’elle compte aujourd’hui (le maximum permis par le traité de St Germain serait de 30 000) ne serait d’aucune utilité vis-à-vis d’une agression étrangère, mais qui, au lieu d’être un élément d’ordre et de tranquilité à l’intérieur, est une menace constante de tout régime qui ne respecterait pas les exigences du parti socialiste. Mgr. Seipel ne peut guère, sans se compromettre vis-à-vis du pays, demander lui-même une intervention étrangère, mais le Ministre de France et d’autres de mes collègues sont d’avis que le Chancelier se soumettrait sans grande difficulté à une mesure qui lui serait octroyée par la Société des Nations. Je le répète, chez tous mes collègues il n’y a qu’une voix pour dire: «Rien à faire sans la suppression de la Wehrmacht car il ne faut pas se dissimuler que les socialistes, (qui ne voient que l’intérêt de leur parti et ne tiennent pas compte de l’intérêt général du pays puisqu’ils méprisent l’idée de patrie) ne consentiront guère de bon gré à la suppression du travail de huit heures et de l’index comme base des indemnités de renchérissement pas plus qu’au renvoi d’un grand nombre de leurs coreligionnaires politiques employés de l’Etat.
M. Orsini-Baroni, le Ministre d’Italie, affecte de se montrer très satisfait de la tournure qu’ont prise les affaires d’Autriche; l’indépendance de ce pays semble lui tenir grandement à cœur. D’autre part cependant mes collègues de France et d’Angleterre affirment – et me citent des sources dignes de confiance à l’appui de leurs dires – que c’est l’Italie qui avait pris l’initiative il y a quelques semaines et suggéré en premier l’idée d’une union douanière et monétaire austro-italienne. M. le Chef de section Schueller, actuellement à Genève, serait peut-être en mesure de donner quelques informations à ce sujet. Il paraît aussi y avoir eu des sondages au sujet d’un rattachement du Tyrol et de la Styrie à l’Italie en cas de partage de l’Autriche. On m’affirme que M. Orsini aurait eu des conversations à ce sujet avec le Landeshauptmann Rintelen à Graz.
Le Ministre des Etats-Unis me dit qu’on s’imaginait ici, à la suite de la visite de divers grands banquiers américains, que la banque américaine serait disposée à faire toute seule les avances nécessaires à l’Autriche pourvu qu’on lui donne des gages rémunérateurs. Mr. Washburn ne partage pas cet avis; les banques privées américaines ne s’engageront – si elles s’engagent – qu’à bon escient et si l’Autriche leur offre toutes garanties, c.à.d. des garanties allant au moins aussi loin que celles qui pourront être imposées à Genève.
Une des questions qui doivent vous intéresser en première ligne est celle de savoir si l’Autriche serait viable une fois qu’on l’aurait remise à flot. Je vous envoie sous ce pli un article paru dans le «Neues Wiener Journal» de ce matin5 et qui contient des indications semblant prouver que l’Autriche pourrait exister – au point de vue économique – comme Etat indépendant. Je me réserve de vous envoyer la brochure du Dr. Rausch où l’auteur semble avoir puisé. Si les renseignements du journal viennois sont exacts il y a lieu, d’autre part, de tenir compte du manque d’énergie de l’Autrichien en général ce qui pourrait mettre une ombre au tableau, mais les chiffres indiqués semblent prouver cependant qu’avec de la bonne volonté le pays pourrait se tirer d’affaire.
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