Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 8, doc. 188
volume linkBern 1988
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001B#1000/1503#1668* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(B)1000/1503 70 | |
Titolo dossier | Finanzkonferenz in Genua, V (Politische Berichterstattung von Hrn. Bundesrat Motta) (1922–1922) | |
Riferimento archivio | C.21.6 |
dodis.ch/44830
Je vais tâcher de vous exposer aussi brièvement et aussi clairement que possible le chemin que la question russes fait depuis mon dernier rapport.2
Mais je tiens à constater tout d’abord que, comme je vous l’ai déjà écrit et comme j’avais toujours prévu, la question russe est la seule et vraie grande question de la Conférence de Gênes. On pourrait presque dire que celle-ci, malgré son nom, n’est pas une conférence économique et financière, mais une conférence cherchant à trouver et à établir les bases de la paix entre la Russie et tous les autres pays de l’Europe. Le pacte germano-russe proclamé à Rapallo, le jour de Pâques, examiné à cette lumière, n’est lui-même qu’un des éléments de cette paix. S’il a soulevé tant de suspicions et tant de critiques, c’est qu’il avait et qu’il garde le caractère d’un acte séparé.
Je vous ai dit dans mon dernier rapport que M. Lloyd George, dans la visite que je lui ai faite le jour de jeudi, 27 courant, m’avait confié le projet anglais d’arrangement avec les Russes. Dans le cours de l’après-midi, son secrétaire, Sir Maurice Hankey, me fit parvenir une nouvelle rédaction qui n’était cependant pas très différente de la première. Il m’informa que M. Lloyd George aurait été très disposé à continuer sa conversation avec moi.
Le lendemain, vendredi, nous avions convoqué les autres neutres à notre Hôtel, précisément dans le but de discuter avec eux la question russe. La réunion eut lieu à 10 h. Une heure avant la réunion, notre Délégation reçut une troisième édition du projet anglais. Sir Maurice Hankey m’informa que Lloyd George désirait voir les représentants des neutres.
Dans la réunion des neutres, j’informai les autres Délégations du désir de Lloyd George et je fis donner lecture de son projet. Nous tombâmes facilement d’accord qu’une visite de tous les neutres auprès de M. Lloyd George aurait prêté le flanc à de nombreux commentaires. Pendant la réunion, nous apprîmes que la Délégation française avait, elle aussi, un projet d’arrangement avec les Russes et qu’elle allait nous le communiquer. Nous nous ajournâmes à trois heures et nous fîmes savoir à M. Lloyd George que nous désirions d’abord comparer les deux projets, l’anglais et le français, et qu’ensuite, s’il le désirait, nous aurions pu causer avec lui.
Le projet français arriva, en effet, et il fut examiné par les experts des neutres.
Ici un petit intermezzo. Vers 1 heure, je me trouvai dans l’ascenseur de l’Hôtel; voilà, tout-à-coup, que M. Lloyd George, arrivé de la Villa de Albertis où il demeure, entre dans l’ascenseur! Je lui explique que nous voulions comparer d’abord les deux projets. Il me remercie. Il m’entraîne dans le salon qu’il a ici. Il semble quelque peu agité et déclare: «Si on ne peut s’arranger, chaque Etat marchera dans la voie qui lui sera dictée par ses intérêts!»
A 3 heures, nouvelle réunion des neutres. Les experts rapportent. Nous constatons que les différences entre les deux projets ne sont pas inconciliables. Branting est pour le projet anglais, Karnebeek (toujours le même!) est pour la politique de la réserve. Personnellement, j’émets l’opinion que les neutres devraient tenter un effort pour ne pas se diviser entre eux; il serait vraiment trop dommage que l’amitié des neutres, dont l’utilité s’était affirmée jusqu’ici d’une manière évidente, subît une atteinte à l’occasion du problème russe; la prudence est une vertu, mais elle ne peut exclure toute idée d’intervention conciliatrice. La réunion sembla se rallier à cette ligne de conduite.
A 4 heures, il y avait réunion de la sous-commission politique, naturellement à l’exclusion des Russes.
Barthou commence par une brève déclaration. On avait fait courir le bruit qu’il allait quitter la conférence. Il tient à rassurer ses collègues de la sous-commission. S’il va à Paris, son intention de collaborer aux travaux de Gênes demeure intacte. Il n’est d’ailleurs pas encore tout à fait décidé au sujet de son voyage; si sa présence est nécessaire à Gênes, il renoncera à aller à Paris.
Lloyd George le remercie. Il ajoute cependant que, lui aussi, aurait un besoin pressant de retourner à Londres, mais que la Conférence de Gênes est aujourd’hui la préoccupation capitale de tout homme qui désire la paix et que, par conséquent, il restera. Que les autres en fassent autant.
Ce petit incident est donc clos. Mais voilà qu’une discussion aigre-douce commence au sujet des deux projets d’arrangement. La discussion s’engage au sujet du préambule. La différence entre les deux préambules est celle-ci: le préambule anglais, après avoir expliqué la nécessité que la Russie rentre dans le système économique de l’Europe, indique quels sont les efforts que les autres Etats seraient disposés à faire pour l’aider; l’Angleterre, en particulier, offre des sommes considérables pour encourager les industriels et les commerçants qui voudront exporter des marchandises en Russie et collaborer à y restaurer l’outillage détruit. Le préambule français fait un diagnostic un peu âpre de la situation de la Russie et, quant à l’aide à donner, s’enferme en des formules assez vagues. J’observe, cependant, que, ni dans l’un ni dans l’autre des préambules, il n’est question de crédits à ouvrir directement au Gouvernement des Soviets.
Il est difficile de rendre l’âpreté et je dirais presque l’aigreur impertinente de la conversation entre les deux protagonistes de la Conférence. Lloyd George reproche au texte français d’être éloquent, mais de ne rien dire; il le compare à un verre de bière où il n’y aurait que de la mousse, les Anglais, eux, veulent y mettre de la boisson: Barthou répond du tac au tac. Le texte anglais réveille en lui une sorte d’âme protestante; il a, en effet, quelque chose du prêche, du sermon... Et ainsi de suite, pendant une heure au moins, les deux hommes se lancent des flèches, des insolences, des bons mots. Le spectacle avait un haut intérêt au point de vue psychologique, mais il était presque navrant.
M. Jaspar me disait après qu’il n’en était aucunement surpris. Voilà des mois et des mois, ajoutait-il, que j’assiste à ce jeu dangereux où, Lloyd George d’un côté, et le délégué français de l’autre se livrent à des assauts de ce genre. Ni la bonne harmonie, ni la confiance mutuelle ne sauraient se fortifier au poison de ces égratignures!
M. Skirmunt, le Ministre polonais des Affaires étrangères, cherche à mettre dans le dialogue quelques mots de conciliation, mais se plaint d’être obligé à discuter sur des textes qu’il ne connaît pas.
J’interviens moi-même ensuite. Je me permets de dire qu’un juge serait embarrassé s’il était appelé à décerner les palmes de l’éloquence aux deux hommes éminents qui ont discuté jusque-là. Cela fait rire et détend un peu les nerfs. J’ajoute qu’en principe, il serait bien désirable que toutes les propositions fussent d’abord déposées au Secrétariat et que celui-ci les communiquât à toutes les Délégations ou, du moins, aux membres de la sous-commission. Je déclare, cependant, que, grâce à l’obligeance de la Délégation anglaise et française, la Délégation suisse avait pu faire une comparaison entre les textes en discussion et que les divergences lui paraissaient facilement conciliables. Un effort de compréhension mutuelle est indispensable. Je fais la suggestion de prier les experts de chercher un texte unique.
M. Schanzer ne veut rien savoir des experts. Il fait donner lecture des préambules. La lecture terminée, il fait la proposition de confier la fusion des textes à la Délégation italienne. Lloyd George conseille de former un petit comité de rédaction; il a l’amabilité de dire que M. Motta, ayant fait un effort méritoire de conciliation, devrait en faire partie. Le comité est constitué de Messieurs Barrère, Delacroix, Avezzana, Lloyd Greame et moi.
La séance de la sous-commission est déclarée close. Le comité de rédaction se met immédiatement à sa tâche. C’est M. Delacroix, ancien Président du Conseil des Ministres belge, qui dirige en fait le travail. M. Delacroix est un esprit modéré, calme, à tous les points de vue, excellent. Dans l’espace d’une heure et demie, la fusion des deux préambules est réalisée.
Samedi matin, à onze heures, nouvelle séance de la sous-commission politique. Le comité de rédaction présente son œuvre qui est approuvée. Je ne peux entrer dans trop de détails. Il me suffit d’indiquer qu’à un certain moment, la question s’était posée de savoir si, dans le préambule, il fallait mentionner, pour chaque Etat, de quelle manière il entendait collaborer à la restauration de la Russie. Je proposai d’en rester aux indications concernant les Puissances invitantes. Pour les autres nations, une mention générale devait suffire. Cette proposition, qui avait l’avantage de ne pas nous lier d’une manière trop précise, fut acceptée.
Après l’acceptation du préambule, on aborda la première clause de l’arrangement. Cette clause a pour but d’empêcher la propagande révolutionnaire des Russes dans les autres pays. Elle ne souleva aucune difficulté, sauf la suivante. M. Bratianu, Président du Conseil roumain, demanda d’empêcher la propagande russe, non seulement contre l’état social, mais aussi contre l’état politique et territorial des différents pays. C’est la question de la Bessarabie qui était ainsi soulevée. M. Branting déclara que son pays ne voulait pas être mêlé, ni de près ni de loin, aux questions territoriales réglées dans les traités de paix. J’appuyai son observation et, sur la demande de M. Barthou, je précisai la thèse suisse vis-à-vis des traités de paix. Mon explication, d’après laquelle nous n’avions pas l’intention de discuter des traités de paix, tout en considérant ceci comme res inter alios actae, ne souleva point de difficultés. M. Branting me remercia tout particulièrement de mon intervention.
L’après-midi de samedi, à 4 heures, nouvelle séance du sous-comité politique. La discussion roula autour des dettes de guerre.
Les points de vue anglais et français se heurtèrent de nouveau, mais nous n’eûmes aucune raison d’intervenir; les dettes de guerre ne nous intéressent que d’une façon tout indirecte. On finit cependant par charger un comité de quatre personnes (un Français, un Anglais, un Belge et un Japonais) de rechercher une formule de conciliation.
Ce matin, ce comité a présenté sa formule. Le sous-comité politique qui vient de se réunir et qui va encore se réunir ce soir, l’a approuvé.
La question grave et délicate demeure celle du traitement à faire aux biens nationalisés. A l’heure où vous lirez ce rapport, vous saurez déjà si un accord a été réalisé, car je vous aurai envoyé une dépêche chiffrée à cet égard.
Ce rapport a été interrompu au moins une demi-douzaine de fois. C’est vous dire que les soucis de la Conférence me laissent maintenant peu de moments libres. Je dois me rapporter nécessairement aux informations des journaux que vous lisez, sans doute, d’une manière suivie.
Tags