Langue: français
1.5.1922 (lundi)
Le Département fédéral de Justice et Police aux Gouvernements cantonaux, aux Légations et Consulats de Suisse, à l’Office central de la Police des Etrangers
Circulaire (Circ)
Indications au sujet de l’utilisation d’un passeport pour étrangers par des étrangers résidant en Suisse, pour leurs déplacements à l’étranger.

Classement thématique série 1848–1945:
XI. LA QUESTION DE LA POLICE DES ÉTRANGERS ET DES VISAS
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Imprimé dans

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Documents Diplomatiques Suisses, vol. 8, doc. 187

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Bern 1988

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Emplacement

dodis.ch/44829
Le Département fédéral de Justice et Police aux Gouvernements cantonaux, aux Légations et Consulats de Suisse, à l’Office central de la Police des Etrangers1

Par suite de l’impossibilité de se procurer, dans les circonstances actuelles, des papiers de légitimation valables, de nombreux étrangers et sans-patrie séjournant en Suisse voient leur liberté de déplacement fortement entravée. La difficulté qu’ils éprouvent à se rendre de Suisse à l’étanger est encore augmentée par le fait que des papiers de légitimation suisses ne peuvent leur être octroyés, ainsi qu’il appert de plusieurs déclarations du Conseil fédéral. Des motifs d’équité à l’égard d’étrangers de bonne réputation, dépourvus de papiers et résidant en Suisse, justifient toutefois que, par la remise d’une pièce d’identité, la possibilité leur soit fournie de franchir notre frontière. La délivrance d’une telle pièce est dans l’intérêt même de la Suisse, quand il s’agit de procurer à des étrangers sans papiers l’occasion de retourner dans leur patrie ou d’aller se fixer dans un autre pays.

Pendant la guerre et depuis, nous avons, dans des cas spéciaux et tout à fait isolés, permis la délivrance de passeports suisses pour rendre service à des étrangers bien recommandés. Mais pour des considérations de principe, nous avons renoncé à le faire et nous nous sommes contentés, jusqu’à ces tout derniers temps, de délivrer des actes d’identité (Personalausweise) écrits à la machine. Mais comme de telles pièces ne peuvent suffire à la longue, nous nous sommes décidés, suivant l’exemple donné par d’autres Etats, à introduire et imprimer un passeport pour étrangers puisque aussi bien il peut être dans l’intérêt de la Suisse autant que dans celui des personnes auxquelles il est destiné.

En vous faisant tenir ci-joint, pour que vous en preniez connaissance, quelques exemplaires de ce modèle de passeport, nous prenons la liberté de vous fournir les explications suivantes.

Extérieurement, le passeport pour étrangers n’a de commun avec le passeport suisse que le format. La couleur de la couverture et du papier, le nombre de pages et la distribution du texte ont été changés, afin d’éviter des erreurs.

En vue d’une pratique uniforme et d’un contrôle efficace, et entendu qu’il s’agit d’un passeport pour étrangers, la Division de police de notre Département a été désignée, ainsi que l’indique la première page, comme l’autorité seule compétente pour l’octroyer.

Le passeport pour étrangers est exclusivement destiné à des étrangers et sanspatrie dépourvus de papiers, domiciliés en Suisse. Il devra être accordé en premier lieu à des gens qui nous sont recommandés comme dignes de confiance, mais ensuite aussi à ceux qui voudraient se rendre à l’étranger pour s’y fixer à demeure, après n’être restés en Suisse jusqu’alors que contraints par le défaut de papiers. Par contre, il ne sera naturellement pas délivré à des expulsés. Un passeport ne sera établi que s’il existe à cet égard un réel besoin, démontré comme digne de foi.

Le passeport pour étrangers doit être considéré uniquement – et nous insistons expressément sur ce point – comme une pièce d’identité pour voyages du titulaire à l’étranger et, le cas échéant, pour son retour. Il n’a pas, en revanche, pour les autorités de l’intérieur de la Suisse, la valeur d’une pièce de légitimation et il ne confère au porteur aucun droit à l’établissement ou au séjour dans notre pays. Le porteur aura plutôt, après comme avant, le devoir de faire son possible pour régulariser sa situation au point de vue de sa nationalité et pour produire des papiers de légitimation valables. S’il y a lieu d’admettre, pour de sérieux motifs, que l’étranger ou le sans-patrie manque du bon vouloir nécessaire, la délivrance du passeport pourra lui être refusée.

La page 3 du passeport est importante. Outre la durée de validité, la date de délivrance de la pièce et la signature du Chef de la Division de police ou de son suppléant, elle contient la remarque imprimée que rien ne s’oppose au retour du porteur en Suisse pendant le délai de validité du document. L’introduction de cette clause n’était pas évitable, car sans l’assurance de la possibilité du retour, l’adoption du passeport n’aurait probablement pas de but, étant donné que l’Etatfrontière, dans la plupart des cas, refuserait déjà au titulaire l’entrée sur son territoire. La garantie du retour aura certainement pour effet qu’une fois ou l’autre un étranger parti reviendra et devra être repris, alors qu’on aurait préféré ne pas le revoir. Mais cet inconvénient n’est en soi pas aussi considérable que celui qui résulte de la situation actuelle, dans laquelle de nombreux étrangers ne peuvent pas quitter le pays, précisément à cause du défaut de papiers. L’introduction du passeport ne peut d’ailleurs avoir pour but d’activer le départ de gens peu intéressants, dans le seul dessein de s’en débarrasser, de refermer notre frontière derrière eux et de les abandonner à l’aimable voisin. Pareil procédé irait vite à fin contraire de ce que l’on a désiré et ébranlerait fortement la confiance des Etats étrangers à l’égard de tous les papiers de légitimation délivrés par les autorités suisses à l’intérieur et à l’extérieur du pays. C’est pourquoi la loyauté est en place. Quand nous aurons délivré un passeport à un étranger, nous reprendrons ce dernier pendant la durée de validité de cette pièce. Il n’aura perdu son droit de revenir que s’il désire entrer après l’échéance de ce document. Il ne pourra revenir alors que si la Division de police, d’accord avec le canton, le juge opportun.

Etant donnée la garantie contenue dans le passeport, concernant la réadmission de l’étranger, la Division de police n’octroiera dans la règle des passeports pour étrangers qu’après entente avec les autorités cantonales.

D’une autre mention figurant à la page 3, suivant laquelle le passeport ne pourra être renouvelé ou prolongé qu’avec l’assentiment de l’autorité qui l’a délivré, il résulte que les Légations et Consulats de Suisse à l’étranger ne sont pas autorisés à prolonger les passeports périmés. Ils seront plutôt tenus de demander à la Division de police l’autorisation de le faire, si un porteur qui a laissé s’écouler le délai du retour en Suisse, leur présente un passeport échu. On devra et pourra obtenir ainsi que le titulaire du passeport qui s’annonce pour le retour en Suisse après l’échéance du document, soit tenu à distance du pays, si sa présence n’y est plus désirée.

Dans les cas où l’on ne voudra ou ne pourra pas prendre la garantie de la réadmission, la délivrance d’un passeport paraissant néanmoins nécessaire, la clause stipulant la garantie sera biffée, pour la raison de loyauté indiquée plus haut. Eventuellement, on inscrira même la remarque expresse que le retour du titulaire en Suisse n’est nullement assuré.

Pour ce qui est de la délivrance du passeport, le requérant pourra s’adresser à la Division de police personnellement ou par écrit, ou encore par l’intermédiaire des autorités cantonales. Si la demande lui est présentée par écrit, la Division de police ne sera pas à même d’inscrire le signalement et d’avoir foi dans l’authenticité de la photographie, à moins que le requérant n’envoie l’un et l’autre authentifiés sur le verso par l’autorité cantonale ou communale compétente. Si cela n’est pas fait, la Division de police remplira le passeport dans la mesure possible et le fera parvenir ensuite à l’autorité chargée du soin des passeports, afin qu’elle le complète en ajoutant la signature et la photographie et qu’elle appose elle-même, à la page 5, l’attestation prévue. Elle aurait aussi à veiller, dans ce cas, à ce que le passeport fût signé par le titulaire, et à le lui faire remettre en main.

En délivrant le passeport, la Division de police percevra, dans la règle, au bénéfice de la Confédération, une taxe de 5 francs et elle s’entendra avec le canton sur la perception d’émoluments pour le visa de retour.

Vous nous obligerez en portant toute votre attention sur les indications qui précèdent et en en donnant aussi connaissance aux autorités cantonales compétentes. Nous prions l’Office central de la police des étrangers d’envoyer un exemplaire modèle du passeport à toutes les autorités de frontière, en les avisant qu’elles aient à refuser le retour en Suisse à tout porteur d’un passeport pour étrangers si cette pièce est échue et n’a pas été valablement prolongée par la Division de police ou une autorité consulaire suisse. Les porteurs qui sont l’objet d’un refus à la frontière seront informés qu’ils peuvent en référer directement à la Division de police ou à l’autorité consulaire suisse la plus rapprochée.

Les Légations et Consulats suisses voudront bien remarquer que, dans chaque cas, avant de renouveler ou de prolonger un passeport pour étrangers, ils devront en demander l’autorisation à la Division de police.

Les passeports pour étangers qui seront échus et qu’il n’y aura pas lieu de renouveler, devront autant que possible être retirés et ils seront envoyés à la Division de police.2

1
Circulaire: E 2200 Paris 1/1717. concernant un passeport pour étrangers (P.11.924).
2
Pour les correspondances entre les divers services concernés par l’introduction de ce passeport pour étrangers et pour l'accueil que lui ont réservé les Puissances étrangères, cf. E 4260 (C) 1974/34/195.C’est lors de la conférence qui se réunit à Genève du 3 au 5 juillet 1922, convoquée par le Dr. F. Nansen, Haut Commissaire de la SdN pour les réfugiés russes, qu’a été adopté, à l’unanimité des seize pays représentés, un modèle-type de certificat d’identité pour les réfugiés, ainsi qu’un arrangement sur les conditions de délivrance de ce certificat. Rapport du Haut commissaire de la SdN pour les réfugiés russes, présenté à l’Assemblée, Genève, le 15 septembre 1922. Pour la Collection des documents relatifs à cette question, cf. E 21/20821.C’est le 17 octobre 1922 que le Conseil fédéral approuve l’arrangement conclu à Genèverelatif à la délivrance des certificats d’identité aux réfugiés russes (E 10041/285, no 2615). Sur la position suisse à ce sujet, voir aussi: E 2001 (B) 4/20.