Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 8, doc. 168
volume linkBern 1988
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001B#1000/1508#308* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(B)1000/1508 30 | |
Titolo dossier | La Société des Nations et l'Association des Nations (1921–1922) | |
Riferimento archivio | B.56.41.22.7 |
dodis.ch/44810
J’avais eu l’honneur de vous écrire, dans mon rapport du 4 février2, que je tâcherais de voir Sir Eric Drummond lors de son prochain séjour à Londres.
Voici ce qui est à retenir de l’entretien que j’ai eu avec lui samedi dernier.
Il ne dissimule pas qu’au premier abord la surprise de Cannes l’avait décidément inquiété. La proposition de Mr. Lloyd George visant la création d’une «Association des Nations» a, en effet, préoccupé Genève. Cette inquiétude a mis quelque temps à se dissiper mais, disons-le tout de suite, Sir Eric est à cette heure parfaitement rassuré.
En arrivant à Londres, il a vu les personnes qui étaient en mesure de lui dire ce qu’il voulait savoir. Ce fut là le motif de son voyage. Il admet que s’il n’avait pu s’informer sur place, il serait fatalement resté sous le poids d’arrière-pensées qui auraient continué à l’inquiéter. Ici, on a commencé par nier que le Premier Ministre ait jamais eu l’intention de créer une institution incommodant la Société des Nations. Sir Eric est cependant sous l’impression que pareille tendance a effectivement existé. L’évolution s’est faite, d’après lui, à peu près de la manière dont j’ai parlé dans ma lettre du 4 février: l’idée de Mr. Lloyd George n’ayant pas rencontré d’approbation ni en Angleterre ni à l’étranger, elle a été abandonnée d’emblée, si bien qu’aujourd’hui on en nie même l’existence à un moment quelconque.
La Conférence de Gênes viendra; selon Sir Eric, elle viendra prochainement. Il se peut qu’il intervienne un léger retard: un retard de semaines, pas de mois. Mr. Lloyd George tient trop à cette réunion pour l’exposer aux risques d’un ajournement de mois. Et la Société des Nations y sera représentée, probablement par Sir Eric lui-même, ceci pour deux raisons: d’abord, on discutera de questions concernant très directement la Ligue, et le Secrétariat Général «personnellement», par exemple la question des dépenses de la Société des Nations; ensuite, il est probable – ce qui paraît être de toute importance – qu’on envisagera à Gênes la création de certaines institutions permanentes par rapport au rétablissement économique de l’Europe. Sir Eric est décidé à veiller à ce que de telles organisations soient affiliées de façon aussi étroite que possible à la Ligue, laquelle doit, à tout prix, maintenir dans ce domaine la compétence qui lui appartient indubitablement.
Au moment de notre entretien Sir Eric n’avait pas encore vu le Premier Ministre. Il compte le voir avant de rentrer en Suisse. En attendant, il s’est rendu à La Haye. Peut-être trouverai-je une occasion de le revoir encore lors de son deuxième passage ici.
Je voudrais mentionner encore quelques détails de nature générale qui me paraissent valoir la peine d’être relevés.
Sir Eric, une fois rassuré sur l’affaire de Gênes, avoue qu’une réunion sous le patronage de la Ligue n’atteindrait pas le but. Les difficultés d’y faire participer l’Amérique et la Russie seraient trop grandes, l’Amérique surtout; quant à la Russie, il croit qu’on peut aujourd’hui en obtenir à peu près tout ce qu’on veut, moyennant certaines compensations. Ainsi, la vraie difficulté ne serait au fond que l’Amérique. Sir Eric comprend que pour l’instant le régime Harding doive se dissocier nettement de la Ligue, mais le temps viendra où la collaboration des Etats-Unis s’opérera sous une forme ou sous une autre, mais certainement de façon acceptable pour tous. – Selon lui, on parlera à Gênes de l’adhésion de l’Allemagne. (Ceci prouve combien Sir Eric est tranquillisé sur l’esprit de la Conférence!) Il espère que ces conciliabules feront progresser ou détermineront même la question. L’Allemagne hésite à poser sa candidature sans être sûre d’une acceptation; si telle assurance lui est donnée à Gênes, l’affaire sera faite.
Quant à la France, le Secrétaire Général en dit beaucoup de bien. Il ne voit décidément pas dans la récente note de M. Poincaré uniquement une manœuvre. Au contraire, il y voit une manifestation sincère et en concordance avec un courant, nouveau peut-être, mais clairement marqué de l’opinion publique. En France, la Ligue a été considéré longtemps comme un outil dans les mains du Gouvernement britannique, qui en aurait usé selon son bon plaisir et pour ses desseins. Aujourd’hui cette méfiance n’existe pour ainsi dire plus. La décision de la Haute-Silésie a prouvé aux Français que la Société des Nations est une institution qui a l’ambition d’être indépendante et de travailler pour le bien de tous. La logique et la perspicacité françaises ont su tirer de cette affaire silésienne toutes les déductions indiquées et c’est en effet cette épreuve qui a si heureusement gagné à la Ligue l’approbation des Français. Sir Eric estime qu’il existe actuellement en France un mouvement qui ne signifie rien moins que la pleine adhésion de la France à la cause de la Société des Nations.
En Angleterre, dit Sir Eric, la Ligue a fait du chemin, non pas grâce à des défenseurs comme Lord RobertCecil, qui lui nuisent plutôt en faisant d’elle une arme contre le Gouvernement, mais grâce à bon nombre de politiciens plus calmes et moins en évidence qui se sont mis peu à peu à reconnaître la réelle utilité de cette organisation. La Ligue possède par exemple en Mr. Balfour un partisan dont la valeur est inestimable. Il s’est voué cœur et âme à la Ligue et entend la défendre de toute la force de son incomparable prestige. Ainsi, le nouveau succès de Mr. Balfour à Washington ne saurait que profiter à la Société des Nations et il y a tout lieu de penser que durant son séjour aux Etats-Unis, il ait su exercer une influence favorable sur l’attitude des Américains.
A propos de la Haute-Silésie, Sir Eric a fait les éloges de M. Calonder en disant qu’il eût été difficile de trouver un homme qui aurait su exécuter cette tâche extrêmement délicate avec autant de tact et de succès. C’est principalement, sinon entièrement, grâce à lui que la tension a considérablement diminué et que toute la question est entrée dans une phase qui laisse enfin prévoir une pacification.
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