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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 8, doc. 98
volume linkBern 1988
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001B#1000/1503#1366* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(B)1000/1503 50 | |
Titolo dossier | Italienische Aspirationen auf den Kanton Tessin (1918–1922) | |
Riferimento archivio | B.46.1.3 • Componente aggiuntiva: Italien |
dodis.ch/44740
Le discours prononcé hier à la Chambre par Mussolini m’a naturellement alarmé, sans toutefois me surprendre le moins du monde. Je m’attendais à ce que ce député soulevât dès son entrée à la Chambre la question du Tessin. Il l’a fait à l’occasion de la réponse que la Chambre des Députés est tenue de faire au discours de la couronne. Au début de son discours, le premier qu’il prononce au Parlement, Mussolini, en interpellant M. Giolitti, lui a dit ces propres paroles: –
«Vous, M. Giolitti, dans le discours de la couronne vous avez fait dire au Souverain que l’Italie a regagné partout sa frontière alpestre. Je conteste l’exactitude géographique et politique de cette affirmation. Immédiatement au nord de Milan cette frontière n’a pas été atteinte. A une heure de distance de Milan, l’œuvre de pénétration allemande déjà très accentuée avant et pendant la guerre, a repris avec une plus grande ténacité. Le canton du Tessin abâtardi et germanisé peut être une grave source de préoccupations pour la sûreté de la Lombardie et de l’Italie septentrionale. Ce danger a déjà été signalé par des groupes de jeunes Tessinois auxquels s’adressait le message de D’Annunzio. Si le Gothard, frontière naturelle et sûre de l’Italie demeure une aspiration d’avant-garde, nous demandons au Gouvernement ce qu’il fait pour garantir au moins la possession du Brenner et du Nevoso...»
L’orateur a continué en parlant ici du Haut-Adige, du danger allemand dans le Tyrol et du danger slave.
On pouvait s’attendre de la part du Président de la Chambre ou d’un membre du Gouvernement à un rappel à l’ordre adressé à M. Mussolini après ces paroles injurieuses à l’adresse d’un pays ami. En revanche, soit le Président, soit les membres du Gouvernement, tous présents à la séance, ont gardé le silence le plus complet. Jusqu’ici les journaux n’expriment aucune désapprobation. Le «Messaggero», qui est en rapports fréquents avec la Consultà, parle du discours de Mussolini avec admiration et sans aucune réserve, malgré les attaques violentes qu’il contient à l’adresse de la politique de Sforza.
Mon premier mouvement fut d’attendre vos instructions avant de faire une démarche quelconque auprès du Gouvernement. Cependant, pour le cas – à vrai dire assez peu probable – où le Gouvernement serait appelé à répondre immédiatement, c’est-à-dire dans la séance de jeudi après-midi, au discours prononcé la veille, je me suis décidé à me rendre jeudi matin chez le comte Sforza qui m’a reçu avec son amabilité habituelle. Je lui ai déclaré tout de suite que je tenais à lui exprimer la fâcheuse impression que j’avais éprouvée à la lecture du discours de M. Mussolini. Ce discours, lui ai-je dit, ne m’a pas surpris car il est dans la note des articles du «Popolo d’Italia». Ce qui m’a surpris, c’est que ni le président de la Chambre, ni aucun membre du Gouvernement n’a relevé les paroles inconvenantes prononcées par le chef «fascista» à l’adresse de mon pays.
M. Sforza m’a répondu qu’il n’avait pas attaché d’importance à cette sortie qu’il avait du reste imparfaitement écoutée. Cependant il en avait parlé avec M. Giolitti, lequel avait haussé les épaules et considérait l’incartade de Mussolini comme tout à fait négligeable. «Maintenant, m’a dit M. Sforza, pensez-vous qu’il convienne de donner plus de poids aux paroles de Mussolini en en parlant de nouveau à la Chambre? On risque d’ouvrir une discussion fâcheuse, tandis qu’en gardant le silence on ferait vite l’oubli sur cet incident. C’est ainsi que nous avons agi lorsque Federzoni, député nationaliste, a soulevé la question de la Corse.»
J’ai répondu que je ne me souvenais pas que la question de la Corse eût été soulevée au Parlement (et je conserve un doute à ce sujet); j’ai ajouté qu’il s’agissait ici de la discussion du discours de la couronne et que le silence complet du Gouvernement et du Président de la Chambre ne manquerait pas d’être, en Suisse, fort mal interprété.
«Je vous promets, me répondit M. Sforza, d’en parler immédiatement à M. Giolitti. Je vous conseille de vous en remettre à son sens parlementaire.» J’ai répondu que je voulais bien m’en remettre à ce que déciderait le Président du Conseil.
J’ai ajouté cependant encore ceci: – «Je crois devoir vous rappeler les paroles si amicales à l’adresse de l’Italie prononcées tout récemment par M. le Président de la Confédération et reproduites par le «Corriere Italiano». Le Président a déclaré que jamais les relations entre les deux pays ne furent meilleures qu’aujourd’hui. Ces déclarations ont été rapportées par toute notre presse. Maintenant, si même le Gouvernement Royal ne jugera pas, dans sa réponse au discours d’hier, devoir relever les propos de Mussolini à l’égard de la Suisse, je suis certain qu’un mot amical à l’adresse de la Suisse, confirmant l’impression que rien n’est changé dans nos relations suffirait à effacer en Suisse l’impression pénible et certainement très vive produite par cet incident.»
M. Sforza, qui devait sortir, m’a ramené dans sa voiture jusqu’à la Légation. Nous avons parlé à cœur ouvert de la question du Tessin. Il a très vivement blâmé toute agitation irrédentiste.
A l’heure où je vous écris le Gouvernement n’a pas encore répondu aux divers discours prononcés par les leaders des partis parlementaires sur la réponse au discours de la couronne. C’est au début de chaque législature l’occasion pour les divers partis d’exposer leur programme. J’espère que M. Sforza, après en avoir parlé avec M. Giolitti, trouvera le moyen de dire le mot que nous attendons. Ce mot s’impose surtout après les déclarations que vous avez faites au correspondant du «Tempo» et qui figurent aujourd’hui en première page de ce journal; elles sont du côté suisse la meilleure réponse à faire aux insanités de Mussolini.
Comme je vous l’ai télégraphié ce matin,2 les autres journaux romains n’ont pas commenté cet incident. Le «Messaggero» a publié un télégramme de Berne relatant les opinions de la presse. «L’Idea Nazionale» seule, en publiant une dépêche de Berne, signale l’émotion produite par cet incident auprès des députés tessinois aux Chambres fédérales, accompagne cette dépêche de commentaires injurieux, revenant sur le danger représenté par le Tessin germanisé pour l’Italie, sur les relations de l’état-major suisse avec celui d’Autriche,3 sur la lettre du Colonel Sprecher. Tout cela est tellement contraire à la vérité et dénote une telle ignorance des faits et aussi une telle ingratitude à l’égard de la Suisse qui a rempli pendant la guerre loyalement tous ses devoirs, que je n’ai pas hésité à prier le Directeur de ce journal, que je connais, de passer à la Légation. Je crois pouvoir compter sur lui; mais le groupe «fascista» est dirigé, inspiré et renseigné par des gens pour qui le mensonge est une fonction naturelle. Ils chercheront à entretenir le malaise créé par les attaques constantes du «Popolo d’Italia» et par l’agitation du petit groupe irrédentiste.
Je réserve d’autres appréciations dans l’attente du discours que M. Sforza doit prononcer à la Chambre.4
- 1
- Lettre: E 2001 (B) 3/50.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Concernant les rapports entre états-majors autrichien et suisse cf. DDS 5, rubrique X, Landesverteidigung, et XI. 4, Angebliches Bündnis mit Österreich.↩
- 4
- En tête du document, G. Motta nota: La réponse que M. Giolitti a donnée à Mussolini est, à mon avis, très satisfaisante. Elle est d’ailleurs plus nette et aussi plus remplie d’égards envers la Suisse que la première missive très écourtée publiée dans la majorité des journaux (vide télégramme).↩
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Italia (Altro)
Incidenti e polemiche della stampa nel Ticino (1921–1924)