Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.12. France
II.12.1. La question des zones franches de Haute-Savoie et du Pays de Gex
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 96
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1670* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 288 | |
Dossier title | Abkommen mit Frankreich vom 7.8.1921 zur Regelung der Handelsbeziehungen und des freundschaftlichen Grenzverkehrs zwischen den ehemaligen Freizonen Hochsavoyens sowie Gex und den angrenzenden Schweizer Kantonen (1921–1921) | |
File reference archive | B.137.2 |
dodis.ch/44738
Par votre lettre confidentielle du 7 juin,2 vous avez bien voulu nous communiquer le contre-projet3 que la délégation suisse a opposé, sous réserve de l’approbation ultérieure du Conseil fédéral, au projet de convention relatif au régime des zones franches remis par les délégués du Gouvernement français.
Nous avons également eû l’avantage d’entendre, dans notre séance du 10 juin, un exposé de l’état actuel des négociations, présenté par M. le Conseiller National Albert Maunoir, l’un des deux négociateurs suisses aux Conférences de Berne.
Grâce à ces éléments d’appréciation et aux documents qui ont été mis sous nos yeux, nous avons pû procéder à un nouvel examen de la situation et nous vous présentons aujourd’hui, sous la forme d’observations, au contre-projet suisse, le résultat de cette étude.
Préambule. La rédaction du préambule, dans le contre-projet suisse représente un effort considérable et très habile de conciliation dans le sens d’un compromis acceptable pour les deux parties; l’interprétation qui nous semble pouvoir être donnée de ce texte, comparé à l’article 38 du contre-projet suisse et aux déclarations de la délégation française est rassurante; c’est pour répondre au désir de la France que la Suisse accepterait le cordon douanier à la frontière; en revanche, la France renonce à soutenir la caducité ou l’abrogation des traités de 1815–1816 en bloc; elle ne fait porter la novation que sur le régime des zones franches, respectant pour le reste le statut territorial du canton de Genève et les stipulations des traités confirmés par l’article 435 du Traité de Versailles.–
Nous aurions encore désiré qu’une clause relative à la confirmation des traités auxquels il n’est pas expressément dérogé par le nouveau contrat, vienne renforcer la déclaration de principe du préambule; en tous cas nous insistons pour que le sens positif de cette déclaration ne puisse faire aucun doute à l’avenir et que sa valeur juridique de même que sa signification diplomatique se dégagent sans aucune contestation possible de la teneur même de la convention et de l’adhésion officiellement constatée de la délégation française aux principes que nous avons résumés ci-dessus. Pour obtenir ce premier et indispensable résultat dans la négociation ultérieure, nous estimons que le Conseil fédéral ne doit se prêter à aucune transaction qui soit de nature à en compromettre l’effet et à atténuer la portée des propositions formulées par M. M. Laur et Maunoir.
Les articles I, 2, 4 et 5 représentent les garanties que la Suisse et le Canton de Genève sont en droit de demander pour le fonctionnement du cordon douanier français à la frontière; le projet de traité constitue pour la France comme pour la Suisse une dérogation aux lois intérieures et au droit commun; il y a donc lieu d’insister pour que la France consente au sujet des facilités douanières, à des engagements formels, et la Suisse ne pourrait se contenter de concessions octroyées à bien plaire et unilatéralement. – Ainsi doit-il en être, pour tout ce qui concerne le placement des postes, les chemins reconnus comme routes douanières, le transit, etc.; la Commission franco-suisse prévue à l’article 5 présente en particulier une importance capitale; c’est au moyen d’une institution de ce genre qu’il est permis de concevoir un régime nouveau, qui même avec la douane française à la frontière, conserve à Genève une partie tout au moins des garanties politiques des traités de 1815–1816; la commission en vérifiant comment fonctionne le nouveau système, en donnant à la convention les interprétations requises, fera fonctions d’un agent diplomatique de contrôle; elle limitera l’arbitraire des administrations et contribuera au maintien du bon voisinage.–
Nous nous déclarons très heureux, dans un autre ordre d’idées, de la proposition des négociateurs suisses, ténorisée à l’article 3, et qui tend à l’installation d’une douane française à la gare de Cornavin; si la France se montre peu disposée à consentir au transfert à Genève de la douane pour les marchandises et au bureau de garantie du titre, pour des raisons financières, elle ne pourrait semble-t-il se refuser à inscritre dans la convention le principe de cette double création, quitte à prévoir un délai pour l’installation définitive.–
Les mesures de police prévues à l’article 6 seront étudiées sans doute par les services juridiques compétents; des deux côtés de la frontière on aura un intérêt majeur à la répression de la contrebande; reste à savoir quelle sera la meilleure méthode à suivre pour arriver à ce but.–
Le principe énoncé à l’article 8 en opposition aux propositions françaises revêt également une grande importance; il est évident que si la convention ne s’appliquait qu’aux nationaux des deux pays, les formalités bureaucratiques n’auraient pas de terme et que le commerce de Genève serait atteint.–
Les articles relatifs à la navigation sur le lac restreignent la liberté douanière qui était le régime de l’article 3 du traité de Turin; ils entraînent donc de notre part des concessions qui doivent être réduites; ainsi, il convient de s’opposer à toute limitation de la liberté d’aborder, pour la navigation de plaisance, et de modifier pour cela la rédaction de l’article 12.–
Le régime des échanges commerciaux auquel ont trait les articles 15 à 26 et les tableaux annexés a été évidemment combiné à l’avantage de la Suisse, en tenant compte de cette idée que la réciprocité ne peut plus être admise comme la base d’un accord qui entraîne de la part de la Confédération la concession de la modification de la structure douanière contractuelle; nous sommes persuadés que pour ces questions très délicates qui touchent aux intérêts économiques très complexes du pays, les négociateurs du Conseil fédéral sauront suivre une politique libérale, qui sans compromettre la production nationale, consolidera le statut actuel en assurant en même temps que l’approvisionnement de Genève l’expansion de son commerce avec les régions voisines; à cet égard il ne faut pas se dissimuler que l’article 30, par institution du carnet de famille et par l’exclusion des produits frappés de taxes intérieures, limitera d’une manière sensible les menus achats des zoniens à Genève; la perte de ce libre trafic sera nous l’espérons compensée par les contingents de l’article 15.–
Nous nous plaisons à reconnaître que les articles 28 et 29 marquent une sérieuse amélioration des propositions françaises, l’article 28 en assurant la liberté de mouvement des propriétaires et cultivateurs frontaliers, l’article 29 en garantissant le ravitaillement du canton; ces dispositions qui s’inspirent des clauses du traité de Turin et des conventions de 1881 et 1882, sont en effet beaucoup plus larges que celles qui dans le projet français limitaient les prohibitions d’exportation aux propriétés de Suisses, et de Français domiciliés en Suisse, dans la zone de 10 kilomètres; nous estimons qu’elles sont nécessaires et que Genève est en position de demander le maintien de la libre sortie des denrées même de la zone de 1860 puisque le droit ancien lui avait acquis ce privilège spécial.–
A propos des facilités de circulation ténorisées aux articles 32 à 35, nous pensons, avec les négociateurs, qu’il faut éliminer les titres spéciaux de justification réclamés aux touristes, pour qu’ils jouissent de la franchise de leurs bagages.–
Quant à l’article 38, sa rédaction peut sans doute être modifiée dans le sens des dernières suggestions françaises; l’essentiel est d’éviter le retour de la situation actuel où, grâce à l’insistance de la France le régime des zones a été remis en question contrairement au vœu de la Suisse; aucun changement ne pourra être imposé à l’une des parties par l’autre et le traité restera en vigueur tant qu’aucun accord ne sera intervenu pour sa révision éventuelle. Les clauses relatives à Genève auxquelles le caractère de permanence devra être attribué seront, de ce fait, tous les articles relatifs au service douanier, au régime frontalier, au ravitaillement du canton, aux facilités de transit et de circulation, de même, comme le propose la délégation française, une partie des clauses commerciales.–
Enfin, il serait hautement à désirer qu’une clause arbitrale soit jointe au projet de traité de manière à prévenir un conflit du genre de celui que les négociations actuelles s’efforcent à grand peine de conjurer; nous sommes sûrs que la science du jurisconsulte du Département politique, Monsieur le professeur Max Huber, pourrait être heureusement mise à contribution sur ce point4 et, comme précédent d’une clause de ce genre, nous invoquons l’article 24 et l’annexe E de la convention de commerce du 19 novembre 1906 entre la Suisse et la France.–
En résumé, M. le Conseiller fédéral, nous estimons qu’un accord avec la France dans la question des zones doit être recherché et atteint sur la base du contre-projet que vous avez bien voulu nous communiquer, à la condition que les compensations prévues soient acquises pour Genève dans la mesure que nous venons d’indiquer. Ces compensations résideront tout d’abord dans le préambule, garantie indispensable des formes juridiques de la novation, puis dans les articles destinés à enlever à la douane française tout moyen de gêner la sécurité politique et morale du canton de Genève, dans les articles relatifs à son ravitaillement, à la liberté de mouvement de ses habitants et frontaliers, et dans les clauses commerciales qui continueront à faire de notre ville le marché de la région.
A notre avis, sur ces garanties élémentaires qui procèdent de l’esprit des traités antérieurs aucune concession fondamentale ne saurait être faite. Dans le cas où, lors des prochaines conférences, ces principes viendraient à être remis en question nous vous demanderions de ne pas prendre de décision définitive en présence d’un désaccord aussi grave sans avoir bien voulu nous consulter auparavant. En tout état de cause toute délibération hâtive et brusque devant être évitée, nous désirons connaître dès qu’il sera possible, les nouvelles propositions françaises et nous estimons pouvoir suivre la voie dans laquelle M.M. les négociateurs du Conseil fédéral ont engagé les pourparlers avec beaucoup de persévérance et de ténacité; nous sommes persuadés que, si leur œuvre continue à s’inspirer des idées maîtresses qui sont à la base de leur contre-projet, en même temps que des considérations que nous venons tout au long de développer, nous pourrons donner à la convention qu’ils auront préparée, notre adhésion définitive.–
- 1
- Lettre: E 2/1670.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Au cours des négociations franco-suisses relatives aux zones franches de Haute- Savoie et du Pays de Gex, qui se sont déroulées à Berne du 24 mai au 3 juin, les délégués suisses ont remis, le 2 juin, un contre-projet de convention aux délégués français; pour les procès-verbaux des négociations, cf. E 2/1669, 1670.↩
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