dodis.ch/44682
Le Chef du Département politique,
G. Motta, au Conseil d’Etat de la République et Canton de
Genève1
Le Conseil fédéral a fixé, dans sa séance de ce matin2, le texte de la note qu’il a l’intention de faire remettre à l’Ambassade de France dans la question des zones. Cette note doit être remise au plus tard dans la journée d’après-demain jeudi, le 24 courant.3
Avant de la remettre, le Conseil fédéral tient à la communiquer dans son texte intégral au Conseil d’Etat du Canton de Genève. Il voudrait par là vous fournir l’occasion de lui présenter vos observations dans le cas ou vous auriez le désir de lui en soumettre de nouvelles.
Le Conseil fédéral a donné en même temps au Département politique le mandat formel d’attirer, encore une fois, l’attention du Conseil d’Etat sur l’issue probable de la négociation en cours et sur les conséquences qui en découleront.
Il est notoire que le Gouvernement français veut supprimer la structure actuelle des zones. Il est connu – par la communication que le soussigné a eu l’honneur de faire à la Conférence du 17 courant4 – que le Gouvernement français refuse toute procédure de conciliation ou d’arbitrage.
Il est, donc, moralement presque certain que le Gouvernement français donnera une réponse négative à la question de principe soulevée dans la note du Conseil fédéral.
La note ne formule pas directement une proposition d’arbitrage: elle se borne à l’indiquer d’une manière indirecte; il a, en effet, paru au Conseil fédéral qu’il ne serait pas très conforme aux bons procédés diplomatiques de poser directement une question à laquelle l’autre partie a déjà fait une réponse négative. Il est, en outre, trop évident que, si après avoir essuyé un refus sur la question de principe, le Conseil fédéral allait poser, dans une deuxième note, la question de l’arbitrage et s’attirait un deuxième refus caractérisé, il serait moralement et politiquement impossible d’engager à nouveau des négociations qui prendraient comme point de départ le transfert du cordon douanier à la frontière politique des deux pays.
La conférence du 17 février a fait apparaître que l’unité de vues dans la population genevoise est loin d’être entière. Le Conseil fédéral a eu l’impression que l’unanimité apparente du Grand Conseil masquait une divergence assez marquée sur le fond du débat. Les uns se contenteraient d’un régime de droit commun, les autres insistent pour que la rupture soit évitée à tout prix. La seconde catégorie refuse donc, en substance, le droit commun et préférerait un régime conventionnel, même si celui-ci devait être basé sur notre consentement au transfert du cordon douanier à la frontière politique.
Si la France, en répondant à notre note, déclinait de nouveau, ne fût-ce que sous une forme indirecte, l’idée de l’arbitrage, il nous paraît de toute évidence que la Suisse ne pourrait pas formuler à nouveau une proposition dans ce sens. Il faut que, sur ce point, il n’y ait pas d’équivoque ou de malentendu entre nous.
La situation se résume donc ainsi:
Ou ne pas soulever la question de l’arbitrage, ni directement ni indirectement, dans la note du Conseil fédéral et nous voir contraints de la soulever plus tard, par une note spéciale, – et alors impossibilité de toutes négociations ultérieures et nécessité d’aboutir à un régime de droit commun.
Ou bien soulever la question de l’arbitrage dès maintenant, mais d’une manière indirecte et, au cas où la France répondrait négativement, garder l’espoir d’aboutir par une négociation ultérieure à un régime conventionnel avec le cordon douanier à la frontière politique, accepté, bon gré mal gré, par nous-mêmes. Dans cette deuxième hypothèse, il reste bien entendu que la réciprocité devrait être exclue aussi bien dans l’intérêt de Genève que dans celui de la Suisse tout entière.
La note que vous trouverez ci-jointe se place dans cette deuxième alternative que le Conseil fédéral considère comme la plus sage et la plus prudente.
Nous vous prions de nous déclarer si vous êtes d’accord avec cette manière de procéder. Nous vous prions en outre de nous donner votre réponse pour jeudi jusqu’à midi au plus tard.5