Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 333
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1508#54* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1508 8 | |
Dossier title | Négociations ultérieures (Transfer éventuel de Genève à Bruxelles comme siège de la Société des Nations) (1919–1923) | |
File reference archive | B.56.41.02.2 |
dodis.ch/44544
J’ai l’honneur de faire suite à mon rapport du 192 et à mon télégramme No 78.3
J’ai eu ce matin un long entretien avec M. Tittoni président du Sénat et qui a présidé cette session du Conseil de la Société des Nations. M. Tittoni m’a confirmé les indications qu’il m’avait données auxquelles il a ajouté certains détails que je connaissais déjà en partie par un informateur spécial. Il m’a répété que l’Italie tenait tout particulièrement au maintien du siège de la Société des Nations à Genève et cela pour deux raisons; pour l’indépendance même de la Société des Nations et parce que Genève est à 7 heures de Milan (ancien horaire!) tandis que Bruxelles exige tout un voyage avec arrêt obligatoire à Paris et offre aussi un climat moins clément que celui du lac Léman.
Vous pouvez, m’a dit M. Tittoni réduire à néant le complot qui se prépare contre Genève:
1. en agissant à Washington;
2. en agissant auprès des Etats qui tiennent comme vous et comme nous à l’indépendance de la Société, c’est-à-dire les Scandinaves, la Hollande, la Pologne, la Tchécoslovaquie. Ce sont ces Etats qui doivent avoir leur mot à dire dans les affaires d’Europe et contrebalancer les forces que l’Angleterre cherche dans ses dominions et dans les pays d’outre-mer, en particulier dans les républiques sudaméricaines: il est absurde de penser que ce sont ces pays qui viendraient faire la loi en Europe alors que nous ne pouvons pas intervenir en Amérique en vertu de la doctrine de Monroë;
3. en offrant à la S.D.N. un immeuble qui serait mis à sa disposition au plus tôt et qu’elle pourrait compléter et agrandir à ses frais avec le temps. L’essentiel est d’enlever aux partisans de Bruxelles un des principaux arguments dont Sir Eric Drummond a fait état dans la discussion.
Sur le 1er point, j’ai dit à M. Tittoni que nous avions pris toutes les mesures pour informer Washington et que j’en avais parlé moi-même à l’Ambassadeur des Etats-Unis (je ne lui ai pas dit que la dépêche envoyée par celui-ci, sur ma demande, avant-hier était partie, comme il me l’a dit hier soir, avant le télégramme du Conseil de la S.D.N.; il était inutile de lui donner ce détail).
Sur le second point, j’ai dit à M. Tittoni que je savais que la Norvège n’était entrée dans la Ligue des Nations que parce que le siège en était fixé dans un pays neutre. Je crois que nous pouvons compter sur l’appui de ces Etats auprès desquels nous devons agir sans retard. Je me réserve de voir à ce propos les représentants de ces pays à Rome et de leur parler très ouvertement.
Sur le troisième point, j’ai rappelé, comme je l’avais fait au comte Sforza, les termes du Message du Conseil fédéral page 51, texte français. M. Tittoni ignorait ce passage. «Si je l’avais connu, m’a-t-il dit, j’en aurais parlé à Sir Eric Drummond». Je me suis empressé d’envoyer aujourd’hui même le texte du Message à M. Tittoni, qui du reste l’avait déjà reçu par notre entremise.
M. Tittoni estime en outre qu’il faudrait immédiatement agir auprès de M. Bourgeois qui est reparti hier soir pour Paris. Il a vivement insisté sur ce point. Il m’a parlé à ce propos de M. Ador qui est en relation avec M. Bourgeois.
Tel fut en résumé mon entretien avec M. Tittoni.
Ne pensez-vous pas qu’il conviendrait que le Conseil fédéral, en se basant sur l’article 7, du Pacte, demandât au Conseil de la S.D.N. quand il comptait venir à Genève afin de prendre toutes les dispositions nécessaires. La question devrait figurer à la prochaine session du Conseil à Londres dans un mois.4
Aux détails que je vous donnais hier, j’ajoute encore les suivants:
La manœuvre contre Genève a provoqué dans le personnel administratif du Conseil une vive indignation. M. Colban, Norvégien, directeur de la Commission administrative, M.Van Hamel, Hollandais, directeur de la Section légale, Sir Herbert Ames, Canadien, ont exprimé leur indignation. Ce dernier s’est servi de ces termes: «I am disgusted».
J’apprends encore que le Cardinal Mercier, durant son séjour à Rome, a fortement travaillé pour Bruxelles. La voix de cet homme illustre est très écoutée dans les milieux du Vatican.
- 1
- Lettre (Urgent): E 2001 (B) 8/8.↩
- 2
- Cf. no 331.↩
- 3
- Ce télégramme, expédié de Rome le 19 mai disait: Je suis informé très confidentiellement que le télégramme du Conseil de la Société des Nations au Président Wilson ne mentionne pas le nom Bruxelles pour la première Assemblée mais l’Ambassade anglaise a été chargée de faire connaître à Washington que le lieu désiré était Bruxelles. Le Conseil de la Société a décidé aujourd’hui que sa prochaine session aurait lieu à Saint-Sébastien le 27 juillet et la session sui- vante à Bruxelles fin septembre. La troisième et dernière session du Conseil avant la première Assemblée aurait lieu dans la ville où se tiendra celle-ci. Le nom de Genève n’a pas été mentionné. (E 2001 (B)8/8). L’information du Ministre Wagnière était incomplète; dans ses délibérations, le Conseil de la Société des Nations évoque en effet Bruxelles, (cf. Procès-verbal de la 5ème session du Conseil de la Société des Nations, 1920, pp. 2, 32) et le texte du télégramme envoyé au Président Wilson qui a été approuvé par le Conseil, le 19 mai 1920, mentionne la ville de Bruxelles en ces termes: [...] Le Conseil est d’avis qu’il serait désirable eu égard à toutes les circonstances, que l’Assemblée se réunisse dans une ville d’Europe. Il souhaite vivement se mettre d’accord avec vous sur la question du choix de cette ville, et il a été unanime, en attendant, à exprimer le désir que vous veuillez examiner si, sans préjudice du lieu des sessions ultérieures, Bruxelles ne devrait pas être choisi pour cette réunion. Ibid., p. 200.↩
- 4
- Point d’interrogation en marge.↩
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