Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.3 Autriche
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 289
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.53-02#1000/1761#5* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.53-02(-)1000/1761 2 | |
Dossier title | Zweifel Jost (Misshandlung) (1920–1921) | |
File reference archive | C.15 |
dodis.ch/44500
En vous confirmant mon télégramme d’hier et mes rapports antérieurs concernant l’affaire du directeur Zweifel à Neunkirchen2 j’ai l’honneur de vous informer que, à l’exception d’une seule arrestation les mesures prises pour faire droit à nos réclamations se réduisent à très peu de chose. On a bien envoyé 30 gendarmes à Neunkirchen, mais cette force est insuffisante pour effectuer les arrestations nombreuses demandées par le juge d’instruction. Aussi ce dernier a-t-il interrompu son travail, faute de recevoir l’appui réclamé par lui du pouvoir exécutif. Dans ces circonstances j’ai cru bien faire en relevant vis-à-vis du Secrétaire d’Etat pour l’Alimentation le contraste existant entre sa demande d’une avance à faire par nous de 500 wagons de céréales et le peu d’empressement que met le Gouvernement à punir les fauteurs de désordre de Neunkirchen. M. Loewenfeld-Russ s’est montré très peu édifié de la faiblesse de ses collègues socialistes du ministère vis-à-vis des électeurs de M. Renner et m’a promis de relever la chose.
M. Ippen, le délégué du Chancelier au Département des Affaires étrangères, m’avait déclaré il y a quelques jours, presque les larmes aux yeux et en reconnaissant le bien-fondé de nos réclamations, qu’il avait fait tout ce qui dépendait de lui mais sans arriver à aucun résultat, son autorité étant presque nulle; j’ai cru cependant, avant de m’adresser au Président de l’Assemblée nationale, devoir recourir encore une fois au Chancelier d’Etat lui-même. M. Renner m’a reçu ce matin, et je ne lui ai pas dissimulé mon désappointement de ce qu’aucune mesure sérieuse n’ait été prise pour punir les coupables de Neunkirchen. Le Chancelier m’assura que par tous les moyens de persuasion possibles il avait cherché à calmer les ouvriers de Neunkirchen et de Ternitz; il aurait obtenu la démission (pas la destitution) de l’adjoint au Maire (Vice-Bürgermeister) Rohowetz qui a procédé aux perquisitions illégales chez Madame Zweifel, mais il fit valoir qu’on ne pouvait pas, sans risquer d’amener une regrettable effusion de sang, procéder à des arrestations en masse il releva aussi la situation particulièrement difficile créée par les événements d’Allemagne. A ce dernier argument, j’ai répondu en faisant remarquer que l’attentat contre Zweifel datait du 3 mars tandis que les troupes de Lüttwitz étaient entrées à Berlin le 13. Le Chancelier voulut bien reconnaître qu’on n’avait peut-être pas fait tout ce qu’on aurait pu faire et il croit qu’on aurait peutêtre pu arrêter les 5 ou 6 principaux meneurs en procédant avec précaution et sans éclat; il m’avoua du reste aussi que le Secrétaire d’Etat pour l’Alimentation avait rendu compte de mes observations au Conseil des Ministres tenu hier soir.
Je déclarai à M. Renner, qu’il me paraissait indispensable que l’on procédât sans plus tarder à l’arrestation des meneurs avec ou sans éclat, mais que j’espérais recevoir d’ici quelques jours l’avis de l’exécution des ordres qu’il voudrait bien donner.
Il faut absolument que nous arrivions à un résultat sans quoi le prestige de la Suisse en souffrira sensiblement et nos compatriotes ne se sentiront plus protégés par leur Gouvernement. Je vous ai déjà écrit que, dans la même région industrielle, nous avons plusieurs Suisses directeurs de fabriques qui sont venus solliciter ma protection et qui suivent avec anxiété les résultats de nos démarches.
Les missions étrangères, celles de l’Entente (l’américaine et l’anglaise notamment) aussi bien que les neutres s’intéressent également à l’affaire de même que le public en général; hier encore M. Mataja, ancien Secrétaire d’Etat, en faisait le sujet d’un discours. Mais pour obtenir quoi que ce soit d’un Gouvernement aussi faible et si plein d’égards pour les éléments d’extrême gauche il faut pouvoir user d’arguments pratiques; c’est pourquoi je dois prier instamment le Conseil fédéral de m’autoriser, en cas de besoin, à faire entrevoir le refus des céréales demandées, ou l’interruption des envois lorsqu’ils auront commencé, le refus des crédits que l’Entente nous engage à accorder à l’Autriche ou encore l’interruption des envois de secours (Liebesgaben) ou la cessation de l’hospitalisation des enfants en Suisse. Je demande à être appuyé par mon Gouvernement et à pouvoir parler le seul langage que comprennent les Gouvernants actuels de l’Autriche; mais, en même temps, je devrais être laissé libre de faire usage de menaces ou d’y renoncer ou encore de les réserver selon les besoins du moment et de la cause.3
29 mars. Par mon télégramme de ce jour répondant au vôtre (No 45) du 27 de ce mois4 vous aurez vu que mes allusions faites au Secrétaire d’Etat Loewenfeld-Russ ont déjà eu un léger effet sur le Gouvernement. Je n’ai malheureusement pas pu voir le Secrétaire d’Etat à la Justice, M. Ramek, Chrétien social, parti en vacances et ai dû me contenter de conférer ce matin avec son Sous-Secrétaire d’Etat socialiste Dr. Eisler qui m’a parlé dans le même sens que le Dr. Renner, c.-à-d. dans le sens du communiqué officiel que vous trouverez, sous ce pli avec le discours de M. Mataja, dans la «Reichspost» d’hier sous le titre «Die Herrschaft des Faustrechts in Österreich».
M. Eisler m’a assuré que tout serait mis en mouvement en vue de la punition des coupables; 38 personnes seraient sur la liste des prévenus et l’audition des témoins et des inculpés se déroulerait sans difficultés et sans qu’il soit besoin de procéder à des arrestations préventives; le grand nombre des personnes compromises serait toutefois de nature à faire durer la procédure. Le procureur de la République n’aurait plus insisté pour que l’on procédât à des arrestations parce que, comme le dit le communiqué, les inculpés ne pourraient pas, dans les circonstances actuelles, se soustraire à une arrestation par la fuite. Reste à savoir ce qui en est de ces assertions.
En effet, l’avocat de Zweifel, Dr. Wolf avec lequel je viens de téléphoner, me dit que le juge d’instruction considère comme par le passé, des arrestations comme nécessaires pour empêcher la collusion des témoins et inculpés qui se ferait déjà sentir; le procureur aurait renoncé à des arrestations uniquement parce qu’il aurait vu qu’on ne lui en fournirait pas les moyens. Si la «fuite» des inculpés, surtout à l’étranger, est peut-être difficile dans les temps actuels, rien n’est plus aisé pour un ouvrier que de «disparaître» en passant p.ex. dans un autre établissement avec de faux papiers. Bref l’avocat n’est nullement tranquillisé par les explications du Gouvernement. Je regrette infiniment que le Secrétaire d’Etat à la Justice soit déjà parti en vacances car c’est le seul membre du Gouvernement intéressé à l’affaire qui ne soit pas socialiste et qui en conséquence, n’ait pas la tendance de disculper des électeurs.
Je vous serais très réconnaissant de me faire savoir si je dois insister, coûte que coûte, sur l’arrestation préventive tout au moins des principaux meneurs. On m’oppose toujours le danger qu’il y aurait à faire naître de nouveaux troubles, on parle d’effusion de sang etc. mais, d’autre part, ne devons-nous pas craindre qu’on ne cherche qu’à gagner du temps et à faire oublier l’incident? La politique de partis joue malheureusement un certain rôle dans l’affaire et complique les choses. Pour ma part j’estime que nous devrions insister sur l’arrestation des meneurs, au moins cinq à six peut-être; mais nous devons, dans ce cas, prévoir la possibilité de quelque résistance à la force armée et au besoin des coups de fusil et pour ma part je tiens à être couvert dans ce cas. D’autre part, pour obtenir que pareille mesure soit prise, il faut, je le répète, que je puisse exercer une certaine pression.
A titre confidentiel je vous dirai encore que, en réservant ma démarche auprès du Président Seitz pour la dernière extrémité, j’ai agi après m’être consulté avec mon vieil ami le baron Flotow qui liquide le Ministère austro-hongrois des Affaires étrangères. Il lui paraissait plus correct, et je me suis rallié à sa manière de voir, de tenter toutes les démarches possibles auprès du Département des Affaires étrangères avant d’en appeler au Chef de l’Etat et il ne faut pas qu’on puisse nous faire le moindre reproche quant à la forme, car les socialistes ne seraient que trop empressés de se saisir du plus insignifiant faux-pas de notre part. Comme dans votre télégramme No 45 du 274 vous vous montrez surpris (etwas erstaunt) de ce que je ne vous aie pas encore fait rapport sur l’audience que je comptais demander au Président je dois faire remarquer que le Préfet de police pensant, lui aussi, qu’il est un peu tard pour user de violence (voir mon rapport du 18 mars)5 et votre télégramme No 40 du 134 ne me laissant aucune arme pour exercer une pression, j’ai préféré, après mûre réflexion être économe de mon influence, la persuasion étant le seul moyen d’action qui me reste.
En dehors des correspondances télégraphiques, en grande partie officieuses, nos journaux n’ont pas, je crois, parlé de l’affaire Zweifel, je n’ai au moins vu aucun article rédactionnel. Ne serait-il pas utile d’inspirer quelques articles dans la presse des différents partis et des trois langues. Si un journal socialiste pouvait être amené à critiquer l’attitude de ses coreligionnaires politiques ce serait parfait, mais cela vous est-il possible? Il est dans tous les cas intéressant de constater l’influence que peut avoir une agence télégraphique étrangère pour faire apparaître un incident sous le jour qui convient à ses inspirateurs.
- 1
- Lettre: E 2200 Wien 11/2.↩
- 2
- Pour un résumé de cette affaire, cf. no 297.↩
- 3
- Par lettre du 31 mars 1920 au Ministre de Suisse à Vienne, le Département politique définissait sa position: In der Angelegenheit der Misshandlung des Direktors Zweifel in Neunkirchen beehren wir uns, Ihnen nachstehend den Wortlaut unseres heutigen Telegrammes zu bestätigen: «Bundesrat muss mit Befremden feststellen, dass österreichische Regierung ihre wiederhol- ten, bestimmten Versprechungen in Angelegenheit Direktors Zweifel nicht ein/geyiöst hat. Nach Monatsfrist befinden sich Rädelsführer des schamlosen Attentats stets unbehelligt auf freiem Fuss. Diese Sachlage hält Bundesrat für unannehmbar, und trotz eines Widerstrebens, gegenüber einem Lande, das freundschaftlichste Beziehungen mit der Schweiz verbinden, Gegenmassnahmen anzuwenden, muss er zu seinem grössten Bedauern Möglichkeit ins Auge fassen, sich von im Gange befindlicher finanzieller Hilfsaktion für Österreich zurückzuziehen. Bereits hatte Bundesrat amerikanischer und englischer Regierung seine grundsätzliche Bereitwilligkeit ausgesprochen, mit ihnen und weiteren Staaten an solcher allgemeiner Hilfsaktion teilzunehmen. Vorgängig offizieller Konferenz werden vorläufige diesbezügliche Besprechungen nächste Woche in Paris stattfinden. Schweizerischer Delegierter, Generaldirektor Nationalbank, von Haller, wird Auftrag erhalten, auf veränderte Sachlage hinzuweisen und ändern Regierungsvertretern bedauerliche Umstände auseinander zu setzen, die Bundesrat zwingen würden, auf ursprünglich zugesagte Mitwirkung an Hilfsaktion zurückzukommen, wenn nicht in kürzester Frist Hauptschuldige Mordanschlages auf Schweizerbürger Zweifel festgenommen und Strafgerichten überwiesen werden. Bundesrat beauftragt Sie, Österreichischer Regierung Vorstehendes unverzüglich zu eröffnen.» Wie Sie daraus ersehen, hält nunmehr der Bundesrat die heutige Sachlage für unannehmbar und ist fest entschlossen, Gegenmassnahmen anzuwenden, wenn die österreichische Regierung, bezw. Staatskanzler Renner, die gegebenen bestimmten Versprechungen in dieser Angelegenheit nicht einlöst. Diese Gegenmassnahmen würden darin bestehen, dass sich die Schweiz von der bereits im Gange sich befindlichen allgemeinen finanziellen Hilfsaktion für Österreich zurückzieht. Die Vorbereitungen und Einzelheiten dieser Hilfsaktion wurden in unseren politischen Berichten Nr. 1 und 2 vom 16. und 22. März d.J. erörtert, auf die wir hier zu verweisen uns gestatten. Herr Generaldirektor von Haller begibt sich nächste Woche nach Paris. Er hat von uns die Weisung erhalten, sich wohl an den vorbereitenden Besprechungen zu beteiligen, die anderen Regierungsvertreter indessen auf die veränderte Sachlage aufmerksam zu machen und sie von der bestimmten Absicht des Bundesrates in Kenntnis zu setzen, auf die ursprünglich zugesagte Mitwirkung an der Hilfsaktion zu verzichten, wenn uns nicht ohne weiteren Verzug die verlangte Satisfaktion zuteil würde. Wir hoffen, dass diese Instruktionen an Herrn von Haller, die durchaus keine leeren Drohungen sind, und von denen Sie wohl inzwischen Herrn Renner Kenntnis gaben, auf den Staatskanzler einen Eindruck auszuüben vermögen. Die Aussicht, dass die peinliche Angelegenheit Zweifel und das ganze Verhalten der österreichischen Regierung vor den verschiedenen Regierungsvertretern in Paris erörtert wird, und die Möglichkeit eines Rücktrittes der Schweiz von der geplanten Hilfsaktion, dürfte wie keine andere Massnahme geeignet sein, die österreichische Regierung zu bestimmen, endlich die Schritte zu tun, die ihr ein ehrliches Rechtsbewusstsein und politische Klugheit längst schon vorschrieben. [...] . (E 2200 Wien 11/2)↩
- 4
- Non reproduits.↩
- 5
- Non reproduits.↩
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