dodis.ch/44398 Le Chargé d’Affaires de Suisse à Bruxelles,
F. Barbey, au Chef du Département de l’Economie publique,
E. Schulthess1
Bruxelles, 8 décembre 1919
Je m’empresse de vous accuser réception de votre honorée du 4 décembre2 qui s’est probablement croisée avec celle que j’ai écrite le 2 décembre3 à M. Stucki et dans laquelle je lui communiquais l’état de la question du charbon. Comme je le lui disais, le Ministre des Affaires économiques ayant créé un comité de répartition du charbon dont il attend le rapport avant de prendre aucune décision, M. Jaspar m’a prié d’attendre une dizaine de jours avant de venir lui reparler du renouvellement de l’accord. Entre temps, l’opinion publique et la presse continuent de protester journellement contre les exportations de charbon à l’étranger, en présence de la crise très aiguë que traverse le pays lui-même, de telle sorte que le ministre, qui vient d’être maintenu à son poste mais qui a été furieusement attaqué par le monde industriel sur cette question, demeure très prudent, même craintif.
M. Stucki, dans sa lettre, me laisse entendre que vu la situation financière difficile de la Suisse, il ne faut pas trop compter sur le renouvellement du crédit. Je lui ai écrit que d’après une conversation de M. Jaspar avec M. Ador, la Belgique n’avait pas l’air de tenir beaucoup à ce crédit, mais depuis lors, j’ai su que la Banque Nationale de Belgique était intervenue et maintenait, elle, catégoriquement, la condition.
Dans ces conditions, tout en reconnaissant avec vous l’extrême prudence qui s’impose pour Anvers, vis-à-vis de la Hollande, je crains qu’il ne me soit très difficile d’obtenir outre la suppression du crédit l’abrogation de l’article 2 que vous demandez. Je suis absolument de votre avis qu’en pratique cette clause ne sert pas à grand-chose, puisque ce seront toujours les conditions de frêt et de rapidité de déchargement qui dicteront à la Suisse le choix de ses ports de ravitaillement. Néanmoins, vous n’ignorez pas que les Belges et le Gouvernement Belge sont d’une susceptibilité aiguë sur le chapitre d’Anvers, que ce point constitue l’âme des rapports belgo-suisses. Voulons-nous avoir le concours assuré de la Belgique dans la question de l’internationalisation du Rhin, contre la France et ses projets de canal de Strasbourg à Bâle, il est indispensable, qu’en principe du moins, nous favorisions Anvers, et que nous le disions aux Belges. Si nous retirons cette clause (qui, je le répète, a peu de portée pratique) nous perdrons, j’en suis persuadé, les bonnes dispositions témoignées jusqu’ici et cela sera d’un très mauvais effet.
L’attention de la Hollande n’eût pas été éveillée, si on n’eut pas donné de publicité à notre accord, comme on l’a fait autrefois pour les accords germanosuisses de 1916–1917 dont on s’est borné à publier un résumé. Je regrette pour ma part vivement la publication de l’accord belgo-suisse, qui m’a valu également ici des représentations de la Légation des Pays-Bas. Je me suis efforcé de calmer celle-ci et je crois y avoir réussi.
Je ne manquerai pas de suivre de très près la politique charbonnière belge qui conditionne rigoureusement les possibilités d’exportation et je m’efforcerai de déterminer d’ici à une quinzaine de jours les chances que nous avons soit d’obtenir la continuation des exportations soit leur augmentation (ce qui me paraît très douteux).4