Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.1 LA SITUATION GÉNÉRALE
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 7-II, doc. 35
volume linkBern 1984
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001B#1000/1522#1* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 1 | |
Titre du dossier | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1918–1920) | |
Référence archives | D.1 |
dodis.ch/44246
La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
La grève générale qui a été proclamée à Bâle le 31 juillet et à Zurich le 1er août s’est limitée à ces deux villes. A Bâle, il y a eu à déplorer des morts et des blessés, à Zurich pas. La grève est poussée avec plus d’énergie à Bâle qu’à Zurich, où il ne s’est agi en somme que de suivre l’impulsion donnée. Le 1er août, on n’était pas sans inquiétude et l’on craignait que le mouvement ne fit tache d’huile. Si Berne avait suivi l’exemple, on redoutait que les employés de chemin de fer n’en fissent autant, ce qui nous aurait mis en présence d’un mouvement révolutionnaire général analogue à celui de novembre 1918. D’après ce que M. Graber avait dit à des journalistes, on savait que la Suisse française, tout en déclarant qu’elle ne marcherait pas, laisserait faire les Zurichois et il n’était pas impossible qu’un succès éventuel de ces derniers n’entraînât beaucoup de monde, même en Suisse française, d’autant plus que les socialistes vaudois décidaient de se rattacher à la troisième internationale. Enfin, l’on savait que le comité d’Olten était débordé et que les masses prolétaires n’étaient plus entre les mains de leurs chefs parlementaires.
Tous ces éléments du problème pouvaient être interprétés dans les deux sens, de sorte que la situation présentait une certaine gravité le 1er août. Mais, dès ce jour-là, divers symptômes indiquèrent que Berne ne se laisserait pas entraîner et les cheminots non plus. Une manifestation des Jungburschen ne réunit guère que 150 personnes sur le Waisenhausplatz, alors que des milliers de bourgeois se rassemblaient en même temps devant le Palais fédéral pour chanter des Hymnes patriotiques et pour acclamer les discours nettement anti-bolcheviques de MM. Tschumi, Conseiller d’Etat bernois, en allemand, de M. Cérésole, représentant de l’association romande de la Nouvelle Société Helvétique, en français, de M. Gianini, représentant de la «Pro Ticino», en italien. M.le Président de la Confédération, appelé avec insistance par la foule, prononça aussi quelques mots qui furent très applaudis.
Hier, il a été question de voir la grève s’étendre aussi à Winterthur, mais il est aujourd’hui avéré que Bâle et Zurich restent seules contaminées, les autres centres suisses ayant refusé de se joindre à un mouvement qui leur paraissait manquer de toute base économique. On peut considérer la situation comme définitivement éclaircie et la grève naturellement terminée.
Les troupes mises sur pied ne sont pas très considérables et il est à espérer que les dragons et leurs chevaux pourront bientôt aller reprendre leurs travaux des champs.
Cette agitation sociale n’est pas seulement regrettable en soi; elle a encore l’inconvénient qu’elle fournit à l’étranger des armes à ceux qui cherchent à nuire à la Suisse et, en particulier, à lui retirer l’honneur de fournir le siège à la Ligue des Nations.
Déjà au moment où l’on cherchait où se réunirait la Conférence de la Paix et où les Américains suggéraient la Suisse, on exploita contre ce projet la grève générale de novembre 1918. Plus tard, certains milieux de l’étranger paraissent avoir répandu le bruit que la Suisse hébergeait des anarchistes et que c’était chez nous que se distribuait l’argent de la propagande bolchevique. Depuis que la Belgique a commencé à agir avec énergie et avec un certain succès auprès des Alliés pour substituer Bruxelles à Genève comme siège de la Ligue des Nations, tous les arguments sont mis en oeuvre; nous savons que des agences américaines ont refusé de publier de petites notes d’une extrême perfidie, dans lesquelles la Suisse était appelée le Mexique de l’Europe. Nous devons réagir nettement contre ces calomnies. Il y a eu en Suisse moins de grèves que dans n’importe quel autre pays et il n’y a aucune raison pour que nous laissions s’accréditer des légendes inexactes et nuisibles. [...]2
Le 30 juillet, M. Calonder a reçu le Vice-capitaine du Vorarlberg, M. Redler, qui lui a exposé la situation à peu près dans le même sens que nous avions l’honneur de le faire dans la lettre que nous vous avons adressée le 29 juillet.3
Il nous revient tout à fait confidentiellement que l’Autriche-allemande s’apprête à prendre une position plus franchement opposée à l’abandon du Vorarlberg et que l’assemblée nationale autrichienne compte s’occuper de cette affaire plus qu’elle ne l’a fait jusqu’ici. On nous dit aussi que le Gouvernement autrichien aurait remis au Dr. Ritter, représentant du Chapitre de Souabe, une somme importante destinée à combattre le rattachement du Vorarlberg à la Suisse. On n’a pas l’impression que tout cela serve à grand’chose; le mouvement en faveur de la Suisse ne fait que croître et se cristalliser.
Au Landesrat, le parti socialiste opposé au rattachement ne compte que deux députés, dont l’un s’est déjà rallié à l’idée suisse, de sorte que, lors des dernières délibérations, il ne s’est trouvé qu’un seul membre du Parlement Vorarlbergeois, M. Zumtobel, pour parler contre le rattachement.
Si l’idée de la réunion du Vorarlberg à la Suisse échoue, cela ne sera certainement pas dû au manque de bonne volonté de la part de la population ni à une opposition de la part de la Suisse, mais à un manque d’énergie et de résolution des deux côtés. Au Vorarlberg, on est si fatigué de la guerre qu’on ne veut pas envisager de révolution d’aucun genre et en Suisse, on a si peur des complications internationales qu’on préfère laisser aller les choses plutôt que d’encourir ce risque4.[...]5
Un congrès socialiste international siège à Lucerne; plus de soixante délégués y représentent vingt-deux pays. M. Henderson paraît y jouer un rôle assez important. Il voudrait persuader les Gouvernements alliés de la gravité de l’heure et de l’importance qu’il y aurait pour eux à tenir compte de l’état d’esprit des masses ouvrières. [...]6
Il nous revient que l’Ambassadeur de France, M. Dutasta, serait transféré. Cette nouvelle, qui nous était parvenue il y a une dizaine de jours, trouve sa confirmation dans un rapport de presse d’après lequel M. Dutasta irait à Berlin. Lui-même dit qu’il n’est pas question pour lui d’un transfert.
On parle aussi du transfert du Ministre d'Angleterre, Sir Horace Rumbold.
La question du charbon reste brûlante en Angleterre. Le prix élevé qu’atteint ce combustible aura les répercussions les plus fâcheuses sur l’exploitation de toutes les industries et sur les prix de presque tous les produits. Les Etats-Unis sont aujourd’hui en mesure de fournir dans les ports d’Europe du charbon à meilleur compte que la Grande-Bretagne.
M. Bonar Law continue à se dérober lorsque la Chambre des Communes l’invite à préciser la future politique économique et commerciale anglaise.
La question d’Irlande reste ouverte et M. Lloyd George se borne à insister une fois de plus sur les difficultés presque insurmontables que présente la solution du problème.
La situation des troupes britanniques dans la Russieseptentrionale est considérée comme fort précaire. On a trop prêché aux troupes envoyées en juin dernier d’Angleterre en Russie qu’elles seraient retirées avant l’hiver. Naturellement cette promesse a été connue dans les cercles russes, de sorte que même les Russes anti-bolcheviques n’osent pas prêter leur appui aux Anglais de peur d’être ensuite privés de la protection de l’armée britannique et exposés à la cruelle vengeance des Bolcheviques.
D’autre part, il nous revient de Russie que les Alliés, et en particulier les Français et les Anglais, y sont l’objet d’une telle haine que Koltchak et Denikine, loin de retirer un profit de leur appui, en souffrent plutôt. On assure que seul un gouvernement qui se désolidariserait jusqu’à un certain point de Paris et de Londres aurait quelque chance de succès.7
- 1
- (Copie): E 2001 (D)c 1/1910-1919.↩
- 2
- Suit un passage sur la question d’une station radiotélégraphique pour la Société des Nations qui a été biffé vraisemblablement par Calonder; de toute façon, le Chef du Département politique a corrigé quelques passages de ce texte.↩
- 3
- Non reproduit, cf. E 2001 (D) c 1/1910–1919.↩
- 4
- Ce passage a été biffé au crayon.↩
- 5
- Ont été supprimées des informations sur le rattachement de Büsingen à Schaffhouse, sur le Liechtenstein, la réorganisation du Service consulaire et le Splügen.↩
- 6
- Ensuite, le rapport donne les résultats des élections en Tchécoslovaquie, parle de la situation intérieure en Allemagne et décrit l’engagement britannique en Russie.↩
- 7
- Ce paragraphe a été biffé au crayon.↩
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Mouvement communiste Énergie et matières premières Charbon La question du Vorarlberg (1919)