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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 440
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1501#270* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1501 5a | |
Dossier title | Zuwanderung von Juden aus Russland (1920–1922) | |
File reference archive | A.43.5 |
dodis.ch/44185
L’Adjoint à la Division des Affaires étrangères du Département politique, Ch. E. Lardy, au Chef du Département politique, F. Calonder1
NOTES SUR LE BOLCHEVISME EN SUISSE EN 1919
Sur l’origine du Bolchevisme en Suisse et sur la manière dont le mouvement révolutionnaire s’y est développé au cours des années 1917 et 1918, lire: «Bericht des ersten Staatsanwaltes A. Brunner an den Regierungsrat des Kantons Zürich» du 9 Novembre 1918.
Sur la grève générale de Novembre 1918 et sur le Procès des agitateurs, la presse a donné des renseignements suffisants pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir. Bornons-nous à indiquer que, du 12 Novembre au 31 Décembre 1918, le Conseil fédéral a expulsé 45 bolcheviks, alors qu’il n’en avait expulsé qu’un seul pendant le commencement de l’année 1918. Ces 45 anarchistes se répartissent, par nationalité, de la manière suivante:Russie........................................................................................................................... 18 Italie................................................................................................................................ 11 Autriche-Hongrie...................................................................................................... 7 Pologne......................................................................................................................... 3 Allemagne.................................................................................................................... 3 France........................................................................................................................... 2 Argentine...................................................................................................................... 1
Pour autant qu’il est possible d’en juger, ces expulsés se répartissent parmi les professions suivantes:Etudiants et intellectuels........................................................................................... 14 Ecrivains et journalistes............................................................................................. 8 Ouvriers de tout genre (mécaniciens, lithographes, volontaires, peintres)... 14 Sans profession........................................................................................................... 6 Petits commerçants.................................................................................................... 2
Les Russes expulsés sont presque tous des intellectuels, alors que les Italiens sont en général des ouvriers.
Du 1er janvier au 20 avril 1919, le Conseil fédéral a expulsé 50 bolcheviks qui, d’après leur nationalité, se répartissent comme suit:Russes....................................................................................................................... 17 Italien s....................................................................................................................... 11 Allemands................................................................................................................ 8 Français.................................................................................................................... 5 Austro-Hongrois..................................................................................................... 4 Polonais.................................................................................................................... 3 Espagnols................................................................................................................ 1 Serbe......................................................................................................................... 1et, d’après leur profession:Intellectuels.............................................................................................................. 9 Ecrivains.................................................................................................................. 2 Ouvriers.................................................................................................................... 19 Techniciens.............................................................................................................. 2 Petits commerçants................................................................................................ 8 Domestiques........................................................................................................... 2 Aubergiste................................................................................................................ 1 Sans profession....................................................................................................... 7
Cette année encore, les Russes sont en général des intellectuels et les Italiens des ouvriers.
En ce qui concerne le développement du mouvement bolchevik en Suisse au cours de l’année, il y a lieu de noter ce qui suit:
Au cours du mois de Janvier, des renseignements recueillis par l’Etat-Major nous ont signalé un certain nombre de réunions à Zurich et dans les environs. Il s’agissait là de l’organisation des Conseils de soldats et des Conseils d’ouvriers. Platten et Nobs, au sein d’une réunion du parti communiste de Zurich, ont déconseillé une action violente, tandis que les ouvriers se montraient disposés à une grève révolutionnaire. Platten, en déconseillant la grève politique générale, annonça qu’il allait prendre contact en Allemagne avec Spartacus.
En même temps, l’association internationale des travailleurs se réunissait à Genève. Le communiste Müller estimait ne rien pouvoir entreprendre en présence de l’échec de Spartacus en Allemagne. Mais le Russe Lippmann encourageait à Genève le groupe communiste et lui promettait pour dans 6 semaines le commencement d’une activité féconde. A Genève aussi, on tentait le développement d’une organisation de soldats et la création d’un groupe welsche en commun avec Lausanne.
L’Ambassade de France n’a cessé, à la fin de 1918 et au commencement de 1919, d’insister pour que nous coopérions à la recherche des fonds bolcheviks en Suisse et à leur séquestre. Il ne lui a jamais été répondu, bien que l’affaire eût été transmise au Département de Justice et Police.
Au mois de février, nous avons eu quelques renseignements sur la manière dont la France organise en Suisse son service anti-bolchevik. Elle entretient à cet effet chez nous un agent assez louche: Henri de Ratuld, qui fait plus ou moins partie de l’Etat-Major de la Marine française et qui est un ancien maître de l’Ecole Berlitz de Varsovie. Cet homme a été fortement compromis dans les plus vilaines histoires d’espionnage français en Suisse, et en particulier dans l’affaire de l’empoisonnement du bétail. A cette époque, on objecte en France aux manifestes révolutionnaires qui arrivent d’Allemagne à travers la Suisse: une petite note Havas parle de la responsabilité du Gouvernement suisse dans cette affaire.
A Zurich, les chefs communistes continuent à recommander une attitude expectative, mais ils n’ont plus les ouvriers en mains et ceux-ci poussent à la Révolution: le signal devrait partir de Winterthur. Pendant cette période, Winterthur est le centre de l’agitation.
Les Spartaciens de Constance se réunissent pour intensifier leur propagande en Suisse.
Au mois de mars, le bruit se répand dans l’Allemagne du Sud que les Spartaciens sont disposés à accorder à leurs coreligionnaires de Suisse une assistance armée. Notre Légation à Berlin s’inquiète des succès bolcheviks en Allemagne et M. Mercier nous donne des conseils sur la manière de combattre la Révolution si elle devait éclater chez nous.
La Légation d’Italie à Berne se préoccupe aussi de la situation et nous donne des renseignements sur l’état des esprits à Zurich. Les agitateurs auraient décidé qu’en cas de révolte les consulats de l’Entente ne seraient pas protégés, car ils sont un nid de propagande anti-bolchevik, le consulat d’Angleterre en particulier.
Les communistes de Zurich lancent une proclamation contre la justice militaire.
En avril, l’Etat-Major constate que l’organisation des Conseils de soldats échoue.
Notre Légation à Bucarest nous signale des Bolcheviks bulgares en Suisse, et le chargé d’Affaires de Belgique raconte des histoires abracadabrantes sur les pasteurs et professeurs de Berne, qui prêcheraient le Bolchevisme et corrompraient la jeunesse.
Les journaux français et italiens (Revue hebdomadaire et Corriere délia Sera) parlent de la faiblesse de la Suisse à l’égard des bolcheviks en général et de la mission des Soviets en particulier et disent qu’une pression de M. Sonnino a seule fini par décider la Suisse à agir.
A Zurich, cortège et démonstrations sans résultat; les communistes décident de tenter une propagande de grand style sur les permissionnaires américains que l’on attendait alors et qui ne sont pas venus.
22 Avril. Lorsque le jugement dans le Procès des meneurs de la grève de Novembre 1918 a été connu, cela a aggravé la situation politique. Des réunions de protestation ont eu lieu à Berne, Zurich, Bâle, Langenthal, Bienne, La Chaux-de-Fonds et à plusieurs endroits de moindre importance et on y a prononcé des paroles de menace. Dans le pays en général, la population a accueilli le jugement avec le plus grand calme. C’est surtout à Soleure que les ouvriers se sont montrés violents et les meneurs provocants. A Delémont aussi, les Jung-Burschen sont très remuants. A Thoune, on parle de grève générale. De l’Oberland est venu le bruit que la grève générale serait annoncée par des insertions d’apparence anodine dans les journaux socialistes.
Un parti communiste s’est formé à Bienne et a tenu une réunion le 21 avril. Brandenberger a parlé contre l’arrestation d’Humbert-Droz; la réunion eut un cours paisible.
Des Bolcheviks s’adressent aux petits paysans des campagnes pour leur décrire leur triste situation et leur promettre des avantages dans l’Etat à venir.
A Genève, Lausanne, Neuchâtel, Bâle et Zurich, la situation ne présente rien d’inquiétant.
En mai, il ne nous est plus arrivé d’aucun côté des rapports alarmants. On peut donc constater que la situation a été régulièrement en s’améliorant. A mesure que les Bolcheviks échouaient en Hongrie et que les Spartaciens perdaient leur prestige en Allemagne, nos anarchistes se montraient moins turbulents. Les rapports d’avril étaient partout fort tranquillisants; le 1er mai s’est passé sans démonstrations et le mois de mai s’est écoulé sans aucun trouble. Le seul événement à signaler est le groupement des communistes de notre pays en un parti communiste suisse, qui vient ainsi d’obtenir sa consécration officielle. Brandenberger en est le membre le plus remuant.
Aussi est-ce avec la plus vive surprise que le Département Politique a appris, au milieu de mai, que M. Paulucci s’était rendu à Rome pour effrayer le Gouvernement italien sur la situation intérieure en Suisse et sur la propagande à laquelle les Bolcheviks s’y livraient. En effet, M. Borsarelli, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, informa notre Légation à Rome de ses inquiétudes, lui dit qu’une sorte de séance du Conseil des Ministres avait eu lieu, au cours de laquelle Paulucci avait exposé la situation. Paulucci était reparti pour faire à Berne d’énergiques représentations, qu’il n’a d’ailleurs pas faites. Borsarelli nous reproche notre liberté abusive qui menace l’existence de l’Italie. Il est vrai que le Ministère des Affaires étrangères avoue n’avoir reçu aucune nouvelle sur l’organisation du Bolchevisme en Suisse, et ne rien savoir des plans de Lénine. Il reconnaît que Paulucci, en répandant ces nouvelles alarmistes, n’a pas indiqué de source.
En même temps que ces renseignements de Rom e, il nous revient que le général italien Segré s’est présenté à Innsbruck à M. Paderewski, en l’adjurant de ne pas traverser la Suisse où Zurich est en révolution et où son train sera infailliblement arrêté!
Enfin le roi d’Espagnea dit à M. Mengotti que l’argent nécessaire à la propagande bolchevik arrive principalement de Suisse à la banque allemande transatlantique de Madrid. Il suggère que nos Banques signalent les virements de sommes importantes faites de Suisse en Espagne par des étrangers. Il espère que la Suisse expulsera beaucoup de bolcheviks.
On assure au Ministère Public de la Confédération que depuis des mois M. Spinazzola, l’informateur italien, ne s’est pas présenté, n’a pas fourni de renseignements et n’a pas fait d’observation d’aucune sorte. On confirme que le mouvement bolchevik, loin de se développer, ne bat plus que d’une aile et tombera de lui-même avec l’effondrement probable et prochain du régime des Soviets en Russie. Enfin on déclare que la surveillance des éléments dangereux ne s’est nullement relâchée et l’on en donne pour preuve le grand nombre d’expulsions auxquelles on procède.
On admet donc que les inquiétudes de l’Italie n’ont, jusqu’à plus ample informé, aucune base. Il ne faut pas négliger de mentionner ici que des officiers français en Autriche ont assuré à M. Bourcart que les Italiens d’une part et des cercles financiers internationaux d’autre part ont l’intention de créer des désordres en Suisse. Les mauvaises intentions à notre égard sont confirmées d’autre source à notre Ministre à Vienne.
En ce qui concerne la condamnation des meneurs de la grève de Novembre 1918, la notification a déjà été faite aux Cantons par les soins du Département de Justice et Police. Le Canton de Berne a accordé à M. Grimm un sursis, ce qui est, paraît-il, d’un usage constant. On ignore au Ministère Public si un sursis analogue a été accordé aux autres condamnés et l’on redoute qu’une amnistie ne vienne les libérer avant qu’ils n’aient fait même une heure de prison.
Le Congrès socialiste de Milan, qui a blâmé le Traité de Paix, peut avoir énervé les Italien s. La présence en Suisse de Longuet et MacDonald, qui ont participé à ce Congrès de Milan, peut augmenter cet énervement. Les violentes attaques du parti socialiste suisse contre le Traité de Paix peuvent mettre le comble à cet énervement.
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