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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 435
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#895* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 395 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 19 (1919–1919) |
dodis.ch/44180
La «Gazette Officielle» vient de publier le compte d’Etat bouclé au 31 mars 1919. Il marque une augmentation de 9.700.000.000.- lires dans les dettes de l’Etat depuis l’armistice, c’est-à-dire en cinq mois. Sans doute dans ce chiffre doit être comprise une grosse somme pour la liquidation d’engagements précédents. Néanmoins ce chiffre est effrayant: il montre que l’Etat s’endette de près de deux milliards par mois. Jamais pendant la guerre les dépenses de l’Etat n’ont atteint de pareilles proportions. Les économies qui résultent de la cessation des hostilités sont largement compensées par les augmentations de traitements aux employés de l’Etat et par les travaux publics pour lesquels on s’est hâté de voter des milliards de façon à prévenir le chômage des démobilisés. Si l’on continue de ce pas on arrivera à une dépense ordinaire oscillant entre les huit et dix milliards de francs.
Voyons maintenant les entrées du premier juillet 1918 au 31 mars 1919, c’est-àdire en neuf mois; elles ont produit 4.479.000.000.- Mais cette somme ne peut pas servir à établir un budget exact de l’après-guerre. En effet, il faut en déduire les recettes extraordinaires résultant des impôts sur les bénéfices de guerre. Il serait imprudent de considérer cette ressource de 4.479.000.000.-, obtenue en neuf mois, comme permanente. Elle se réduirait, d’après les calculs de personnes compétentes, à 3.300.000.000.- ce qui correspond à une entrée de 4.400.000.000.- par an. Pour arriver à équilibrer le budget, il faudrait doubler le revenu des impôts et réaliser des économies radicales. Or, les prétentions de tous les salariés ne font qu’augmenter. Un chiffre vous donnera une idée de la situation économique actuelle: les imprimeries de l’Etat qui faisaient payer 53 lit. la feuille d’imprimerie, demandent actuellement 199 lit. A l’Institut International de l’Agriculture, qui produit une quantité énorme d’imprimés, nous payons environ 127 lit. la feuille payée jusqu’ici 26 lit.
L’Italie ne pourrait se tirer d’affaires que par un nouvel emprunt, mais le Ministère du Trésor craint, me dit-on, qu’un nouvel appel au crédit trouve un accueil médiocre. Le Ministre se préoccupe de faire plus petite figure que M. Nitti. Un nouvel emprunt, même s’il n’était couvert que partiellement, serait moins dangereux qu’une augmentation des bons du trésor.
La décision de Paris au sujet de la question de l’Adriatique se fait toujours attendre. Quelle qu’elle soit, on peut être certain qu’elle ne contentera personne et qu’elle prépare à l’Europe de nouveaux conflits. On peut dire de l’Autriche-Hongrie ce que Thiers disait de la Turquie: «Si on la tue, son cadavre empestera l’Europe pendant cent ans».
Un confident de M. Wilson, et qui a vu le Président ces derniers jours, m’affirme ce qui suit: «Il est absolument faux de croire que M. Wilson, en lançant son fameux manifeste qui a provoqué le départ de MM. Orlando et Sonnino de Paris, ait agi à l’insu de ses Alliés. MM. Clemenceau et Lloyd George étaient parfaitement informés et avaient reçu, avant sa publication, un exemplaire du manifeste: si le «Temps» a publié ce document, ce n’est certainement pas M. Wilson qui lui en a donné copie; il faut donc admettre que le grand journal parisien a eu sous les yeux l’exemplaire donné à M. Clemenceau.»
Il paraît de plus en plus évident que la France, malgré le langage amical et conciliant de ses journaux, est hostile aux revendications italiennes dans l’Adriatique. Et quant à l’Angleterre, elle est contraire aux compensations que l’Italie réclame en Afrique: on a trop répété ici que l’Italie était l’héritière de Rome; ni à Londres, ni à Paris, on ne veut encourager chez les nationalistes italiens les projets de reconstitution de l’Empire romain.
On se préoccupe aussi chez les Alliés des avances de plus en plus significatives que l’Italie fait à l’Allemagne. «M. Sonnino», me disait un très haut personnage américain, «n’a jamais complètement rompu avec Berlin. Il a toujours laissé une porte ouverte de ce côté.» Le même interlocuteur m’affirme que l’Italie s’est fait un tort immense en Amérique, même chez les adversaires de M. Wilson, et qu’elle a fortifié la popularité du Président. Si les excitations de la presse contre lui venaient par hasard à produire quelque acte de violence, toute l’Amérique ressentirait l’injure et en demanderait réparation.
Dans ces circonstances il est difficile d’admettre que la Conférence de Paris fera à l’Italie des concessions beaucoup plus grandes que celles dont on parle en ce moment-ci. M. Wilson n’agit pas par amitié pour les Yougo-Slaves, mais en vertu du principe suivant lequel les nouveaux Etats formés sur les débris de l’Autriche-Hongrie devaient avoir des débouchés maritimes et une liberté de mouvements.
Je ne discute pas ce point de vue. Je me borne à rappeler que les nombreuses concessions et contradictions que l’on reproche à M. Wilson justifient l’espoir des Italiens dans une plus grande générosité à leur égard.
Tout le monde ici se préoccupe des conséquences de la Paix car on ne manquera pas d’exploiter auprès des masses populaires le fait que l’Italie a supporté des sacrifices immenses et irréparables pour des bénéfices qui ne sont pas à comparer avec ceux de ses Alliés.
Mon collègue de Suède, dans l’opinion duquel j’ai une grande confiance, approuve très vivement la note du Conseil fédéral en réponse à l’invitation de l’Entente2 concernant le blocus de l’Allemagne. Il trouve que la Suède a été moins heureuse en se bornant à déclarer qu’elle entendait reprendre son commerce avec l’Allemagne, sans rappeler les principes de neutralité proclamés au début de la guerre.
L’agitation ouvrière est toujours de plus en plus intense. On commente très vivement les décisions prises à Milan par une réunion socialiste internationale condamnant les termes de la paix et la prolongation du blocus de la Russie.
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