Également: Questions en vue d’un projet de droit de pavillon du Rhin. Annexe de
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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 401
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E8170D#1000/1977#222* | |
Old classification | CH-BAR E 8170(D)1000/1977 30 | |
Dossier title | Memoiren, Protokolle, Exposés, Korrespondenz (14 g) (1919–1919) | |
File reference archive | 520-1 |
dodis.ch/44146
Les peuples de l’Europe ont mis toute leur confiance dans l’œuvre actuellement en voie d’élaboration à Paris. Ils attendent de la Conférence des Hautes Puissances, à l’issue de la guerre la plus terrible, l’Affirmation solennelle, la consécration nouvelle des principes essentiels du droit international à défaut desquels il ne peut y avoir de paix durable.
Au sortir d’une lutte qui les a jetés les uns contre les autres et qui laisse également meurtris vainqueurs et vaincus, belligérants et neutres, ces peuples de l’Europe éprouvent le besoin de voir réaliser immédiatement, dans la mesure du possible, leur besoin d’idéal, de solidarité.
Cette solidarité ne demeurera qu’un vain mot si les peuples ne peuvent avoir aucune relation entre eux. Il serait superflu de remonter dans le passé et de rappeler que la décadence de l’Empire romain et la barbarie du Moyen-Age furent la conséquence de la disparition progressive des communications entre les peuples, marchant de pair avec la dépopulation. L’état actuel d’une partie de l’Europe n’offre que trop d’exemples à l’appui de cette affirmation.
L’Europe attend donc des Hautes Puissances une déclaration solennelle, consacrant à nouveau, précisant et développant la garantie du libre transit international dont l’article 5 du Traité de Paris du 30 mai 1814 avait reconnu l’impérieuse nécessité dans des circonstances analogues, et cela dans la forme suivante: «Il sera examiné et décidé (de même que pour le Rhin) dans le futur Congrès, de quelle manière, pour faciliter les communications entre les peuples et les rendre toujours moins étrangers les uns aux autres, la disposition ci-dessus pourra être étendue à tous les autres fleuves qui, dans leur cours navigable, séparent ou traversent différents Etats.»
A cette époque lointaine, les fleuves internationaux, et au premier rang de ceux-ci le Rhin, étaient le mode de transit international le plus rapide et le moins coûteux.
Pour assurer aujourd’hui à l’Europe une paix durable, il faut, comme en 1814, chercher à «rendre les peuples toujours moins étrangers les uns aux autres, toujours plus «solidaires» dans la Société des Nations, en donnant au principe du libre transit international, déjà reconnu dans plusieurs conventions internationales, la valeur supérieure d’un principe général permanent, du droit des gens universel.
Les conventions postales et télégraphiques universelles, la convention dite de Berne sur les transports de marchandises par chemin de fer, pour ne citer que ces exemples, ont déjà consacré l’application du principe du libre transit international.
Il serait conforme aux meilleures traditions des Hautes Puissances réunies à Paris de proclamer leur intention d’assurer à l’avenir, d’une manière permanente, la garantie du «free intercourse» international, garantie pour laquelle elles ont soutenu la présente guerre, au prix même des plus lourds sacrifices.
Pour les Etats enclavés de l’Europe, tels que la Suisse, la République tchécoslovaque, la garantie du libre transit international est indispensable à leur indépendance économique et politique.
Le libre accès à la mer ne sera qu’un vain mot si le droit des gens ne leur donne la certitude que leur transit par les voies ferrées, les voies fluviales, les lignes télégraphiques ou téléphoniques, etc. ne dépendra pas du sort de conventions temporaires, révocables au gré d’autres Etats.
Il est indispensable que cette garantie leur soit assurée sous une forme à la fois précise et suffisamment générale, pouvant s’adapter au développement futur des voies de communication.La Confédération Suisse a l’honneur de proposer, en conséquence, aux Hautes Puissances la reconnaissance des principes ci-après du droit des gens:
I. Principe Général: Liberté, égalité de droits et continuité.
Toutes les nations civilisées admettent aujourd’hui que le transit international entre deux Etats, à travers un ou plusieurs autres Etats, doit être libre et la définition de cette liberté ne présente dès lors aucune difficulté.
Elle peut être rédigée comme suit:
Le transit entre deux Etats, à travers les territoires d’un ou plusieurs autres, est et sera perpétuellement libre.
Il ne doit être soumis à aucune entrave ni restriction quelconque, notamment à aucune taxe de transit, douanière ou autre quelconque, excédant les frais de transport proprement dits. Ces frais ne devront pas être supérieurs à ceux du transport intérieur.
Les Etats traversés devront traiter sur le pied d’une parfaite égalité entre eux et avec leurs nationaux, les personnes, marchandises, bateaux, wagons, voitures, courriers postaux ou autres biens ou moyens de communication ou de transport en transit sur leur territoire, quelle que soit leur nationalité, provenance ou destination.
II. Liberté de transit appliquée à la navigation fluviale.
Il paraît superflu de rappeler aux Hautes Puissances que le régime juridique des grands fleuves internationaux, tel qu’il a été consacré dans le droit des gens de 1814/1815, n’est qu’une application du principe du libre transit international.
L’œuvre juridique du XIXe siècle renferme à cet égard des lacunes qu’il est indispensable de combler aujourd’hui:
Pour ne citer qu’un exemple, les traités de 1839 et de 1868, par lesquels quelques Etats ont cherché à garantir la liberté du transit international par eau entre le Rhin et la Belgique, ont le double défaut d’être res inter alios acta au regard de la Suisse et d’autres Etats, d’être rédigés d’une manière imparfaite, et surtout de n’avoir pas le caractère d’une règle permanente du droit des gens européen.
D’autres fleuves internationaux de l’Europe, très importants, ne sont même au bénéfice d’aucune convention plurilatérale assurant la libre navigation entre le fleuve navigable international et le grand port maritime le plus rapproché, lorsque ce port ne se trouve pas sur le fleuve lui-même.
Le droit des gens ne renferme aucun principe assurant un minimum de garanties à la navigation fluviale: 1. dans l’intérieur de ces ports maritimes non situés sur le fleuve lui-même (tels qu’Anvers, par exemple, port rhénan non situé sur le Rhin); 2. dans le transit des bateaux, des personnes et marchandises de la navigation fluviale, par ces ports, à destination ou en provenance des Etats situés au delà des mers; 3. quant à l’étendue du droit de pavillon sur les fleuves internationaux.
Qu’il nous soit permis de dire quelques mots au sujet de ces trois lacunes graves du droit des gens actuel:
Les Etats modernes, soucieux du développement de leurs ports, ont le plus grand intérêt à accorder un régime plus favorable qu’à leur trafic interne au transit international dans ces ports et dans leurs eaux territoriales, ainsi que sur leurs canaux de grande navigation reliant leurs ports maritimes aux fleuves internationaux voisins. En effet, ces faveurs augmentent la demande de fret maritime, répartissent les frais généraux du port sur un tonnage plus considérable, etc. Garantir aux bateaux de la navigation fluviale et à leurs passagers, équipages et cargaisons l’égalité de traitement dans ces ports, à l’entrée et à la sortie de ces ports, et leur permettre d’y transiter librement sur le pied d’une parfaite égalité avec les nationaux, c’est en réalité leur accorder un minimum, c’est donner le caractère d’une règle juridique à un usage universellement admis, à tel point que l’on pourrait même se demander s’il est nécessaire de reconnaître expressément cette obligation du droit des gens.
Pour restreindre encore et préciser la portée de cette garantie juridique, on pourrait spécifier au besoin:
1. les systèmes fluviaux auxquels elle est accordée.
2. le ou les ports maritimes mis au bénéfice de cette garantie, pour chacun de ces systèmes fluviaux.
Ainsi l’on pourrait préciser qu’elle ne vise que les grands fleuves européens, tels que le Rhin, le Danube, l’Elbe, le Pô, etc. et préciser, par exemple: pour le Rhin: Anvers; les Pays-Bas ayant d’ailleurs tout intérêt à offrir d’eux-mêmes d’y classer d’autres ports non situés sur le Rhin, le Waal ou le Leck, par exemple.
3. les pays qui bénéficieront de ce régime dans chacun des systèmes fluviaux.
En résumé, la Suisse demande que, par une Convention générale européenne, le droit de libre navigation sur les fleuves internationaux comprenne expressément:
-A -
1. Le droit de libre navigation entre le fleuve international et le ou les grands ports maritimes les plus rapprochés de l’estuaire navigable,
et cela même lorsque la communication entre ces ports et ce fleuve a lieu par canal ou par la mer territoriale d’un ou plusieurs Etats;
2. Le droit au traitement national, dans ce ou ces ports maritimes (déterminés) de transbordement, en faveur de la navigation;
elle consentirait au besoin à limiter cette garantie à la navigation, soit aux bateaux et cargaisons des pays enclavés, qui pourraient même être déterminés, pour chaque «système» fluvial, par la Convention générale.
Ce droit impliquant notamment l’utilisation, sur le même pied que les nationaux, des installations de débarquement, embarquement, transbordement, etc. de marchandises dans le ou les ports maritimes ou fluviaux nécessaires au transit.
-B -
Le droit au traitement national, dans le ou les ports maritimes qui pourront être déterminés pour chaque fleuve international européen en faveur du transit des bateaux et marchandises à destination ou en provenance des Etats situés au delà de la pleine mer.
Ici encore la Suisse consentirait à limiter cette garantie au transit à destination ou en provenance des Etats enclavés, pourvu qu’elle soit accordée à tous les pavillons adhérant à la convention générale.
-C -
Des garanties précises au sujet du droit du pavillon.
Au sujet de cette application du droit de transit, le Gouvernement suisse croit devoir soumettre au bienveillant examen des Hautes Puissances quelques questions qui n’ont reçu, jusqu’ici, aucune solution précise ni satisfaisante, non seulement dans les traités, mais même dans la doctrine.
L’article 109 de l’acte final du Congrès de Vienne, du 9 juin 1815, ne mentionne pas - on le sait - l’existence d’un «droit au pavillon» sur les fleuves internationaux. On sait également quelles ont été les divergences d’interprétation auxquelles a donné lieu le principe de la liberté de navigation «en faveur du commerce de toutes les nations» etc. Sur le Rhin, par exemple, les règlements d’exécution qui devaient être «conçus d’une manière uniforme pour tous», ont été rédigés et appliqués au profit d’une partie des riverains, au détriment des autres intéressés - de la Suisse et des Etats non-riverains.
La Convention du Rhin de 1868 débute par un article garantissant la liberté de navigation «à toutes les nations», mais l’article 2 réduit déjà ce droit aux bateaux «appartenant à la navigation du Rhin», qui ne sont que ceux «ayant le droit de porter le pavillon d’un des Etats riverains et pouvant justifier ce droit au moyen d’un document délivré par l’autorité compétente».
Il importe aujourd’hui de mettre fin à ce régime de 1868 et, dans l’intérêt même de l’Europe et de la paix, de lui substituer un régime plus libéral, plus précis, garantissant réellement la libre navigation de toutes les nations sur le Rhin, leur libre transit et cela non seulement en faveur de leurs marchandises, mais en faveur de leurs bateaux, qu’ils appartiennent ou non à un service habituel de navigation du fleuve.
A cet effet, la première question est celle-ci:
Le droit de pavillon du Rhin de 1868 (équivalant à l’application d’un régime uniforme aux riverains) devant être modifié,
Quel régime convient-il de lui substituer?
Evidemment le droit maritime ne pourrait être purement et simplement appliqué sur le Rhin. D’autre part, il paraît indiqué d’en tenir compte, dans la mesure du possible, en vue de faciliter la navigation fluviale des bâtiments de mer et viceversa.
Si, d’autre part, on laissait aux seuls Etats représentés dans la commission du Rhin le soin d’édicter un régime spécial à ce seul fleuve, il est à craindre que, malgré la création de la Société des Nations, les riverains ne soient tentés de s’assurer des avantages aux dépens des autres Etats.
En revanche, il ne semble guère possible d’édicter immédiatement, dans une convention universelle, un règlement unique relatif au droit de pavillon pour la navigation sur tous les fleuves internationaux du monde ou même sur les fleuves internationaux de l’Europe.
Dans ces conditions, la seconde question paraît être celle-ci:
Ne convient-il pas de faire déterminer aujourd’hui, pour le Rhin, par une convention générale, à laquelle prendraient part, avec les grandes puissances maritimes, les petites puissances maritimes européennes et les riverains du Rhin:
les garanties juridiques générales qui seront accordées désormais à la navigation de tous les pavillons sur le Rhin,
autrement dit, d’élaborer un règlement sur:
le droit de pavillon du Rhin
le statut juridique de la navigation et du transit international du Rhin?
Nous prenons la liberté de soumettre à l’attention des Hautes Puissances les questions de droit international public et de droit international qui pourront donner lieu à des conflits de lois entre riverains et non-riverains, ou plutôt entre souveraineté territoriale et droit au pavillon. (Voir annexe I.)
Il incomberait ensuite à une Conférence restreinte des Etats spécialement intéressés ou à la nouvelle Commission Centrale du Rhin d’élaborer les règlements techniques et d’exécution.
Pour faire œuvre utile, tenant compte de l’intérêt général, il importerait de tenir compte dans ces principes généraux des conflits de lois pouvant surgir à propos du libre transit du Rhin avec les ports d’Anvers, de Londres etc. non seulement en temps de paix, mais aussi en temps de guerre, entre les Etats qui adhéreraient à ces principes généraux et règlements spéciaux.
III. Transit international par rail.
Lorsque le transit s’effectue par voie ferrée on ne pourrait, comme pour la navigation fluviale, donner aux pays expéditeurs ou destinataires l’exécution, la direction et la surveillance du transport dans les pays de transit sans porter une atteinte inadmissible et inutile à la souveraineté de ces pays en matière de construction et d’exploitation de leurs chemins de fer.
Il suffit d’imposer aux pays de transit, en dehors de l'obligation de ne pas entraver le libre passage des voyageurs et marchandises et courriers postaux par des mesures fiscales ou autres, celle de pourvoir à ce que leurs administrations de chemins de fer acceptent au transport ces personnes, marchandises, lettres, etc. en transit et les transmettent aux chemins de fer de l’Etat suivant. Cette obligation est d’autant plus facile à assumer qu’elle serait absolument réciproque pour tous les pays.
Il est nécessaire, toutefois, de la préciser. Elle ne serait pas une garantie effective si les administrations de chemins de fer, postales, etc. des pays de transit avaient la faculté de ralentir à volonté les transports, de les renchérir outre mesure, d’omettre les précautions nécessaires à la conservation des marchandises, courriers postaux, etc.
Il convient d’établir une règle assurant un minimum de garanties en ce qui concerne la durée des transports, la hauteur des taxes, les distances sur lesquelles délais et taxes peuvent être calculés, enfin la responsabilité. Nous pensons proposer une solution acceptable pour tous les Etats, si nous émettons le vœu que les transports en transit ne soient pas traités sous les différents rapports que nous venons d’indiquer, d’une manière plus défavorable que les transports intérieurs.
Ce but nous paraît pouvoir être atteint par l’adoption de la formule suivante, à titre d’exemple, pour le transit des marchandises:
Chaque Etat pourvoira à ce que les administrations de chemins de fer qui détiennent les lignes de son territoire utilisées pour le transit, aient l’obligation d’accepter au transport les marchandises devant traverser le territoire de l’Etat, et à ce qu’elles ne traitent pas ces transports, tant sous le rapport de l’acheminement que sous celui des taxes, des délais et de la responsabilité, d’une manière plus défavorable que les transports internes.
Cette garantie minimum serait sans doute, dans la plupart des cas, remplacée par des arrangements plus favorables au transit: l’intérêt bien entendu des pays de transit y pourvoira.
Quoi qu’il en soit, le congrès de la paix, en donnant au principe de la liberté du transit par rail la consécration du droit des gens, fera une œuvre essentiellement pacifique et généreuse qui marquera parmi ses grands travaux.
IV. Transit mixte.
La Délégation suisse ne croit pas pouvoir suggérer l’internationalisation des voies ferrées, qui lui paraît devoir se heurter à de graves difficultés pratiques, même lorsque ces voies ferrées sont l’unique prolongement d’une voie de communication internationale par eau.
En revanche, la garantie du libre transit par rail est indispensable dans le trafic international mixte, s’exerçant à la fois par un fleuve international et par rail; et cela tout particulièrement en faveur des Etats enclavés.
A cet effet, il serait désirable de garantir notamment le droit suivant:
Traitement national en faveur du transit des personnes et marchandises (en provenance ou à destination) de pays enclavés:
1. sur les voies ferrées reliant ces pays à un fleuve international, ou reliant le fleuve international à la mer,
2. dans les ports fluviaux de transbordement du chemin de fer à la voie navigable.
V. Liberté des Communications postales, télégraphiques, téléphoniques, etc.
Les garanties accordées au libre transit seraient illusoires si les commerçants, par exemple, se voyaient interdire l’usage des télégraphes, téléphones et autres moyens de communication des Etats traversés.
Il importe tout particulièrement que cette garantie juridique soit inscrite dans le droit des gens du XXe siècle.
Nous demandons, en d’autres termes, spécialement en faveur des Etats enclavés, le droit d’utiliser, comme les nationaux, les postes, télégraphes, téléphones et autres moyens présents ou futurs de correspondance des Etats les séparant d’autres Etats, et cela dans la mesure utile à l’exercice du droit de transit.
VI. Liberté du Transit innocent en temps de guerre.
On a souvent constaté, en temps de guerre, l’absolue nécessité d’un minimum de garanties juridiques en faveur du transit innocent des Etats non belligérants, et à plus forte raison en faveur du transit réciproque des Etats amis et alliés.
Il serait dans l’intérêt des belligérants eux-mêmes que l’étendue de ce droit de transit sur leur territoire soit mieux délimitée. Il n’est pas rare de constater que, faute de directions précises à ce sujet, des fonctionnaires subalternes, emportés par leur zèle ou par le sentiment de leur responsabilité, entravent de leur propre chef le transit en provenance ou à destination d’autres Etats, au détriment non seulement de ceux-ci, mais même de leur propre pays.
Aujourd’hui, où la Société des Nations est fondée sur le principe de la solidarité entre les peuples, ne serait-il pas judicieux et politique de prévoir l’application de ce principe de solidarité dans le cas où, précisément, les membres de la Société des Nations seront appelés à s’entr’aider au prix de ce qu’ils auront de plus précieux - c’est-à-dire au cours d’une guerre de la Société des Nations contre un ennemi extérieur?
Serait-il admissible que, dans la Société des Nations en guerre, l’un des Etats associés fût privé d’une manière durable, par ses propres alliés, de son droit de transit à travers le territoire de ses co-associés, sous le prétexte habituel de l’intérêt militaire?
Cette question est particulièrement importante pour les Etats enclavés; elle l’est plus encore pour un Etat neutre tel que la Suisse, lorsqu’il s’agit de son accès à la mer.
Il sera dans l’intérêt de la Société des Nations de lier les Etats qui en feront partie, de manière à assurer désormais le minimum de transit indispensable entre Etats amis, dans l’hypothèse d’une guerre future. A fortiori, serait-il utile d’assurer aux Etats de la Société des Nations une garantie semblable en faveur de leur transit à travers le territoire d’Etats ne faisant pas partie de cette Société.
L’intérêt militaire même le plus important ne saurait justifier la prétention de priver d’une manière durable un Etat ami de tout accès à la mer.
Il faut distinguer entre la zone des hostilités proprement dite et le reste du territoire des Etats belligérants.
On peut concevoir, à la rigueur, que les nécessités du combat priment toute autre considération, même à l’égard des Etats amis.
Mais ces nécessités n’ont jamais qu’un caractère à la fois local et temporaire.
D’autre part, l’expérience de la guerre démontre que, même dans cette zone limitée, il est souvent possible aux chefs militaires de permettre le passage innocent (de trains ou convois spéciaux) à la condition que ce passage soit soumis à toutes les mesures destinées à assurer, par exemple, le secret des opérations militaires, etc.
Une autre objection au transit international, même en dehors de la zone des hostilités, réside dans la pénurie des moyens de transport du belligérant dont le territoire est traversé.
Cette objection est particulièrement injustifiée lorsque l’Etat qui demande passage est enclavé et ami et qu’il offre de faire transiter les marchandises dans ses propres wagons ou chalands. Si l’Etat enclavé hésite en général à formuler une offre semblable, c’est à raison du danger de réquisition.
Nous croyons agir dans l’intérêt général en proposant en conséquence la formule suivante:
Le droit de libre transit international d’un Etat enclavé et ami ne pourra être limité d’une manière durable que sur les voies de communication du territoire traversé qui sont comprises dans la zone des hostilités.
Il ne pourra être supprimé dans la zone des hostilités que si l’Etat enclavé et ami refuse de se soumettre aux mesures de sécurité militaire requises par le ou les belligérants à traverser ou si cet Etat enclavé n’offre pas d’effectuer par ses propres moyens le transit qu’il requiert.
Le trafic de l’Etat enclavé est exempt de toute angarie ou réquisition.
Les bateaux essentiellement ou exclusivement affectés à la navigation fluviale de l’Etat enclavé et ami ne sont pas soumis aux règles spéciales (capture etc.) à la guerre maritime, lorsqu’ils sont obligés de transiter par la mer territoriale des belligérants pour se rendre à l’un des ports maritimes les plus rapprochés de leur fleuve international de provenance: ou vice-versa dans leur transit de l’un de ces ports maritimes au fleuve international de destination.
- 1
- Cette délégation était composée de James Vallotton, Avocat à Lausanne, et Arsène Niquille, Directeur général des Chemins de Fer Fédéraux à Berne.↩
- 2
- Note (Copie): VED A + W 1909-1955 5/30CH-BAR#E8170D#1000/1977#222*.↩