Également: Directive du DPF au sujet du rattachement du Vorarlberg. Annexe de 5.11.1918
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 7-I, doc. 11
volume linkBern 1979
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001B#1000/1501#3075* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(B)1000/1501 81 | |
Titre du dossier | Friedenskonferenz (1918–1919) | |
Référence archives | B.56.221.05 |
dodis.ch/43756
Il paraît de plus en plus certain que la Conférence de la Paix aura lieu à Versailles. La victoire des Alliés est trop complète pour qu’ils consentent à traiter ailleurs que chez eux. D’autre part, toutes les Puissances associées comprennent le rôle héroïque de la France dans cette guerre dont elle sort victorieuse, mais affreusement meurtrie; toutes paraissent disposées à lui accorder la satisfaction d’effacer à Versailles l’affront de 1871.
Mon Collègue des Pays-Bas, qui m’en a parlé, ne conserve pas, cela va sans dire, le plus minime espoir de voir le Congrès siéger à La Haye. Je regrette qu’en ce qui concerne Berne, nous ne puissions plus nous faire d’illusions.
Mais la question de la participation des neutres demeure ouverte. A son dernier passage à Paris, M. Sulzer m’avait dit que le Président Wilson était favorable à cette participation. Jusqu’où vont ses bonnes dispositions en ce qui concerne spécialement la Suisse, je l’ignore, mais je crois savoir que, dans un discours dont le texte n’a jamais été publié en France, M. Wilson aurait affirmé que la création de la Société des Nations devait être entreprise par le Congrès de la Paix et constituer une partie intégrante des travaux de la Conférence. Une telle affirmation se concilierait malaisément avec l’exclusion des neutres.
Quoi qu’il en soit, l’ouverture prochaine des négociations de paix pose au Gouvernement fédéral une foule de problèmes qu’il faudra résoudre d’urgence. Et il me paraît indispensable que les représentants de la Confédération à l’étranger soient très nettement orientés sur les intentions des Autorités suisses.
C’est pourquoi je prends la liberté de vous poser, en toute franchise, certaines questions sur lesquelles il me serait précieux d’avoir une prompte réponse.
Tout d’abord, le Conseil Fédéral a-t-il déjà pris contact avec d’autres Gouvernements neutres en vue de faire valoir auprès des belligérants d’hier des revendications communes? Si oui, un programme a-t-il été élaboré?
La Suisse demandera-t-elle officiellement à prendre part au Congrès ou attendra-t-elle qu’une invitation lui soit adressée?
Il faut envisager l’éventualité d’un refus des vainqueurs d’admettre les neutres à s’asseoir avec eux autour du tapis vert. Je veux croire que cette possibilité ne se réalisera pas. Mais, même si cela devait arriver, nous ne devrions pas jeter le manche après la cognée. Il faudrait, au contraire, si nous ne pouvons pénétrer dans le Palais de Versailles, avoir, aux alentours, des négociateurs capables d’intéresser à nos besoins et à nos vœux ceux qui restaureront l’Europe. N’oublions pas, en effet, que les acteurs du grand drame seront probablement très pressés d’en achever l’épilogue pour pouvoir, sans délai, faire face aux gigantesques besognes qui les attendent dans leurs pays respectifs. C’est pendant la Conférence et non après que nous devons nous efforcer de réaliser, dans nos rapports internationaux, les améliorations que nous souhaitons. Plus tard, les Gouvernements des grands Etats seront moins disposés à nous écouter et moins à même de nous satisfaire. Ils éprouveront de la répugnance à modifier les solutions qu’ils auront adoptées.
C’est donc immédiatement que nous devons tracer nos plans si nous ne voulons pas être surpris par la paix comme nous l’avons été par la guerre.
Je sais tout l’intérêt que vous portez à l’élaboration des chartes internationales qui régiront la Société des Nations. Mais si, pour l’humanité, ce problème prime tous les autres, il ne doit pas nous faire oublier nos droits et nos intérêts nationaux.
Pense-t-on à reviser la Convention du Gothard? A-t-on étudié les changements radicaux apportés par le retour à la France de l’Alsace-Lorraine à toutes les questions de navigation fluviale Rhône-Suisse-Rhin? Et le problème des zones? Et la neutralité de la Savoie du Nord? Se rend-on compte du désir de la France d’abroger cette neutralité et que fait-on pour utiliser la monnaie d’échange que nous pourrions en tirer?
Vous avez bien voulu m’annoncer sommairement vos intentions à propos du Vorarlberg2. Cette indication m’est précieuse et je vous en remercie. Mais des renseignements plus détaillés me seraient fort utiles. La question de Constance et celle des enclaves schaffhousoises pourraient bien se poser encore et nous devrions les étudier attentivement.
Veuillez m’excuser, Monsieur le Président, de vous poser tant et de si pressantes interrogations. Mais le temps vole trop vite et vous comprendrez mon désir de connaître exactement, pour les servir efficacement, les vœux et les projets de mon Gouvernement et de mon Pays.
- 1
- Lettre: E 2001(B) 1/81. Conférence de la Paix.↩
- 2
- Voir le télégramme non numéroté du 5 [?]novembre 1918 du Département politique à la Légation de Suisse à Vienne (reçu le 11 ou 12 novembre 1918): [...] . Attitude à prendre à l’égard d’une proposition de rattachement à la Suisse du Vorarlberg est la suivante: aucune question de cette nature ne se pose. D’ailleurs la Suisse ne désire aucune augmentation de territoire et ne prendrait pas même en considération aucune requête dans ce sens, à moins qu’elle n’émanât de l’immense majorité des populations en cause et ne se basât sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. (E 2200 Wien 9/1).↩
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Conférences de paix de Paris (1919)
La question du Vorarlberg (1919)