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Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 6, Dok. 119
volume linkBern 1981
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E27#1000/721#13981* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 27(-)1000/721 2910 | |
Dossiertitel | Kriegs- und Zivilgefangenenabkommen zwischen Deutschland und Frankreich (1914–1918) | |
Aktenzeichen Archiv | 06.H.3.h.2.b.2.b |
dodis.ch/43394
A deux ou trois reprises, dans les derniers jours, des attachés au Cabinet du Ministre des Affaires Etrangères m’ont téléphoné que M. Delcassé désirait me voir, mais les rendez-vous ont été successivement contremandés, et c’est seulement cet après-midi que nous avons pu avoir, M. Delcassé et moi, l’entrevue désirée.
M. Delcassé m’a remercié très vivement de tout ce que la Suisse faisait en faveur des victimes de la guerre. Quant au ravitaillement des prisonniers de guerre, M. Delcassé dit être sans renseignements personnels sur la situation des prisonniers français en Allemagne. La dernière lettre de son fils est datée du 8 mars. M. Delcassé espère que tous les autres prisonniers ne sont pas «aussi favorisés» que son fils. Quoiqu’il en soit de cet incident personnel, M. Delcassé, qui avait sous les yeux ma traduction de votre lettre du 4 avril2, a commencé par déclarer que jamais, au grand jamais, il n’avait songé un instant à la possibilité d’interner en Suisse les prisonniers de guerre; cela aurait été de la folie au point de vue des belligérants et une impossibilité matérielle au point de vue suisse.
Quant à la question si importante du ravitaillement des prisonniers, M. Delcassé a été très touché de votre offre. Il sera profondément reconnaissant de tout ce que la Suisse pourra faire pour améliorer le sort des prisonniers. Non seulement la France ne fera pas d’objections, mais saluera avec joie ce qui sera fait. M. Delcassé a rappelé qu’il existait une foule d’œuvres privées pour envoyer aux prisonniers des dons de toutes espèces. Indépendamment de ces associations diverses, on a créé en France le système des «marraines», c’est-à-dire de correspondantes qui adoptent un soldat, ou un prisonnier, correspondent avec lui et lui envoient des subsides de toute nature. Mlle Delcassé, à elle seule, a trouvé 3000 marraines à des soldats français sans famille. Tous ces efforts privés sont plus ou moins coordonnés, plus ou moins canalisés ou plus ou moins incohérents. En outre, on ignore en France si les dons arrivent exactement à leurs destinataires, lesquels sont autorisés, lesquels ne le sont pas, en combien de temps ils parviennent à destination, etc. On a inventé un prétendu pain qui se conserve; ce pain arrive-t-il à destination? Peut-il être distribué? Est-il mangeable? Quid des autres envois d’objets d’alimentation?
Le Gouvernement français ne fera rien officiellement pour nourrir les prisonniers français en Allemagne, mais il n’y a qu’à faire appel à l’initiative privée française, et on obtiendra d’elle tout ce qu’on voudra. Il suffit que la Suisse étudie la question, trouve la formule pour centraliser et coordonner les initiatives et immédiatement les concours privés les plus abondants seront obtenus.
Il est évident que la Suisse commencera par s’assurer de l’acceptation par l’Allemagne de ce ravitaillement par la charité privée, négociera avec l’Allemagne les points à préciser sur la nature, la quantité, les approvisionnements de diverses natures susceptibles d’être envoyés, les garanties pour la distribution effective et rapide, comme pour la non réquisition. Il y aurait là une œuvre immense, profondément bienfaisante et tout à fait digne de la Suisse. Le jour où la combinaison aurait pris corps, les concours afflueront de France en surabondance en dehors de toute action gouvernementale française.
J’ai demandé à M. Delcassé si, au cas ou nous serions amenés à envoyer en Allemagne des farines aux prisonniers de guerre, nous pouvions compter que la France ne nous ferait pas de difficultés dans des conditions de contrôle suffisant. J’ai fait allusion, à ce propos, au chapitre IV du deuxième rapport de M. Eugster (16 mars 1915)3 sur la nourriture des prisonniers en Allemagne, rapport d’après lequel il faudrait environ 200000 kg de pain supplémentaires par jour, pour porter de 300 à 500 grammes, par homme, la ration de pain. Cela doit représenter une vingtaine de wagons de farine par jour, soit pour les prisonniers français, une dizaine de wagons par jour. Le Ministre a répondu qu’il ne peut pas être question que la France fasse des objections.
Je lui ai alors parlé du Luxembourg. Il ne savait rien de notre demande et se fera mettre au courant par le Directeur politique. J’ai fait observer que la situation était la même pour les prisonniers de guerre français que pour le Luxembourg, si nous devons les alimenter à raison d’environ trois wagons par jour avec des farines suisses tirées de blé importé via France ou via Italie.
J’ai l’impression que M. Delcassé rencontrera peut-être dans ses bureaux et à la douane des «ronds de cuir» qui feront la grimace s’il s’agit d’envois réguliers de farines suisses en Allemagne, mais suis heureux de constater que le Ministre des Affaires Etrangères serait avec nous. Au point de vue pratique, ces envois de farines suisses semblent, à première vue, infiniment plus simples que d’autres combinaisons, sous forme, par exemple, de colis postaux expédiés de France.
Vous voyez, par ce qui précède, que le Gouvernement français ne veut rien faire et nous renvoie à l’initiative privée; la question est donc de savoir si cette initiative privée sera suffisante, au cas où le Gouvernement suisse, ou un comité officiel suisse, qui prendrait en mains l’affaire, coordonnerait les envois, négocierait avec l’Allemagne la réception et la distribution des dons et obtiendrait de l’Allemagne qu’elle consente à un contrôle de la distribution.
Sauf le refus d’une intervention officielle gouvernementale française, votre initiative ne rencontre donc ici, non seulement aucune hostilité, mais une réelle reconnaissance.
Quand vous aurez médité sur cette contre-proposition de M. Delcassé, je pense qu’il y aura lieu d’avoir, avec celui-ci, une nouvelle conversation sur les grandes lignes de l’organisation à créer; il y aurait lieu aussi de rechercher quelles associations privées pourraient prendre en mains l’affaire en France, si l’on n’en revient pas à la formule simple d’une souscription pour l’envoi de farines suisses. Je pense que bien vite, on ajouterait à l’alimentation, le vêtement, etc. L’alimentation, à elle seule, constituerait déjà un programme considérable.
L’allusion faite par M. Delcassé, à son fils prisonnier en Allemagne, au début de notre conversation, vous engagera sans doute à essayer d’obtenir par notre Légation à Berlin des nouvelles récentes du Lieutenant Delcassé. Vous m’obligeriez en me télégraphiant ce que vous aurez pu apprendre.
- 1
- Lettre: E 27, Archiv-Nr. 13981.↩
- 2
- Dans cette lettre, Hoffmann signale qu’un groupe de citoyens français lui avait soumis une demande en faveur de l’internement en Suisse des prisonniers de guerre français et allemands. Hoffmann s’est occupé de l’affaire personnellement dans m esprit positif. Mais il a dû arriver, après consultation du Chef de l’Etat-Major Général, von Sprecher, à la conclusion que l’entreprise dépassait les possibilités d’accueil de la Suisse. Cf. E 2001, Archiv-Nr. 19.↩
- 3
- Non retrouvé.↩
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