Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
V. FREMDENPOLIZEILICHE FRAGEN
2. Ägypter
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 5, doc. 388
volume linkBern 1983
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2200.40-04#1000/1623#23* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2200.40-04(-)1000/1623 1 | |
Titre du dossier | Commande à Sulzer de l'Egypte (1913–1913) | |
Référence archives | I.C.28 |
dodis.ch/43243
La grande maison de constructions mécaniques, MM. Sulzer frères, de Winterthour, a soumissionné une importante livraison de machines (d’une valeur de 4 millions de francs environ) pour des travaux d’irrigation entrepris par le Gouvernement égyptien. D’après les informations envoyées par l’agent de MM. Sulzer au Caire, l’offre de la maison suisse serait la plus favorable et aurait toutes chances d’être acceptée; Mr. Mac Donald, le sous-secrétaire d’Etat aux Travaux publics, chargé de la division de l’irrigation, serait notamment décidé à adjuger la livraison à nos compatriotes, n’était l’opposition de Lord Kitchener. Cette opposition (du personnage le plus puissant en Egypte) serait, nous assure-t-on, basée sur la conviction qu’aurait Lord Kitchener que le nationalisme égyptien et les complots ourdis par ses membres auraient leur centre à Genève et que les autorités suisses laisseraient toute latitude aux conspirateurs égyptiens. Or, rien ne nous prouve l’existence de machinations antidynastiques ou antianglaises tramées à Genève ou dans d’autres cantons par les Jeunes-Egyptiens et nous ne croyons pas que Lord Kitchener soit fondé à reprocher au Gouvernement fédéral ou à celui d’un de nos cantons de ne pas observer ses devoirs internationaux; nous regretterions qu’un semblable préjugé fût cause d’une décision lésant sérieusement les intérêts d’une de nos principales industries. Nous avons donc, comme il se trouve que l’agent de MM. Sulzer frères au Caire, un Mr. Naeff, est protégé français, demandé au Gouvernement de la République de vouloir bien, par l’entremise de son agence du Caire, appuyer la maison suisse auprès du Gouvernement Khédivial. Le Ministère français des Affaires Etrangères a, en conséquence, télégraphié à son agent «tout en lui laissant la liberté d’apprécier le caractère des démarches à faire auprès du Gouvernement égyptien». Or, dans son rapport du 7 de ce mois, notre Légation de Paris nous écrit ce qui suit: «Le sous-directeur des Affaires politiques et commerciales vient de me dire que, suivant la réponse de l’agence du Caire, la soumission de la maison Sulzer frères aurait été jugée la plus favorable et que l’adjudication aurait eu lieu en sa faveur, mais que le Gouvernement égyptien hésitait à ratifier cette adjudication faite à un Etat laissant trop de facilités aux menées des Jeunes-Egyptiens. Le Gouvernement égyptien aimerait avoir des assurances que les cantons suisses ne protègent pas ou plus les éléments révolutionnaires égyptiens». Ces renseignements sont confirmés par un télégramme du 11 de ce mois adressé à MM. Sulzer par l’un de leurs associés qui s’est rendu au Caire spécialement pour suivre l’affaire en question; il y est dit: «Laut heutiger Auskunft französischer Gesandtschaft Erhalt Bestellung ausschliesslich politische Frage. Ohne Zusicherungen von Seiten Bundesrat betreffend strengere Überwachung ägyptischer Nationalisten Genf, Geschäft verloren...»
Nous devons répéter que, ni le Conseil fédéral, ni les Gouvernements cantonaux n’ont jamais «protégé» les révolutionnaires égyptiens. Dans les rares occasions où l’attention du Conseil fédéral a été attirée sur les faits et gestes des Jeunes-Egyptiens, les autorités cantonales ont été immédiatement avisées et ont, de leur côté, ouvert une enquête et pris les mesures que conseillaient les circonstances.
C’est ainsi que, au mois de septembre 1912, à la demande télégraphique et directe du Ministère des Affaires Etrangères égyptien, d’une part, et sur requête verbale du Chargé d’Affaires de France, de l’autre, nous avons transmis aux autorités cantonales genevoises le vœu du Gouvernement du Khédive de voir empêcher un congrès nationaliste égyptien qui devait se réunir à Genève sous les auspices d’un nommé Mohamed Farid. Le Conseil d’Etat de Genève nous informa, après enquête, qu’il n’existait aucune trace d’un congrès semblable dans le canton; il ajoutait: «Il va sans dire que nous ne pouvons pas garantir que des réunions secrètes ne s’organisent, mais nous n’en avons aucun indice jusqu’ici. Nous prenons nos dispositions pour éviter toute espèce de manifestation qui soit de nature à troubler les rapports d’amitié qui existent entre le Gouvernement fédéral et les autorités égyptiennes». Le Chargé d’Affaires de France a eu, à cette occasion, connaissance de nos démarches. A la même époque, Mohamed Badr-E1 Din Bey, Directeur de la Sûreté publique au Ministère égyptien de l’Intérieur, s’adressa en personne à notre Département de Justice et Police et lui signala le susnommé Mohamed Farid condamné en Egypte pour incitation au meurtre comme résidant à Genève; le Gouvernement Khédivial semblait alors avoir l’intention de former une demande d’extradition. Les autorités genevoises, à la demande du Département susmentionné, s’empressèrent d’ordonner une surveillance étroite de Farid; la demande d’extradition ne fut, cependant, jamais adressée au Conseil fédéral.
Vous voyez donc, et nous le répétons encore, que, chaque fois - car nous n’avons pas connaissance d’autres cas - que le Gouvernement égyptien a fait appel aux autorités fédérales, seules qualifiées pour suivre les rapports internationaux, il a été fait droit, dans la plus large mesure possible, aux demandes ainsi présentées2.
En l’absence d’une représentation diplomatique ou consulaire suisse en Egypte et comme l’intervention de l’agence de France, protectrice légale de la maison Sulzer frères, n’a pas conduit au résultat désiré, nous croyons devoir faire appel maintenant au Gouvernement britannique. Nous avons le ferme espoir qu’il voudra bien agir auprès de son représentant au Caire afin de faire obtenir à nos compatriotes la ratification d’une adjudication qui, en équité, semble devoir leur revenir; nous osons d’autant plus compter sur un accueil favorable à notre requête que la décision à prendre semble dépendre, dès maintenant, de la volonté de Lord Kitchener seul.
Nous vous prions donc de faire une démarche pressante auprès du Foreign Office et, si possible, auprès de Sir Edward Grey lui-même, pour lui exposer la situation faite à nos compatriotes. Vous ne manquerez pas, sans doute, d’attirer son attention sur l’analogie des législations et des traditions suisses et britanniques en matière de réfugiés politiques; vous voudrez bien lui faire remarquer que, pas plus en Angleterre qu’en Suisse, il n’est admissible qu’un individu, auquel il n’est fait grief que de ses opinions politiques, soit inquiété par la police s’il ne se livre à aucune propagande ni à des intrigues et s’il n’est prouvé qu’il conspire contre un Gouvernement ami. La Suisse est même peut-être plus sévère que la Grande-Bretagne pour les réfugiés politiques qui cherchent asile chez elle. Du moment qu’ils abusent de cet asile, elle les poursuit en vertu de ses lois pénales (v. Art. 41 du Code pénal fédéral du 4 février 1853. Rec. Of. III, page 347) ou les expulse de son territoire. Mais il faut, bien entendu, que la preuve d’agissements contraires au droit des gens soit livrée au Conseil fédéral ou que tout au moins des indices sérieux (lui permettant à lui-même de faire établir cette preuve) lui soient fournis pour lui permettre de procéder contre les personnes dont un Gouvernement étranger a lieu de se plaindre. Sir Edward Grey sera le tout premier, nous n’en doutons pas, à comprendre l’attitude du Conseil fédéral. Aussi sommes-nous persuadés qu’il ne vous refusera pas son concours pour faire convertir Lord Kitchener à des vues plus conformes au droit public européen.
Le Conseil fédéral croit avoir rempli jusqu’ici tous ses devoirs internationaux, aussi bien vis-à-vis du Gouvernement égyptien qu’envers toutes les nations amies; il est fermement décidé à ne pas tolérer, pas plus à l’avenir que par le passé, sur le territoire suisse des agissements contraires au droit des gens et à la législation fédérale3, mais il ne saurait admettre que des garanties ou des assurances spéciales soient exigées de lui en son nom ou au nom des Gouvernements cantonaux par le Gouvernement Khédivial et que le traitement d’égalité des Suisses protégés d’une nation amie avec les ressortissants d’autres nations étrangères en Egypte, soit rendu dépendant de semblables assurances ou garanties. La situation particulière que la Grande-Bretagne occupe en Egypte ne nous autorise pas moins que le rôle attribué à Lord Kitchener dans cette affaire à nous adresser au Gouvernement britannique pour la sauvegarde des intérêts légitimes de MM. Sulzer frères, nos compatriotes; nous les recommandons donc avec pleine confiance au Gouvernement de Sa Majesté le Roi.
L’adjudication en question ou sa ratification devant avoir lieu incessamment, vous voudrez bien considérer cette affaire comme des plus urgentes et prier le Foreign Office de consentir à envoyer, sans retard, des instructions télégraphiques à Lord Kitchener, autrement vos démarches risqueraient de produire un résultat tardif. Nous croyons d’ailleurs devoir, en outre et vu l’urgence, adresser directement une note au Ministère des Affaires Etrangères égyptien4. Vous en trouverez une copie sous ce pli, copie que vous pourrez laisser entre les mains de Sir Edward Grey; elle pourra lui servir en même temps d’aide-mémoire. Si M. le Ministre Carlin n’était pas encore de retour de Vienne, il appartiendrait à M. Paravicini d’exécuter les instructions qui précèdent sans attendre la rentrée de son chef.
Nous ajoutons que des maisons anglaises, allemandes et d’autres (pas de françaises) auraient également fait des offres au Gouvernement égyptien et auraient été fortement appuyées par les représentants diplomatiques de leur pays. Pour que MM. Sulzer frères aient malgré cela et sans l’appui préalable d’aucune agence étrangère pu faire prévaloir leur offre, il faut bien admettre que celle-ci était de nature particulièrement avantageuse, ce qui n’a, d’ailleurs, pas lieu de surprendre quand on connaît la situation qu’occupe cette maison suisse dans le monde technique; vous pouvez, à ce sujet, rappeler au Foreign Office que MM. Sulzer frères exécutent en ce moment des commandes de moteurs destinés à la marine de guerre britannique et que M. le Ministre de Grande-Bretagne à Berne nous a annoncé dernièrement l’envoi à Winterthour d’un officier de cette marine spécialement chargé de suivre l’exécution de ces commandes.
Pour votre gouverne et à titre personnel et confidentiel, il est bon que vous sachiez cependant que le principal concurrent de MM. Sulzer est une maison anglaise; il ne nous semble pas impossible que cette circonstance ait aussi eu quelque influence sur Lord Kitchener qui, quoiqu’en fait Gouverneur de l’Egypte, est toujours encore agent et consul général de Grande-Bretagne et doit, comme tel, sauvegarder les intérêts de ses compatriotes.
En vous priant de nous faire connaître le plus tôt possible et en première ligne par le fil le résultat de vos démarches, nous saisissons cette occasion pour vous renouveler, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre haute considération5.
- 1
- Schreiben: E 2200 London 23/1.↩
- 2
- Am 11. August 1912 bat der ägyptische Sicherheitsdienst die Genfer Behörde, die das Schreiben an die Bundesbehörde weiterleitete, um eine Liste der ägyptischen Studenten in der Schweiz. Die Bundesanwaltschaft lehnte mit Schreiben vom 10. September 1912 an den ägyptischen Sicherheitsdienst diesen Wunsch ab (E 21, Archiv-Nr. 14244).↩
- 3
- Am 28. Juni 1913protestierten ägyptische Studenten aus der Westschweiz mit einer Eingabe an den Bundesrat gegen die Bespitzelung durch ägyptische Agenten in der Schweiz. Die Bundesanwaltschaft ermittelte über die Beschwerden der ägyptischen Studenten wegen Bespitzelung durch die ägyptische «Commission scolaire» sowie über jene der ägyptischen Regierung wegen «anarchistischer Umtriebe» dieser Studenten und fand keine konkreten Anhaltspunkte für die Richtigkeit dieser Beschwerden. (Schreiben der Bundesanwaltschaft an das Justiz- und Polizeidepartement vom 4. Februar 1914, E 2001 (A), Archiv-Nr. 84).↩
- 5
- In Abwesenheit des britischen Aussenministers wandte sich der Gesandte an den Unterstaatssekretär für Auswärtige Angelegenheiten, Sir A. Nicolson. Dieser antwortete dem Gesandten am 20. November 1913: After reading the documents which you left with me on November 17th. respecting Messrs. Sulzer’s tender for a contract under the Eyptian Ministry of Public Works, I caused telegraphic enquiry to be made at Cairo. Lord Kitchener has now reported that that Department is still examining the tenders for pumps, and he understands that owing to the price of oil and for other reasons fresh specifications may have to be issued before any decision can be come to in the matter. Lord Kitchener adds that the Egyptian Government has never proclaimed any intention of rejecting the tender of Messrs. Sulzer on the ground of latitude enjoyed in Switzerland by the Young Egyptians. In conclusion I would remark that His Majesty’s Government make it a principle to avoid interference in the matter of the adjudication of contracts in Egypt, although on this occasion an exception has been made in enquiring at Cairo, because we appreciated the motives that prompted your Government’s instructions to you in this matter (E 2200 London 23/1).↩
Tags