Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
I. INTERNATIONALE LAGE
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 5, Dok. 98
volume linkBern 1983
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#744* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 337 | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 58 (1905–1905) |
dodis.ch/42953
Mercredi dernier j’ai dit à M. Rouvier que dans les derniers temps j’avais dû me consacrer aux génisses avec dents de remplacement, aux poissons salés en récipients de moins de 3 kilog. et au détail de nos négociations commerciales; que je tombais de la lune et que je me permettais de lui demander où en était la grande politique. Doit-on s’inquiéter? En entendant M. Ribot faire appel à la solidarité de tous les Français, doit-on en conclure que la situation n’est pas exempte de menaces? Y a-t-il vraiment des nuages à l’horizon?
Le Président du Conseil a répondu: «Que personne en Europe ne pouvait croire que la France allait s’allier avec l’Angleterre pour attaquer l’Allemagne; la France a suffisamment crié sur tous les toits depuis six mois qu’elle ne voulait pas d’une telle politique et il faudrait pourtant qu’on finisse par nous croire et que les réticences ou les insinuations prennent fin.»
Relativement à la discussion qui a suivi à la Chambre la déclaration de M. Rouvier sur les affaires du Maroc et qui a provoqué la manifestation quasiunanime d’approbation des déclarations de MM. Rouvier et Ribot, à la seule exception de M. Jaurès et de quelques-uns des siens, je puis vous dire qu’il y a eu là une certaine dose de politique intérieure. M. Ribot, comme chef des modérés, a été enchanté d’une occasion qui lui permettait d’accentuer la fissure du bloc des groupes de gauche entre les radicaux-socialistes et les socialistes proprement dits. En outre, M. Rouvier était très nerveux; M. Delcassé avait annoncé l’intention de prendre la parole et on pouvait redouter une querelle profondément regrettable et même odieuse, devant l’Europe entière, entre l’ancien et le nouveau Ministre des Affaires Etrangères. C’est pour éviter ce scandale que M. Ribot, d’accord d’ailleurs avec le Président du Conseil, a adressé son éloquent appel à tous ceux dans le Parlement qui sont las de l’hervéisme et de l’aveulissement indéfini. L’hiver dernier, les Chambres avaient trop manifesté l’état d’âme ultrapacifique de ce pays; on s’est ressaisi; un air de bravoure était dans la note et avait l’avantage non seulement d’empêcher M. Delcassé de prendre la parole mais aussi de tuer dans l’œuf toute discussion sur les affaires marocaines, parce que, dans quinze jours, à la rentrée des Chambres, la Conférence d’Algésiras aura commencé et qu’on pourra refuser un débat sur une négociation en cours.
Il ne faut donc pas prendre au tragique le discours de M. Ribot et la manifestation qui a suivi; il y avait, je le répète, de la politique intérieure làdedans.
Il ne faudrait pas cependant négliger cette manifestation. Par des entretiens avec les deux personnages en cause dans cette séance, j’ai pu me convaincre que, si les intentions pacifiques de la France persistent, s’il est parfaitement exact, comme M. Rouvier me l’a déclaré, que M. Rouvier et les Français ne songent pas à s’allier avec l’Angleterre pour attaquer l’Allemagne, il est non moins exact qu’ici on trouve suffisantes les assurances pacifiques données; on a interprété comme une menace la phrase reproduite au livre Jaune, que l’Allemagne serait derrière le Maroc avec toutes ses forces et l’on n’est plus disposé à se laisser bousculer indéfiniment, si de nouvelles demandes sont formulées. L’état d’aveulissement, pour me servir de l’expression d’un ancien Président du Conseil français, a pris fin.
C’est là qu’est le danger. Le Chancelier allemand a groupé tout son pays derrière lui et s’est fait soutenir par l’opinion publique allemande. Le Gouvernement français en a fait autant et c’est là, dans cet état des deux opinions publiques, que peut résider un certain danger.
Le fait est que dans les dernières semaines, on n’a pas pu établir un accord définitif entre Paris et Berlin sur ce qui doit sortir de la Conférence marocaine et qu’on y entre sans savoir comment on en sortira. Si la conférence échoue, les deux opinions publiques conserveront-elles leur calme?
Pour ma part, sans nier le sérieux de ce qui précède, j’estime qu’il y a plusieurs motifs très importants de ne pas croire à la possibilité d’une guerre:
1. Si l’Allemagne avait voulu la guerre, elle l’aurait faite au mois de juin sans venir faire des conversations à Paris pour démontrer le danger de la question marocaine et l’ineptie d’une politique d’alliance franco-anglaise contre l’Allemagne, dont l’Angleterre aurait eu tous les bénéfices et la France tous les risques.
2. Je suis convaincu que M. Rouvier est absolument sincère en affirmant qu’il ne veut pas d’une alliance franco-anglaise contre l’Allemagne et je suis convaincu que le Parlement français n’en veut pas davantage.
3. L’arrivée des Libéraux au pouvoir en Angleterre est un élément d’apaisement.
4. Les politiciens français ne songent pour le moment qu’aux triples élections du Sénat, de la Présidence de la République et de la Chambre, et pendant quatre mois la France sera en rût électoral ce qui l’empêchera de s’emballer sur la politique extérieure.
5. Les chefs responsables, tant du Gouvernement que de l’opposition parlementaire, sont personnellement convaincus que Bulow veut la paix.
Il est vrai qu’on sait à Paris que l’Allemagne fait le nécessaire pour être absolument prête à entrer en campagne, et on ne cache pas non plus qu’ici on travaille, mais on ne s’émeut pas outre mesure de ces préparatifs allemands, qu’on considère comme l’expression de la volonté d’avoir l’instrument prêt à servir.
Je crois donc pouvoir en toute conscience conclure que si nous ne devons rien négliger pour être prêts, il y a beaucoup plus de motifs de croire au maintien de la paix l’année prochaine que de croire le contraire. Le seul danger sérieux viendrait d’une irritabilité lente de l’opinion publique qui se cabrerait devant de nouvelles exigences ou devant des difficultés qu’on croirait créées en vue de provoquer un conflit.
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Internationale Lage (bis 1914)