Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.4. Chemins de fer
13.4.1. Voies d’accès au Simplon
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 4, doc. 423
volume linkBern 1994
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E8001B-01#1000/1131#14* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 8001(B)-01/1000/1131 4 | |
Titre du dossier | Beschlüsse des Bundesrates betreffend Ergänzungen der den schweiz. Delegierten an der Simplonkonferenz in Rom erteilten Instruktionen (1903–1903) | |
Référence archives | 009.15 |
dodis.ch/42833
Hier à midi j’ai eu l’honneur de recevoir Votre office du 17 février2 par lequel Vous me chargez de donner officiellement connaissance à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères du fait que nos Chambres ont accordé le 9/18 décembre à la Compagnie P.L.M. la concession de la partie suisse de la ligne Frasne– Vallorbe. Vous ajoutez qu’une convention a été conclue entre la Compagnie du Jura-Simplon et la Compagnie P.L.M. pour la construction du tronçon dont il s’agit, pour la transformation de la gare de Vallorbe et pour la pose de la double voie entre Vallorbe et Daillens, et Vous faites observer que la Compagnie J. S. entrant en liquidation le 1er mai, il serait désirable que la concession française fût octroyée encore avant cette date.
A la fin de votre Office, Vous me chargez de me rendre auprès de M. Delcassé pour l’entretenir de cette affaire dans le sens ci-dessus.
Avant de Vous rendre compte de l’exécution de Vos instructions je tiens à rectifier une erreur assez grave qui s’est glissée dans le premier alinéa de Votre office d’avant-hier. Je ne vous ai jamais écrit que le Gouvernement français était d’avis que le seul projet exécutable était le raccourci Frasne–Vallorbe et non pas le percement de la Faucille. Je Vous ai écrit que M. Dervillé m’avait dit que M. Maruéjouls, Ministre des Travaux publics, lui avait dit être partisan du Frasne–Vallorbe; personne ne m’a jamais dit et je n’ai jamais écrit que le «Gouvernement français» eût pris une décision en faveur du Frasne–Vallorbe. D’après Votre office d’avant-hier je devais hésiter entre une communication écrite, puisque Vous me chargiez de «donner officiellement connaissance» du vote de l’Assemblée fédérale à M. Delcassé, et une communication verbale, puisqu’à la fin Vous me chargiez de me rendre auprès de M. Delcassé. Dans le doute j’ai préparé une communication écrite pour la remettre à M. Delcassé s’il la réclamait.
Enfin je me permettrai de faire observer que si, le 4 de ce mois3, j’ai écrit au Département politique pour indiquer quelques motifs de ne pas prendre l’initiative, cette conclusion me paraissait concorder avec les termes mêmes de Votre office du 16 janvier, où l’initiative de la France était préconisée.4 Je ne m’explique donc pas très bien pourquoi Vous m’écrivez le 17 février que mes objections n’ont pas pu Vous faire «changer d’avis» alors que précisément Vous me chargez, le 17 février, de prendre l’initiative dont Vous ne vouliez pas le 16 janvier. Il doit y avoir là quelque malentendu de rédaction. Le Conseil fédéral est bien libre de changer d’opinion et je suppose que, s’il en a changé, cela doit tenir à des circonstances extérieures non mentionnées dans Votre office d’avant-hier et faciles à discerner.5
A la réception de M. Delcassé hier après-midi, je lui ai exposé le sens de l’arrêté fédéral dont je lui ai remis un exemplaire et lui ai dit verbalement tout ce qui était dans Votre note d’avant-hier. Il m’a répondu qu’il aimerait bien avoir une petite communication écrite parce qu’il craignait d’avoir commis quelque erreur en prenant des notes. Je lui ai alors remis la communication écrite que j’avais préparée et dont Vous trouverez ci-joint copie.6
M. Delcassé n’a émis aucune opinion sur le fond de la question. Il en sera sans doute de même à l’avenir; il ne connaît pas la question ou affecte de ne pas la connaître.
Ce matin, j’ai vu M. Dervillé, président du P.L.M. Il m’a dit avoir revu M. Maruéjouls, qui reste partisan du Frasne–Vallorbe, mais qui lui a déclaré être obligé, par politesse envers son collègue, M. Trouillot, Ministre du Commerce, d’attendre, avant de déposer la demande de concession du Frasne–Vallorbe, le rapport de l’ingénieur en chef du Département du Jura, M. Barrand, chargé de contrôler les études préliminaires du P.L.M. sur la ligne Lons-le-Saulnier– Genève. Le rapport Barrand ne sera guère terminé avant la fin de mars. M. Dervillé m’a dit que le Directeur des chemins!e fer au Ministère des Travaux publics M. Pérouse trouvait aussi la ligne de la Faucille beaucoup trop chère et était personnellement partisan du Frasne–Vallorbe.
M. Dervillé a fait venir l’ingénieur en chef de la construction et celui-ci a exposé qu’il était impossible d’obtenir pour le 1er mai du Parlement français la concession et la déclaration d’utilité publique. Il a ajouté qu’une fois la déclaration d’utilité publique obtenue, l’Etat était devenu tellement paperassier dans les dernières années qu’il s’écoulait en général 9 ans entre la déclaration d’utilité publique et l’inauguration d’une ligne; en faisant des tours de force on arrive quelquefois en sept ans, mais c’est invraisemblable. Il a ajouté que M. Barrand venait de faire des sondages pour tâcher de se rendre compte de la nature des roches des principaux tunnels. Son rapport ne sera pas terminé avant la fin de mars. Le désir des Genevois serait la ligne à une seule voie avec traction électrique, ce que la Compagnie P.L.M. considère comme très peu pratique; il paraît qu’à Chamonix l’exploitation électrique est très mauvaise, et le P.L.M. considère la traction à vapeur comme indispensable sur la ligne de la Faucille; cela implique la double voie. Quant aux frais, l’ingénieur en chef de la construction les a évalués à 140 millions sauf imprévus, et, d’après lui, il y a toujours des imprévus dans les tunnels jurassiques. Il a ajouté que si la France avait vraiment plus de cent millions à jeter dans un tunnel sous le Jura, et si, contre toute attente, le Frasne–Vallorbe devait être éliminé, il serait absurde de faire déboucher le tunnel à Meyrin, dans le Canton de Genève; il faudrait le faire déboucher à Bellegarde, en dehors des zones et de la Suisse, non seulement pour des motifs d’ordre national, mais aussi pour que ce raccourci profite à la ligne de Culoz et du Mont-Cenis. Il s’est exprimé dans ce sens vis-à-vis de M. Trouillot lui-même et celui-ci lui a répondu en riant: «Vous pouvez avoir raison; cela m’est bien égal, à moi, pourvu qu’à l’extrémité nord, cela aboutisse dans ma ville de Lons-le-Saulnier.»
Je me permets de Vous signaler tout particulièrement cette conversation.
Ayant ainsi éclairé le terrain du côté du P.L.M. je me suis rendu au Ministère des Travaux publics, chez M. Pérouse, Directeur des chemins de fer, que je connais depuis fort longtemps et qui est un des héritiers du fameux vaudois Dubochet, fondateur du gaz de Paris.
J’ai exposé à M. Pérouse la démarche que Vous m’aviez chargé de faire auprès de M. Delcassé.
Il m’a répondu que M. Maruéjouls avait promis à son collègue Trouillot de faire contrôler le budget de la ligne de la Faucille par l’ingénieur en chef de l’Etat, à Lons-le-Saulnier; que cet ingénieur venait de terminer les sondages, étudiait la possibilité d’un tunnel à une voie à exploitation électrique et n’aurait pas terminé son rapport avant le 20 ou le 30 mars. M. Pérouse considère donc comme impossible que le Ministre des Travaux publics obtienne du Gouvernement une décision, et des Chambres un vote, pendant le mois d’avril. Il faut donc renoncer à la possibilité d’obtenir la concession pour le premier mai. M. Pérouse ajoute que les Genevois, et leur agent le Sénateur Prevet sont très actifs et que la lutte sera assez sérieuse; il n’y a guère que le coût à objecter. Le Comité genevois fait dire qu’il dispose de 20 millions, non compris la subvention fédérale et que le Gouvernement fédéral a été prié d’en aviser officiellement le Gouvernement français. «En avez-Vous parlé ou écrit hier à M. Delcassé?»
J’ai répondu à M. Pérouse que j’avais lu dans les journaux divers articles à ce sujet, mais que je n’avais reçu du Gouvernement fédéral aucune communication quelconque à l’égard d’une subvention genevoise ou autre de la Faucille, et que je n’avais, sous aucune forme, fait la moindre communication à ce sujet à M. Delcassé ou à qui que ce soit. J’ai ajouté que, d’après les journaux genevois, les 20 millions dont il s’agit semblaient devoir être un maximum comprenant l’ensemble des subventions espérées en Suisse par le Comité (voir «La Suisse» de Genève du 13 février). J’ai donc insisté auprès de M. Pérouse pour bien constater que je n’avais aucun mandat de parier de la Faucille à qui que ce soit au nom du Gouvernement fédéral.
M. Pérouse m’a dit que le Ministre actuel des Travaux publics, tout en attendant par courtoisie le rapport Barrand, était décidé à conclure en faveur du Frasne–Vallorbe. Il ne doute pas que le Parlement ne puisse voter la concession et la déclaration d’utilité publique comme aussi la Convention avec le P.L.M., dans la session extraordinaire, c’est-à-dire en automne. Espérer autre chose serait une illusion complète.
M. Pérouse pense, je le répète, que la bataille sera assez chaude au Parlement. Qui sera Ministre des Travaux publics à ce moment? Dans la pensée de M. Pérouse et comme il est impossible que la percée du Jura soit effectuée pour l’époque de l’ouverture du tunnel du Simplon, M. Pérouse pense qu’il sera facile d’exploiter la ligne de Pontarlier pour le service des voyageurs avec des grandes locomotives dans le genre de celles du Gothard, où l’on franchit des rampes de 30 kilomètres et de 26 %o de pente à la vitesse de 50 kilomètres à l’heure, alors que nulle part sur la ligne de Pontarlier il n’y a des pentes aussi prolongées.
Quant à la Convention internationale de raccordement, M. Pérouse ne croit pas qu’elle doive être soumise au Parlement français. Il est prêt à la négocier quand on voudra, mais croit qu’il vaut mieux attendre le vote des Chambres sur la concession. A ce propos M. Pérouse a ajouté qu’il désirerait vivement qu’on pût signer à Paris, Genève ou ailleurs, la convention pour le raccordement de la ligne à voie plus-ou-moins étroite de Chamonix à Martigny; il écrit aujourd’hui dans ce but à M. Delcassé.
Vous m’obligeriez, Monsieur le Président, et très honorés Messieurs, en me faisant savoir avec quel Département doit être traitée la suite de cette affaire qui pourra comporter des communications confidentielles. Autant que possible je désirerais que l’on se rappelât à Berne l’existence d’un cabinet noir en France.7
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Transit et transports Chemin de fer Ligne du Simplon (1873–1913)