Classement thématique série 1848–1945:
IX. DÈFENSE NATIONALE ET NEUTRALITÉ
3. Neutralité
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 396
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#652* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(A)1000/45 75 | |
Dossier title | Nr. 627. Silvestrelli-Handel (1900–1903) | |
File reference archive | B.252 |
dodis.ch/42806
Pour le cas où la rupture de nos relations diplomatiques avec l’Italie nous amènerait à sortir de notre neutralité, il y a une question sur laquelle je voudrais vous demander la permission d’appeler Votre attention, parce qu’elle se présenterait sous un aspect tout nouveau et qu’elle n’a jamais encore été envisagée à ce point de vue, c’est la question de la neutralité de la Savoie.
Il me paraît évident que si la Suisse est engagée dans une guerre n’ayant pas pour objet la défense de sa neutralité (peu importe que nous déclarions la guerre ou qu’on nous la déclare, l’agresseur étant celui dont la politique a rendu la guerre inévitable selon l’expression de Napoléon Ier), il ne saurait être question de la neutralité de la Savoie. C’est la Suisse qui fait la guerre comme tout autre Etat souverain, et le fait que la Suisse aurait la faculté d’occuper la Savoie disparaît puisque la base de notre droit est la neutralité. La Savoie et la Suisse forment un bloc dont la neutralité est une; la Savoie «jouit de la neutralité de la Suisse de la même manière que si elle appartenait à celle-ci»; mais le bloc se disjoint dès que la Suisse fait la guerre pour autre chose que pour la défense de la neutralité. L’adversaire de la Suisse n’a pas le droit de pénétrer dans la Savoie neutralisée, et la Suisse n’a pas à occuper cette dernière.
Il est évident que si le recours aux armes devenait inévitable, notre intérêt est d’attaquer pour profiter de la supériorité de notre mobilisation; la possibilité pour l’armée italienne de pénétrer dans la Savoie neutralisée ne se présenterait donc que si nous avions subi de sérieux revers et étions obligés de défendre notre sol dans le Valais. L’Italie n’aurait aucun intérêt à pénétrer en Savoie et à se mettre en difficultés avec la France.
Si je pose la question, c’est uniquement en vue de chercher une formule qui ne permette pas à la France d’invoquer, comme une preuve de l’abandon par la Suisse de la neutralité de la Savoie, le fait que nous aurions laissé la Savoie complètement de côté.
La chose n’est pas très simple. C’est le même morceau de papier qui contient la reconnaissance de la neutralité perpétuelle de la Suisse et la garantie de son indépendance et de l’inviolabilité de son territoire, et qui contient, à l’alinéa suivant, la reconnaissance et la garantie de la neutralité de la Savoie. Ce sont les Puissances qui ont pris l’engagement dont il s’agit le 20 novembre 1815 après avoir proclamé le 20 mars précédent que tel était leur intérêt général (PO I p. 61, 75 et 103). La Diète s’est bornée à leur en exprimer sa gratitude éternelle le 27 mai; nous n’avons donc jamais pris l’engagement de renoncer à perpétuité à recourir à la force pour atteindre un but politique ou défendre notre honneur; nous sommes absolument libres de faire la guerre; mais en faisant cela, déchirons-nous à jamais l’Acte du 20 novembre 1815 et, si nous le déchirons définitivement, déchirons-nous définitivement aussi la neutralité de la Savoie? Ce serait là une conséquence bien imprévue et bien grave de la prose discourtoise de M. Silvestrelli. En d’autres termes, il serait désirable de trouver un moyen de faire la guerre, une fois, sans nous dépouiller de notre neutralité perpétuelle et de son appendice savoyard.
Si, dans la forme, la déclaration de guerre venait de l’Italie, il nous serait plus facile de trouver, dans une circulaire aux Puissances, la formule d’un maintien de notre neutralité, puisque nous nous bornerions à repousser une agression par la force. Si les nécessités militaires nous obligeaient à prendre les devants et à déclarer la guerre, nous pourrions toujours invoquer le principe napoléonien que l’agresseur n’est pas nécessairement celui qui commence, mais uniquement celui dont la politique a rendu l’appel aux armes inévitable et affirmer notre volonté de considérer l’Acte du 20 novembre 1815 comme conservant toute sa valeur, puisque cet acte affirme l’intérêt européen qui s’attache à l’indépendance de la Suisse; or l’indépendance n’existe plus si on prétend exiger d’un gouvernement qu’il viole ses lois pour déférer aux sommations d’une puissance étrangère.
Sans vouloir exagérer la valeur de l’Acte de 1815, j’estime que nous avons d’assez nombreux motifs de faire tout notre possible pour le conserver dans nos archives comme une arme diplomatique, et la neutralité de la Savoie lui donne une importance particulière. C’est uniquement ce dernier côté que j’ai cru devoir signaler à Votre méditation. Espérons d’ailleurs que cette lettre, destinée à Vous seul, ne sera pas appelée à recevoir de suite.
J’ai communiqué Votre télégramme d’hier2 annonçant la rupture des relations diplomatiques à M. Delcassé, dont c’était le jour de réception, en lui disant que je n’étais pas chargé de lui faire cette communication, et que je le lui montrais à titre purement personnel et pour qu’il n’apprît pas la chose par les journaux. M. Delcassé m’a répondu qu’il venait d’avoir la visite de l’Ambassadeur d’Italie Tornielli, qui ne lui en avait rien dit et ne savait sans doute rien.
- 1
- Lettre: E 2001 (A) 627.↩
- 2
- Il s’agit du télégramme du 10 avril 1902 envoyé à Berlin, Paris, Rome, Vienne, Londres, Washington et Buenos Aires du texte suivant: Die diplomatischen Beziehungen zwischen der Schweiz und Italien sind abgebrochen. Wir werden nächster Tage über die Umstände, welche diesen Bruch herbeigeführt haben, der Bundesversammlung, die vorläufig von der Sachlage unterrichtet ist, Bericht erstatten. Département politique (E 2001 (A) 627).↩
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