Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 4, Dok. 281
volume linkBern 1994
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#1238* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 519 | |
Dossiertitel | Wien, Politische Berichte und Briefe, Militär- und Konsularberichte, Band 27 (1898–1902) |
dodis.ch/42691
Depuis mon retour de congé il m’a été impossible de Vous adresser un rapport politique, n’ayant pu voir le Comte Goluchowski, qui n’a été ici que durant la visite du Comte Mouravieff et qui durant les trois jours de son séjour à Vienne n’a reçu aucun diplomate. Le remplaçant ordinaire du Cte Goluchowski, Comte Welsersheimb a quitté Vienne le jour où le Cte Mouravieff se rendait à Livadia, en sorte que les sources d’information sont actuellement d’autant plus nulles, que 5 ambassadeurs et plus de la moitié des ministres se trouvent encore en congé.
Ce n’est donc que très peu à peu, qu’il m’a été possible de me rendre compte des sentiments de ce Gouvernement et de contrôler les nouvelles données par la presse au sujet de la visite du Comte Mouravieff. Ma première impression et je crois qu’elle était exacte, a été que l’on n’a pas tenu outre mesure à la venue du Ministre des Affaires étrangères de Russie. Le Comte Mouravieff, répétait-on au ministère, ne peut guère se rendre de Paris à Livadia sans passer par Vienne et il lui est difficile de ne pas s’y arrêter. Néanmoins on l’a fêté sur une vaste échelle; l’Empereur et le Comte Goluchowski ont interrompu leur villégiature pour lui faire les honneurs de Vienne et il est certain que l’on s’est séparé plus satisfait qu’on ne le pensait ici avant cette entrevue. Le rapprochement et les bonnes relations qui s’étaient produites entre la Russie et l’Autriche durant la guerre turco-grecque se sont peu à peu refroidis durant les négociations relatives à la question crétoise; les deux Ministres des Affaires étrangères d’Autriche-Hongrie et de Russie, anciens collègues à différents postes diplomatiques se connaissent trop bien pour ne pas juger chacun à sa manière les mobiles personnels qui avaient guidé l’autre dans telle ou telle démarche officielle. De là une tension entre ces deux augures et au Ballhausplatz on a eu l’occasion d’entendre dans les derniers temps des jugements fort sévères sur la personne et le caractère de celui qui dirige la politique extérieure de Russie. On a pourtant été satisfait ici des exposés politiques qu’a présentés le Comte Mouravieff, durant cette dernière entrevue. Il a énormément causé, m’a-t-on dit, et peut-être aussi a-t-il tenu des paroles diverses suivant les personnes qu’il a rencontrées, néanmoins on m’assure que le but de sa visite a été atteint et que les deux gouvernements sont tombés d’accord pour renouveler, chacun dans sa sphère d’activité respective, leurs démarches auprès des gouvernements des Etats Balkaniques en vue d’empêcher toute complication soit entre ces Etats, soit de leur part à l’égard de la Porte et dans la question de la Macédoine. Pour ce qui en est de la question de la Crète, l’Autriche a déclaré ne plus faire aucune objection à la candidature soutenue par le Tzar, «s’étant depuis longtemps désintéressée de la question crétoise». Le Prince Georges de Grèce va donc être nommé «Prince Gouverneur de Crète» ou «Prince Gouverneur provisoire», ce dernier titre sourit particulièrement au Cabinet d’Athènes, attendu qu’acceptant des fonctions provisoires seulement, le Prince n’aurait pas à se rendre préalablement à Constantinople; le poste une fois occupé provisoirement deviendrait définitif par la force des choses.
Les questions du désarmement et de la répression des anarchistes ont pris une large part dans les entretiens des Ministres d’Autriche et de Russie. Le Cte Goluchowski n’aura pas manqué de laisser entrevoir son scepticisme à l’égard de la proposition du Tzar; pour ce qui en est de la conférence qui se réunira à Rome le 24 et, le Cte Mouravieff aurait exprimé l’avis que l’on ne saurait prendre des mesures assez sévères pour la répression de l’anarchisme et que les délégués russes à cette conférence seront munis d’instructions très catégoriques et «weitgehend». Ici je prends la liberté de vous faire observer que le Ministère des Affaires étrangères austro-hongrois observe au sujet de la question de l’anarchisme une réserve qui a été remarquée, non seulement par moi, dans deux entretiens au Ballhausplatz, mais aussi par tous ceux de mes collègues qui ont cherché à faire causer les remplaçants successifs du Cte Goluchowsky. Impossible de les faire parler sur cette question, me disent tous mes collègues. L’un d’eux cependant m’assurait que le Comte Welsersheimb, dans un moment d’abandon, aurait exprimé l’avis qu’il ne sortirait pas plus de résultats positifs de la Conférence de Rome que de celle proposée par le Tzar. J’en conclus que les mesures prises par le Conseil fédéral, qui ont trouvé l’approbation de l’Empereur, ont en une certaine mesure fauché l’herbe sous les pieds des partisans des mesures fortes.
Tels sont les maigres renseignements que j’ai pu recueillir au sujet de la visite du Cte Mouravieff.
Quant à la question de Fachoda, on m’assure que la France, sur des conseils venus de Livadia, abandonnera ses prétentions sur le district occupé par le capitaine Marchand et qu’elle saura éviter la faute de porter la discussion sur les droits de l’Angleterre à l’occupation de la vallée du Nil. Placer la discussion sur ce terrain brûlant serait ou provoquer une guerre désastreuse, ou aller le cœur léger à l’encontre d’un échec diplomatique non moins désastreux.
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- Rapport politique: E 2300 Wien 27.↩