Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.1. Commerce
13.1.1. Traité de commerce et guerre douanière
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 145
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E13#1000/38#157* | |
Old classification | CH-BAR E 13(-)1000/38 34 | |
Dossier title | Korrespondenz des Departements des Auswärtigen mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris und Anträge des EDA an den Bundesrat; Bundesratsbeschlüsse (1894–1894) |
dodis.ch/42555 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal1
[...]2
M. le Président de la Chambre qui, en sa qualité de Lyonnais est un partisan convaincu des traités de commerce, et qui, en sa qualité d’ami d’enfance de notre pays, est un partisan déclaré de l’amélioration des rapports économiques entre les deux nations, m’a dit ensuite qu’il avait suivi de près ce qui s’était passé à Mâcon. Il est d’avis que les adversaires de M. Méline gagnent incontestablement du terrain en France; que la réaction en faveur des idées libérales marche certainement plus vite qu’il n’eût jamais osé l’espérer il y a deux ans; que l’agitation dans la partie viticole de la Bourgogne est sérieuse et sincère mais qu’elle est encore très locale; que la manifestation des Chambres syndicales lyonnaises est un grand pas et aura du retentissement (voir les journaux d’hier), mais que M.Méline est encore le maître de la situation au Parlement. Si la Suisse veut transiger, la transaction ne pourra donc être que très modeste. Après quelques phrases entortillées sur la manifestation de Mâcon, M. Burdeau s’est interrompu: «Non, de Vous à moi il ne faut pas de phrases; je ne dois pas Vous cacher que le discours de M. Droz à Mâcon3 risque de froisser notre vanité nationale; cela sera exploité encore plus que jusqu’à présent. Je pense bien que si M. Droz a parlé comme il l’a fait c’est que l’opinion dans Votre pays l’exigeait, et si, comme je le pense, tel est le cas, il eût mieux valu ne pas aller. J’ai beaucoup d’amis en Suisse; je les vois ou ils m’écrivent; je sais par eux qu’il se fait une réelle et lente désaffection chez Vous à notre égard, non pas chez les hommes à longue vue mais dans la foule. Je vois bien ce qui se passe en Italie où j’espérais que nous conserverions toujours des sympathies en Piémont et dans le Milanais et où elles ont disparu. Je vois venir cela chez Vous et c’est ce côté politique que notre gouvernement devrait ne pas tarder à comprendre pour imposer une transaction à notre Parlement si Vous êtes disposés à transiger à des conditions très modestes. Si Vous demandez autant qu’en 1892, la Chambre sera convaincue non sans raison que c’est le commencement de la fin du tarif Méline et dans ce cas la défaite est certaine avec le tempérament actuel du Parlement.»
En sortant de la présidence de la Chambre des députés je me suis rendu au Ministère des Affaires étrangères où j’ai fait ma visite de rentrée à M. Hanotaux.
Le Ministre, que j’ai naturellement interrogé sur la question qui émeut en ce moment au plus haut degré les cercles parisiens, à savoir la santé de l’Empereur de Russie, m’a dit qu’il était impossible d’obtenir des renseignements certains sur la nature de la maladie; chez les empereurs comme chez les particuliers, les médecins ne doivent rien dire, la famille ne veut rien dire et les voisins ne savent rien de précis. Si c’est le mal de Bright, la situation est extrêmement grave; si c’est le diabète on peut vivre fort longtemps avec des soins intelligents.
Quant à la situation anglo-française, «le bruit que la presse mène à ce sujet et qui ferait croire à l’imminence de graves événements, ne repose absolument sur rien. Il ne s’est rien produit de nouveau depuis le mois de juillet. Il y a des foules de questions, dans le monde entier, entre la France et l’Angleterre; on les étudie; on les discute; on en règle une de temps à autre; on en a réglé une ou deux petites cet été; Lord Dufferin ne revient pas à Paris avant la fin d’octobre; à chaque jour suffit sa peine; les émotions n’ont pas manqué cet été avec les affaires du Maroc et la guerre sino-japonaise. Vous êtes heureux en Suisse de ne pas avoir de consulat à Fez ou de question d’Extrême-Orient. C’est à peine si j’ai pu me sauver à Vichy pendant quinze jours pour une cure indispensable, sans avoir une minute pour mes travaux historiques.»
Le Ministre m’a ensuite questionné sur l’impression que je rapportais de Suisse au sujet de la situation commerciale des deux pays.
J’ai répondu que j’avais eu l’honneur de Vous rapporter la conversation que nous avions eue, M. Hanotaux et moi, chez M. Casimir-Perier4, au commencement de juillet et j’ai ajouté que certaines objections avaient été formulées. C’est ainsi qu’on m’avait paru désirer quelque chose de plus officiel, de plus solennel qu’une simple conversation de manière à éviter l’apparence de secret, puisqu’il faudra bien en venir à rendre publique l’existence de négociations. A cet égard M. Hanotaux incline à penser que cette publicité serait une faute; si on négocie et si on aboutit, il faut se présenter avec un fait accompli et ce serait une erreur d’ameuter d’avance, pendant les négociations, les intérêts hostiles et les intransigeances qui existent en France, de provoquer au cours des pourparlers, des interpellations auxquelles on ne pourrait pas répondre; il ne semble pas nécessaire d’emboucher dès le début la grande trompette.
Une autre objection que j’ai rencontrée m’a paru porter sur le lieu des négociations, ai-je ajouté. On m’a paru désirer plutôt à Berne que l’on négociât à Paris; cependant, à la fin de mon séjour en Suisse, on m’a semblé mettre moins d’importance à ce point. M. Hanotaux a répété alors ce qu’il avait déjà dit le 4 juillet à savoir qu’en donnant la préférence à Berne, il avait eu l’intention d’être agréable au Conseil fédéral puisque, devant l’opinion publique, c’était la France qui venait en Suisse; en outre ses occupations l’empêcheraient ici de s’occuper avec beaucoup de suite des détails et il est obligé d’avouer un secret public, à savoir que le Ministre actuel du commerce M. Lourdes ne lui serait pas d’un grand secours, attendu qu’il est notoire que cet honorable sénateur n’a pas les compétences ni les capacités de M. Jules Roche; enfin comme c’est sur le parlement français qu’il faut agir, plus que sur l’opinion en Suisse, la signature de M. Barrère ferait bien à Paris; «cependant», a dit en terminant M. Hanotaux, «je ne fais nullement une grosse affaire de cette question de lieu et si Votre gouvernement tenait décidément à Paris, je m’y prêterais sans hésiter.»
M. Hanotaux a continué en disant qu’à ses yeux il fallait surtout se placer au point de vue pratique, à ce qui était actuellement possible et faisable, et qu’il pouvait me déclarer catégoriquement que si, après discussion, il mettait son nom ou celui du représentant de la France à Berne au pied d’un arrangement avec nous, cet arrangement serait ratifié par le parlement français ou bien lui Hanotaux s’en irait. «Cela m’est parfaitement égal de rester Ministre des Affaires étrangères ou non; je ne veux pas jeter la pierre à M. Ribot qui était en même temps président du Conseil et qui a pu avoir à tenir compte d’autres considérations, mais pour ma part, si nous arrivons à une transaction que j’accepte, elle sera ratifiée ou je resterai sur le carreau.»
J’ai alors fait observer qu’on avait reproché autrefois à M. Jules Roche d’avoir cherché, en s’entendant avec nous, une occasion de faire une belle sortie du Ministère. M. Hanotaux m’a alors interrompu en disant: «Mais je ne tiens pas du tout à sortir du Ministère» ce qui est peut-être en contradiction avec ce qu’il venait de dire peu d’instants auparavant. Il a continué comme suit: «Tout cela sont des préliminaires, nous nous reverrons.» De mon côté je n’ai pas insisté, car je tenais d’une part à pouvoir recevoir Vos impressions, et d’autre part à ne pas m’avancer tant que nous sommes en présence du Beutezug.5, M.Hanotaux estime d’ailleurs que la réunion de Mâcon a été très utile. Il ne faut pas selon lui en exagérer l’importance, car pour le moment cette importance est tout à fait locale, mais la réunion de Mâcon a attiré l’attention sur un état de choses qu’il est désirable de voir prendre fin. Le Ministre m’a dit avoir été préalablement consulté par les organisateurs français, les avoir vivement encouragés, et il estime, ce sont ses propres paroles, «que les résultats sont excellents à tous égards pour le gouvernement et pour tous ceux qui désirent avec lui un rapprochement franco-suisse».
Au moment où je prenais congé, le Ministre m’a dit «Et les zones!» J’ai répondu que j’avais également eu l’honneur de Vous en entretenir ainsi que divers personnages versés dans la matière chez nous; qu’on m’avait montré divers projets fort intéressants (n.b. sur la base de l’arrêté féd. du 9 mai 18936)en vue d’assurer le bénéfice des crédits aux véritables exportateurs des zones et que je ne désespérais nullement, lorsque cette étude serait terminée, de voir enfin l’état de choses actuel s’améliorer d’une façon ou d’une autre au profit des véritables intéressés; «je le désire bien vivement, cela serait une bonne détente», a répliqué M. Hanotaux. Nous en sommes restés là.
P. S. J’ai dit à M. Hanotaux que lors de mes cinq ou six visites à Berne, M. Barrère n’était pas dans cette ville, sauf lors de ma dernière course dans la ville fédérale le 21 septembre où j’ai voulu faire une visite à S. Ex. sans La rencontrer. J’ai reçu de M. Barrère le lendemain un très aimable billet à la campagne et ne manquerai pas d’aller le voir si je fais une pointe à Berne lorsque j’irai en Suisse chercher ma famille à la fin du mois.
- 1
- Lettre: E 13 (B)/183.↩
- 2
- \. Au début d’un entretien de Lardy avec Burdeau, président de la Chambre, on évoque la situation ministérielle en France.↩
- 3
- Cf. N. Droz. Discours prononcé à Mâcon à l’occasion des fêtes franco-suisses des 15–17 septembre 1894. Paris, Imprimerie Edouard Duruy, 1894, pp. 20–31.↩
- 4
- Cf. no 140.↩
- 5
- Cf. Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’attitude à prendre envers l’initiative demandant la répartition aux cantons d’une partie du produit des douanes du 5 juin 1894 (FF 1894, II, pp. 947-974).↩
- 6
- Cf. FF 1893, II, pp. 1116-1120.↩
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