Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
III. SICHERHEITSPOLITIK
4. Die Wahrnehmung von Hoheitsrechten in Savoyen
4.2. Verhandlungen über eine Besetzung im Kriegsfall
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 3, doc. 334
volume linkBern 1986
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1643* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 270 | |
Dossier title | Unterhandlungen mit Frankreich zur Regelung der Detailfragen für eine eventuelle Besetzung des neutralisierten Gebietes Nordsavoyens durch eidgenössische Truppen (1886–1887) | |
File reference archive | B.137.1 |
dodis.ch/42313
Hier lundi, à six heures du soir, M. le Commandant Hue, attaché militaire auprès de M. Flourens, Ministre des Affaires Etrangères, est venu à la Légation pour rapporter la carte sur laquelle nous avions tracé, le 12 de ce mois, les modifications demandées par la Suisse à la contre-proposition2 française du 9 Mars entre Ugine & Lescheraines.
M. le Commandant Hue, après beaucoup de paroles plus ou moins utiles & qui ne paraissaient pas tout à fait rentrer dans sa mission technique et militaire, a conclu:
1° en repoussant tout changement aux propositions françaises quant au tracé, attendu a) que Faverges est un centre d’approvisionnement indispensable aux troupes françaises chargées de défendre le massif des Bauges entre Albertville et Montmélian au nord de la Vallée de l’Isère. 6, ) que la Suisse ayant admis que Lescheraines pouvait être placé en dehors du territoire neutralisé, devait tout aussi bien admettre que Faverges eût le même sort.
2° en soutenant que la Suisse s’étant abstenue en 1848, en 1859, en 1870, et, en général, depuis 1815, d’occuper la Savoie neutralisée, il était difficile de s’expliquer pourquoi, subitement, elle se trouvait si désireuse de faire valoir les anciens traités à l’égard d’un territoire étranger dont la situation était profondément modifiée depuis sa cession à la France, et qui ne pouvait être attaqué par l’Italie qu’après une violation de la neutralité suisse en Valais ou après une défaite des Français dans la Maurienne, au Mont-Cenis, au Petit Sf Bernard & à Albertville.
3° en faisant observer que la France, dans sa défense de la Vallée de l’Isère, n’avait aucun intérêt à être gênée éventuellement dans sa ligne de retraite par la neutralisation du territoire au nord de cette vallée & par la crainte de voir ses troupes, après une défaite, désarmées au nord du massif des Bauges, sur le territoire même de la France, par les troupes d’un pays qui, pour être voisin et ami de la France, n’en sont pas moins des troupes étrangères qu’il est toujours pénible de voir sur son sol.
4° en ajoutant que, dans la pensée de M. le Ministre des Affaires Etrangères, le danger d’une guerre était passé depuis le début des pourparlers, ensorte que la France n’avait plus d’intérêt positif et précis à se lier les mains, alors que, depuis 70 ans, on était resté dans un certain vague au sujet de l’étendue du territoire neutralisé et des conditions du fonctionnement de la neutralité.
L’entretien avec M. Hue a fini à 7hs20; je devais aller dîner à 7hs30 chez M. le Général Boulanger, Ministre de la Guerre, & n’avais que le temps de me rendre à cette invitation. Je me suis abstenu à ce dîner de parler de la Savoie, tant vis-à-vis de M. Flourens que vis-à-vis de M. le Général Boulanger, puisque M. le Colonel Schweizer et moi avions été dans l’impossibilité de conférer sur la marche à suivre.
Toutefois, j’ai dit au général Joung [!], chef du Cabinet de M. le Ministre de la Guerre, que je sortais d’un entretien avec M. le Commandant Hue, qui semblait avoir voulu rompre les pourparlers, soit de son chef, soit sur l’ordre de M. Flourens, en nous déclarant que, le danger étant passé, la France n’avait plus d’intérêt à négocier. M. Jung a répondu qu’il n’y comprenait rien, et qu’il avait seulement chargé M. Hue de demander pour la France la crête des Bauges, et qu’il parlerait immédiatement à M. le Général Boulanger de cet incident.
Enfin, connaissant l’influence de M. de Freycinet sur M. Goblet, Président du Conseil, j’ai cru pouvoir prendre sur moi d’exposer en quelques mots la situation à M. de Freycinet avec lequel j’avais à parler d’une petite affaire de succession intéressant une Vaudoise à son service. Freycinet parut vivement contrarié & me dit textuellement: «Il fallait, ou bien Vous dire qu’une discussion était inopportune & ne pas entrer en matière, ou bien, dès qu l’on entrait en matière, régler amicalement cette affaire avec Vous. Ce qui se passe n’a pas de sens. Je vais aller aux informations et chercher à arranger les choses. Venez me voir un de ces matins.»
Cela exposé, il me sera permis d’ajouter les quelques considérations suivantes:
1° M. le Commandant Hue n’aurait pas parlé comme il l’a fait sans y avoir été autorisé par Mr. Flourens ou plutôt sans avoir été expressément chargé de le faire. Mr. Hue a dit probablement trop vite ce que pense le Ministre des Affaires Etrangères: «le danger d’une guerre étant passé, la France n’a plus d’intérêt à se lier les mains.»
2° Personnellement, j’ai l’impression que Mr- Flourens agit moins par hostilité ou par défiance envers nous que par crainte de se compromettre; il a peur d’une interpellation devant le parlement français, il redoute le reproche d’avoir rendu moins facile la défense du territoire français; il ne se sent pas assez sûr de sa situation personnelle pour oser quelque chose autrement que sous la menace d’un autre danger plus grave encore, et il ne paraît pas avoir l’amplitude de coup d’œil suffisante pour se rendre compte qu’il froisse la Suisse et lui rend difficile le rôle de confiance qu’elle jouait avec une franchise & un désintéressement absolus. M. Flourens ne paraît pas comprendre que de la part d’un grand pays la meilleure politique à l’égard d’un petit pays c’est: de se montrer large, facile sur les détails, et que la France a un intérêt majeur à faire à jamais disparaître les inquiétudes de certaines personnes en Suisse, à l’égard d’une distinction que la France serait disposée à établir entre la neutralité savoisienne et la neutralité suisse, ou les inquiétudes d’autres personnes trop défiantes, que la France serait heureuse d’avoir des difficultés sur la question de la Savoie neutralisée afin de n’avoir pas à tenir compte le cas échéant de la neutralité de la Suisse. En d’autres termes il y a chez Mr- Flourens, j’en ai l’impression beaucoup moins mauvais vouloir ou intention de nous froisser que crainte pour sa situation personnelle, ou inquiétude de commettre un faux-pas. La perspective d’être en butte à des critiques inspirées par un amour-propre mal placé à raison de l’occupation d’une partie du territoire français par les troupes de la petite Suisse entre pour une forte part dans la somme des facteurs qui agissent sur Mr- le Ministre des Affaires Etrangères.
3° Dans quelle mesure le Ministre de la Guerre est-il d’accord avec celui des Affaires Etrangères? Je l’ignore; j’ai la conviction que le Général Boulanger est infiniment trop intelligent pour ne pas compendre la portée de la question et l’intérêt de la France dans cette affaire; il se rend parfaitement compte que la question n’est ni très grosse pour la France ni dangereuse pour un grand pays militaire. Je crois aussi que M. le Général Boulanger était parfaitement sincère lorsqu’il m’a remercié le 16 février3 et nous a remerciés Mr Schweizer & moi le 28 du même mois4 d’aborder cette question. Seulement continuera-t-il à nous soutenir? Je ne crois pas qu’il faille espérer beaucoup de son concours pour le succès final, en ce sens que le Ministre des Affaires Etrangères pourra toujours sur le terrain politique et sur les questions administratives trouver les moyens de faire échouer les pourparlers, s’il le veut.
4° Etant donné qu’à mesure que la situation générale semblait plus pacifique nous avons chaque fois reculé d’un pas pour l’arrangement de cette question, qu’on vient de faire. Je désire ne pas revoir Mr. Flourens sans avoir vos instructions.5
Il ne me paraît pas en première ligne que nous devions considérer le commandant Hue comme un personnage suffisant pour rompre sur ce qu’il nous a dit. Il importe qu’un Ministre responsable confirme les déclarations de cet officier pour qu’on ne puisse pas désavouer ou qu’on ne puisse pas prétendre que nous avons ajouté une importance exagérée à des dires personnels de sa part. Il importe tout autant que nous ne poursuivions pas naïvement une négociation sans issue, dans laquelle nous laisserions un morceau de notre dignité.
Je me demande donc s’il n’y a pas lieu de poser nettement en notre nom à Mr. Flourens la question de savoir s’il est du même avis que Mr- Hue et s’il n’y a pas lieu aussi de poser la même question à M. Goblet, sur lequel je me réserve dans l’intervalle de faire agir son ami et patron M. de Freycinet. Cela n’est nullement agréable pour moi de me faire répéter des déclarations de ce genre, mais nous devons peut-être épuiser toutes les instances. Puis, ces instances françaises épuisées, voulons-nous poser la question de l’application de détail des traités de 1815 devant les grandes puissances, en prévenant la France de cette intention? C’est un jeu qui n’est pas sans péril, car si l’on a voulu la paix et si réellement on est sur le point de l’obtenir, les puissances ne demanderont qu’une chose, c’est que nous ne réveillions pas d’anciennes affaires, qui les intéressent médiocrement, qu’elles auraient acceptées sans phrases en cas d’entente entre la Suisse et le Souverain de la Savoie neutralisée, mais qu’elles nous prieront de laisser dormir, si cela n’entre pas dans leurs convenances du moment.
Il me paraît que la marche ultérieure des pourparlers dépend avant tout de vos intentions sur la conduite future de cette affaire. Nous pouvons laisser tomber le tout sans phrase, sauf à faire notre profit des incidents des trois dernières semaines. Nous pouvons vouloir aller plus loin, et conformément à nos traditions de loyauté & de droiture en prévenir le Gouvernement français. Sur ces points j’ai besoin de connaître vos impressions confidentielles, avant d’avoir de nouveaux entretiens avec les représentants du gouvernement français.
M. le colonel Schweizer me demande après avoir pris connaissance de ce qui précède d’ajouter que dans sa pensée le tracé français n’est pas acceptable et que le tracé indiqué [dans votre office du 11 Mars6 doit être fermement maintenu, parce que la communication par la vallée ne doit pas pouvoir être menacée ou interrompue par des troupes étrangères dans cette même vallée. Nous n’avons pas eu occasion de parler du tracé éventuel dans le petit secteur à l’est et au sud de Faverges, l’ensemble de la discussion ne s’y prêtant pas. M. le Col. Schweizer estime que le côté militaire de la question paraît épuisé et s’attend à recevoir l’ordre de revenir à Berne, parce que la question lui paraît entrer dans une phase exclusivement diplomatique.
Je ne puis me refuser à Vous transmettre cette impression de M. le Colonel Schweizer, mais je tiens à ajouter que, depuis son arrivée, son concours a été pour moi si précieux, que je serais désolé d’en être privé, ne fût-ce qu’un jour trop tôt. On a besoin, dans des questions aussi délicates, d’échanger ses impressions, et personne n’est plus apte que M. Schweizer à comprendre et à partager les sentiments à la fois d’impartialité & de droiture envers tous qui nous ont guidés depuis le début des négociations; j’ose donc exprimer l’espoir qu’à moins de nécessités de service, le départ de M. le Colonel Schweizer pourra être retardé autant que possible.7
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