Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
III. SICHERHEITSPOLITIK
4. Die Wahrnehmung von Hoheitsrechten in Savoyen
4.2. Verhandlungen über eine Besetzung im Kriegsfall
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 3, doc. 332
volume linkBern 1986
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1643* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 270 | |
Dossier title | Unterhandlungen mit Frankreich zur Regelung der Detailfragen für eine eventuelle Besetzung des neutralisierten Gebietes Nordsavoyens durch eidgenössische Truppen (1886–1887) | |
File reference archive | B.137.1 |
dodis.ch/42311
Les choses ont pris depuis hier soir une autre tournure et il ne paraît pas que nous nous rapprochions d’une entente.
Hier soir Dimanche 6 Mars, à 8 h 1/2, est arrivée une lettre de M. le Général Boulanger, datée du matin et dont Vous trouverez copie2 sous ce pli. – Vous Vous rappelez que, le 2 Mars, le Ministre de la Guerre écrivait, en nous retournant la carte sur laquelle figurait la ligne primitive de Vos instructions: «Pour ma part, je ne vois aucune objection au tracé que Vous indiquez»3. Dans la lettre d’hier, et en réponse à la communication officieuse du tracé convenu, M. le Général Boulanger revient sur sa déclaration et demande une modification du tracé entre Ugine et le lac du Bourget, sans entrer dans les détails.
Cet après-midi, vers 5 heures, nous avons été reçus, M. le Colonel Schweizer et moi, par M. Flourens. Comme j’avais prévenu ce dernier, par un billet personnel, qu’il y avait accord avec M. le Ministre de la Guerre sur la question du tracé, j’ai commencé par montrer à M. le Ministre des Affaires Etrangères la lettre du 2 Mars de M. Boulanger, pour qu’il ne crût pas à une erreur volontaire de ma part.
M. Flourens nous a répondu qu’il n’avait pas encore de communication écrite de la Guerre, mais qu’un attaché au Cabinet du Général Boulanger lui avait apporté une carte avec une ligne plus au Nord, à l’intérieur de celle prévue par le Conseil fédéral, entre Ugine, Faverges et Lescheraines. – M. Flourens n’est pas entré dans les détails, mais il a parlé une fois de route, en sorte que nous nous demandons s’il entend peutêtre réserver aux troupes françaises la route d’Ugine à Faverges par la vallée. Le Ministre des Affaires Etrangères annonce pour demain ou après demain une communication plus précise à ce sujet.
Quant à la rédaction des six lettres4 à échanger, M. Flourens a demandé encore un certain temps pour mieux en étudier les termes & présenter ses observations. Il insiste pour que la gendarmerie reste en tout état de cause dans les provinces neutralisées; il croit aussi qu’il y aura lieu de stipuler quelque chose au sujet des prisons, mais en général, il préfère ne pas entrer à présent dans les détails.
Il y a une autre question, a continué le Ministre, dont nous n’a vons pas encore parlé, et qui m’a paru devoir faire l’objet de stipulations précises entre nous. – La Savoie est une partie du territoire français; elle offre donc pour nous un intérêt tout spécial. Supposons que ce territoire soit plus directement menacé; supposons qu’un coup de main soit médité spécialement contre ce territoire. Vous pouvez être occupés ailleurs; Vous pouvez avoir besoin de toutes Vos troupes sur une autre frontière. – Il nous semblerait désirable que, si Vous êtes prévenus par nous du danger, et si Vous ne pouvez pas, pour un motif ou pour un autre, y faire face, nous ayons la faculté de protéger la Savoie, sans que cette défense d’une partie du territoire français par des troupes françaises constitue une violation de Votre neutralité.
Nous avons répondu que, si la Suisse avait cru pouvoir entrer en pourparlers, c’était uniquement pour régler les détails d’exécution des traités et pour éviter des frottements si l’on devait en arriver à une occupation. Aller au delà, prévoir la possibilité d’une violation de la neutralité, et, comme conséquence, une action plus ou moins commune des troupes françaises & des troupes suisses en Savoie, constituerait précisément une sorte, sinon d’alliance, tout au moins d’arrangement occasionnel franco-suisse en vue d’une éventualité déterminée, ce qui, dès le début, avait été considéré, de part & d’autre, comme devant être soigneusement & absolument évité; si la neutralité de la Savoie est violée, il en résultera les conséquences qui pourront résulter de toute violation de la neutralité suisse; toutes deux sont garanties sur le même morceau de papier; ce morceau de papier vaut ce qu’il vaut, pour les deux territoires neutralisés. Vouloir régler d’avance les conséquences d’une violation de la neutralité alors qu’on négocie seulement pour exécuter en détail des traités qui garantissent cette neutralité, cela constitue une pétition de principes. Nulle des Puissances ne peut savoir ce qu’elle fera si la neutralité de la Suisse est violée. C’est la guerre; c’est peut-être la guerre portée sur le territoire suisse, même sous prétexte de garantir cette neutralité. Le Conseil fédéral ne pourrait, semble-t-il, faire plus que de régler le fonctionnement de cette neutralité; aller au-delà, serait vouloir régler à l’avance des faits de guerre.
M. Flourens a répondu qu’il y avait cependant une distinction à faire entre la neutralité de la Suisse et celle de la Savoie. La Suisse est suisse; la Savoie est française. Il y a eu une époque où il a été question de supprimer la neutralité de la Savoie, et de laisser à la France, qui a son armée, le soin de défendre ce pays; certaines Puissances ont répondu que la neutralisation de la Savoie leur était absolument indifférente; on peut se demander si, aujourd’hui, toutes les Puissances assimilent complètement la neutralité de la Savoie à celle de la Suisse; or, pour la France, la réponse à cette question n’est pas indifférente.
J’ai répondu que la Suisse ne pouvait pas abandonner le terrain des traités, ni aller au délà de ce que les traités prévoyaient; la neutralité de la Savoie est pour nous la même en temps de guerre que celle de la Suisse; nous ne pouvons rien dire de plus; en cas de violation, il ne me paraît pas qu’on puisse rien stipuler, pas plus pour l’une que pour l’autre, comme aussi, d’autre part, une proclamation claire de notre neutralité, avec indications précises sur les conditions du fonctionnement de la neutralité en Savoie, nous aurait paru constituer une manifestation dont l’Europe tiendrait d’autant plus de compte que les arrangements sur les détails d’exécution seraient moins anciens. J’ai donc exprimé la pensée qu’il serait tout à fait désirable d’abandonner l’idée de mentionner le cas de violation dans les correspondances à échanger.
M. Flourens a répliqué que cette idée ne lui était pas personnelle, mais qu’elle était l’expression de la pensée de M. le Ministre de la Guerre & aussi de M. le Président du Conseil, auquel il en avait référé. Il a conclu en demandant du temps pour répondre sur les questions de rédaction et en promettant, ainsi que cela a été dit plus haut, qu’il nous transmettrait à très-bref délai, les observations de M. le Ministre de la Guerre sur la question du tracé.
Il semble résulter de ce qui précède que si, ce que nous ignorons encore, le Ministre de la Guerre réclamait réellement la route d’Ugine à Faverges pour les troupes françaises.
Nous nous trouverions en présence de deux difficultés graves, l’une militaire(impossibilité pour nous de communiquer entre deux points spécialement mentionnés dans le traité du 20Nov/em/b/re/1815, et l’autre diplomatique (impossibilité pour nous de stipuler des engagements spéciaux avec la France, en cas de violation du territoire neutralisé).
Il y a lieu, en tout cas, d’attendre la communication des changements de tracé annoncée par MM. Boulanger & Flourens, avant de se former une opinion définitive sur l’issue des pourparlers, ou sur l’opportunité de les rompre de notre chef & sans délai.
M. le Colonel Schweizer me demande expressément de Vous écrire que, dans sa pensée, la tournure prise par les pourparlers est de nature à l’engager à rentrer en Suisse, aussitôt que la nouvelle ligne militaire sera connue (ou éventuellement, sera discutée, si elle paraît discutable) et d’aller à Berne, pour vous rendre compte personnellement de sa mission.