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Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 1, Dok. 490
volume linkBern 1990
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2#1000/44#45* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2(-)1000/44 2 | |
Dossiertitel | Einladung Frankreichs [Kaiser Napoleons] zu einem europäischen Kongress zur Befriedigung Europas [Revision der Wienerverträge von 1815] (1863–1864) | |
Aktenzeichen Archiv | B.18 |
dodis.ch/41489
Le Département politique au Conseil fédéral1
Le Département politique pourrait s’en rapporter aux correspondances de notre Ministre à Paris qui a exposé assez longuement les motifs qui paraissent militer en faveur de l’acceptation de la proposition impériale.2 II croit, néanmoins, devoir donner en résumé ses propres impressions et ajouter quelques considérations qui n’ont pas été avancées ou du moins ne l’ont pas été d’une manière complète.
Ce n’est pas la première fois qu’il est question dans les dernières années de la réunion d’un Congrès européen.
Au commencement de l’année 1859, lorsque les hostilités étaient sur le point de s’ouvrir dans l’Italie supérieure, le Conseil fédéral a adressé aux Puissances une déclaration de neutralité3 qui a acquis une certaine renommée, et qui a amené des réponses4 dans lesquelles on apprécie pleinement le point de vue où se plaçait la Suisse.
La paix ayant été signée à Zurich, il fut parlé d’un congrès. Le Conseil fédéral, dans la prévision de sa réunion prochaine, demanda à être admis à ses délibérations, en tant qu’elles auraient pour objet des questions intéressant la Suisse. Cette demande sembla toute naturelle et on aurait plutôt trouvé extraordinaire que l’Autorité fédérale ne fît aucune démarche pour être admise, au sein d’un congrès, à soutenir les droits et les intérêts de la Suisse, puisqu’il devait, selon toute vraisemblance, en être question à propos de la situation particulière des provinces neutralisées de la Savoie qui auraient fait partie de la Confédération italienne. La circulaire du 18 novembre 18595 relative à cet objet est annexée à ce rapport.
Mais le congrès n’eut pas lieu. Le projet de Confédération pour l’Italie fut abandonné, la situation changea entièrement de face et la cession de la Savoie et de Nice à la France ne tarda pas à être mise à l’ordre du jour.
Le Conseil fédéral dirigea sur ce fait toute son attention et ses efforts tendirent à obtenir des Puissances, y compris la France, les garanties nécessitées par le fait nouveau que nous venons de mentionner. Le Conseil fédéral en appela aux Etats garants des traités, contre ce qu’il estimait être une atteinte au droit international européen, comme aux droits et aux intérêts de la Suisse. Après avoir réclamé et protesté, le Conseil fédéral s’adressa le 19 mars 1860 aux Puissances signataires du traité de Vienne: sa note se termine comme suit: «Après avoir exposé ces divers points de vue, la Suisse réclame l’intervention des Hautes Puissances dans une affaire si importante et si sérieuse pour son avenir; elle fait cette démarche avec toute la confiance qu’elle doit aux garants de l’ordre entre les nations et des traités sur lesquels repose le droit international européen.
«Elle peut attendre avec confiance le maintien des droits que lui assurent les traités; elle peut attendre que si réellement un changement de l’état actuel des choses doit avoir lieu et si la Savoie devait être cédée, la possibilité lui sera donnée par l’adjonction des provinces neutralisées de défendre avec chance de succès sa neutralité et son indépendance.
«Elle peut d’autant moins se voir trompée dans cette attente qu’il ne s’agit pas d’avantages particuliers, mais d’intérêts que les Hautes Puissances elles-mêmes ont reconnu avoir une importance générale pour l’Europe entière et que la France a confirmé vis-à-vis d’elle encore ces derniers jours le maintien de ses bonnes dispositions pour régler cette affaire dans un sens qui sauvegarde nos droits et intérêts.
La Suisse a l’espoir que sa demande sera prise en juste [et impartiale appréciation et qu’on ne prendra aucune décision définitive sans sa coopération.»6
Dans les notes qu’il a échangées immédiatement après avec le Gouvernement français et avec le Gouvernement sarde, le Conseil fédéral s’est encore appliqué à faire ressortir la nécessité d’une réunion des Hautes Puissances, qui aurait pour but de régler avec la participation de la Suisse la question en litige et de lui donner une solution en harmonie avec les intérêts européens et ceux de la Confédération suisse.
Le 27 mars 1860, le Conseil fédéral adressa, de nouveau, une note aux Légations d’Espagne, de Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie et aux Ministères de Portugal et de Suède. On y lit la phrase suivante: la Suisse demande positivement une réunion des Puissances avec sa propre participation.7
L’Assemblée fédérale se réunit à la fin de mars et au commencement d’avril. Le Conseil fédéral lui soumit l’ensemble de ses actes, qu’elle approuva. Elle lui donna le mandat de continuer à veiller à la défense des droits et des intérêts de la Suisse, mais en le chargeant de convoquer l’Assemblée fédérale en cas de circonstances graves qui viendraient à surgir:
L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral suisse concernant la question de Savoie du 28/29 mars 18608, arrête: « 1. Les mesures décrétées jusqu’à présent par le Conseil fédéral sont approuvées et le crédit nécessaire à cet effet est accordé. 2. Le Conseil fédéral continuera à défendre énergiquement les droits et intérêts de la Suisse à l’égard des provinces neutralisées et en particulier à faire ses efforts pour qu’il ne soit rien changé au statu quo avant que l’entente ait eu lieu. Il lui est donné plein pouvoir pour faire usage de tous les moyens nécessaires dans ce but. 3. Pour le cas où des levées militaires auraient lieu ultérieurement ou que d’autres circonstances graves vinssent à surgir, le Conseil fédéral convoquera à nouveau et immédiatement l’Assemblée fédérale. En attendant, l’Assemblée prononce son ajournement. 4. Le Conseil fédéral est chargé de l’exécution de cet arrêté.»9
Suivent les signatures.
Le Conseil fédéral a continué à agir dans le même esprit et dans les mêmes idées.
Dans une note du 5 avril10 adressée à l’Autriche, à la France, à la Grande-Bretagne, à la Prusse, à la Russie, à l’Espagne, au Portugal, à la Sardaigne et à la Suède, le Conseil fédéral cite la disposition finale de l’article du protocole adopté le 15 novembre 1818 à Aix-la-Chapelle et conçue en ces termes:
«Elles (ces conférences des Puissances) n’auront lieu qu’à la suite d’une invitationformelle de la part de ceux de ces Etats que les dites affaires concerneraient et sous la réserve expresse de leur droit d’y participer directement ou par leurs plénipotentiaires.»11
Il ajoutait la déclaration suivante:
«Le Conseil fédéral se voit maintenant appelé à adresser aux Hautes Puissances la demande positive qu’il leur plaise réunir la conférence prévue par l’article précité, afin d’amener à une solution conforme au principe du droit des gens et de l’ordre social en Europe, le conflit actuel, qui a déjà acquis une importance européenne. Il veut laisser à la prudence des Hautes Puissances le soin de fixer le lieu et l’époque de cette conférence. Il exprime seulement le vœu que cette réunion ait lieu le plus promptement possible, attendu que l’inquiétude croissante de la Suisse appelle de la manière la plus urgente une prochaine solution de la question; à cela se rattache la condition expresse que la Suisse soit appelée à prendre part à ces délibérations.»
Dans une nouvelle note du 11 avril12, adressée aux mêmes gouvernements, le Conseil fédéral, en regard de la votation qui allait avoir lieu sur l’annexion, renouvela ses protestations et recommanda avec instance de soumettre le conflit à une appréciation impartiale de la part des Puissances.
Voulant donner à ses instances toute la considération qui pouvait dépendre de lui, le Conseil fédéral délégua auprès de quelques puissances des envoyés extraordinaires chargés de plaider la même cause et de solliciter la prochaine réunion d’une conférence.
Le Conseil fédéral ne crut pas même devoir accueillir des ouvertures pour une entente séparée qui lui furent communiquées par le canal d’une tierce puissance; il maintint son programme primitif, de la manière la plus conséquente et la plus logique.
Le 18 juin I86013 encore, après la prise de possession de la Savoie par la France, le Conseil fédéral adressa une dépêche à ses ministres à l’étranger, dans laquelle à propos de l’acte qui venait de s’accomplir, il rappelle ses représentations antérieures et demande que la conférence des Puissances invoquée par la Suisse se réunisse le plus promptement possible.
Dans sa session ordinaire de juillet 1860, l’Assemblée fédérale approuva la conduite du Conseil fédéral et lui renouvela les pouvoirs accordés le 4 avril I860.14
Au mois de juillet 1861, à propos de l’examen de la gestion du Conseil fédéral, l’Assemblée fédérale prit l’arrêté suivant:
L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse arrête:
«Le Conseil fédéral est invité à ne pas cesser de vouer toute son attention à l’affaire de Savoie comme question encore pendante et à reprendre en temps opportun les négociations dans le sens d’une défense énergique des droits et intérêts de la Suisse.»15
Cette question ne présenta dès lors plus de faits saillants qui méritent une mention spéciale.
Elle demeura pendante; les arrêtés de l’Assemblée peuvent être considérés comme étant encore en vigueur; si le Conseil fédéral ne renouvela pas ses réclamations d’une manière expresse, il ne fit rien qui permette de conclure qu’il y soit devenu indifférent. Lors des négociations qui eurent lieu cette année avec la France pour la conclusion d’un traité de commerce, il se refusa à entrer en matière sur toute disposition relative à des arrangements concernant la zone, qui eussent pu être interprétés comme impliquant de sa part une reconnaissance du statu quo.
En regard des précédents qui viennent d’être rappelés, l’attitude à prendre par l’autorité fédérale n’est pas douteuse. Un congrès étant proposé à la Suisse, après qu’elle l’a sollicité elle-même à réitérées fois, elle ne peut repousser l’offre qui lui est faite.
Il est d’autres motifs encore qui doivent déterminer le Conseil fédéral et que le Département veut brièvement indiquer:
a. La position faite à la Suisse par l’invitation qui lui a été adressée, et dans la pensée de celui de qui elle émane, est honorable. La Suisse est invitée à l’égal des plus grands Etats, elle est appelée à se faire représenter au même titre qu’eux et il lui est fourni inopinément une occasion de reprendre ses réclamations si elle le juge à propos.
L’attitude qui a été assignée à notre pays dans les négociations des années 1814, 1815, 1818, était loin d’être aussi avantageuse, ce serait une faute que de ne point prendre acte du précédent constitué en notre faveur.
b. L’acceptation de la proposition française nous offre l’avantage d’être présents si les grands intérêts de l’ordre social européen sont mis en délibération et de pouvoir veiller au maintien des garanties assurées à la Suisse. Ce point de vue général, abstraction faite de toute réclamation particulière, a en lui même assez d’importance pour devoir faire pencher notre détermination.
c. Si notre acceptation offre des avantages, nous ne voyons pas quels en peuvent être les inconvénients. Avec les réserves et les conditions qui sont mentionnées ci-après, on peut se mettre entièrement à couvert pour toute éventualité. Nous espérons qu’on s’en convaincra complètement.
d. Si notre acceptation offre des avantages positifs, notre refus pourrait avoir, en revanche, des conséquences qu’il peut être bon d’éviter.
La proposition qui nous est faite émane de l’initiative de l’Empereur; un refus le toucherait donc personnellement. Le Conseil fédéral peut apprécier si, en présence des négociations si importantes qui sont actuellement ouvertes avec la France en matière de commerce, de postes et de télégraphes, il n’est pas de bonne politique d’éviter une réponse dont les conséquences pourraient se faire sentir d’une manière fâcheuse dans d’autres domaines étrangers à la politique. Il est à supposer que d’autres Etats apporteront à la réalisation du Congrès suffisamment d’obstacles pratiques pour qu’on puisse douter de le voir de sitôt réuni: ils sont mieux à même que la Suisse de faire face aux conséquences de leur détermination.
e. Il résulte du rapport de M. Kern que la plupart des souverains de l’Europe ont déjà répondu affirmativement, laissant à leurs gouvernements le soin de poser et débattre les conditions de l’organisation du Congrès. La Suisse se trouverait donc isolée, si elle ne consentait pas; tandis qu’il lui est possible de sauvegarder sa position, comme les autres, en divisant sa réponse en deux parties, c’est-à-dire en s’exprimant d’une façon générale dans une lettre à l’Empereur et en formulant des conditions positives dans une lettre pour le Ministère.
f. De tous les Etats européens, la Suisse est, par sa position actuelle, celui qui a peut-être le moins à redouter d’un congrès, et elle peut avoir l’espoir d’y voir résoudre une question pendante. La considération que l’invitation est partie de la France ne doit point nous faire refuser, car une pareille raison ne se pourrait dire.
Par ces motifs et d’autres qu’il serait facile d’invoquer, le Département est d’avis de répondre affirmativement à la lettre de l’Empereur.
En acceptant l’invitation, on admettrait, en même temps, par le fait, Paris comme lieu de réunion. Il importe peu à la Suisse que ce soit cette ville ou une autre qui soit choisie.
En adhérant au Congrès et pour le cas où une majorité d’Etats se prononcerait pour le choix d’un pays neutre, on aurait plus de chances de voir peut-être donner la préférence à la Suisse.
Mais en adhérant au Congrès, il est possible de maintenir intacte toute la position de la Suisse. Il faut, en effet, que cette adhésion soit accompagnée de réserves propres à sauvegarder nos droits et nos intérêts légitimes.
Les réserves qu’il conviendrait de faire sont principalement les suivantes:
a. Que le congrès soit réellement européen, c’est-à-dire que toutes les grandes puissances, ou au moins la presque totalité des puissances de l’Europe y prenne part. La Suisse ne pourrait s’associer à un congrès restreint qui n’aurait pas le caractère d’une vraie réunion internationale et qui serait peut-être placé sous des influences particulières. Sa neutralité lui impose dans ce cas l’abstention.
b. Que chaque Etat demeure libre d’accepter ou de ne pas accepter les résolutions qui pourraient intervenir. Un congrès ne fait pas de lois, auxquelles une minorité doit se soumettre; mais il cherche à produire l’entente pour donner le jour à des traités. Or, qui dit traité dit libre consentement. Le Conseil fédéral doit faire cette réserve au nom de la Suisse et il doit, d’ailleurs, réserver en tout état de cause, la ratification de l’Assemblée fédérale, à qui toute stipulation doit être soumise et dont les attributions doivent être maintenues entièrement intactes.
c. En regard de l’opinion énoncéesur les traités de 1815 dans le discours d’ouverture des Chambres prononcé par l’Empereur Napoléon et dans sa lettre d’appel au congrès, du 4 novembre16, il importe que la Suisse fasse connaître clairement sa manière de vo/rqui paraît au Département la suivante: La Suisse envisage les traités de 1815 comme ayant conservé toute leur force et leur valeur, là où ils n’ont pas été expressément modifiés ou brisés et comme faisant la base du droit public européen. Ces traités sont surtout pleinement en vigueur en ce qui se rapporte à la Suisse. Notre pays n’a point à en réclamer la modification, il a plutôt à demander qu’ils soient exécutés dans leur esprit et dans leur lettre, en ce qui concerne une question spéciale. Ces traités consacrent en faveur de notre pays des garanties dont le maintien est également dans l’intérêt de l’Europe; la Suisse doit réserver leur conservation. Au surplus, si le mouvement des esprits, la marche de la civilisation, les besoins des peuples réclament des modifications à ces traités la Suisse n’a pas à s’y opposer. Mais elle n’aborderait qu’en passant cette face générale de la question, se bornant à insister, pour ce qui la concerne, sur la reconnaissance du caractère permanent et nécessaire des principes que les traités de 1815 ont proclamés en sa faveur.
d. La question de Savoie est encore pendante, l’occasion est unique pour la rappeler au souvenir de l’Europe; il y aurait donc à réserver une réclamation nouvelle à ce sujet.
A part les points qui précèdent et dont la mention est nécessaire, le Département est d’avis que, dans un congrès, la Suisse devrait se tenir à l’écart vis-à-vis de questions qui ne l’intéressent pas directement, sa neutralité lui commandant l’abstention là où il s’agit des intérêts particuliers aux autres Etats.
Ce cerait là le principe à suivre. Mais on conçoit que des questions de politique générale et européenne sont de nature, suivant la solution qui leur serait donnée, à déployer aussi des effets relativement à notre pays et que suivant l’état des faits, il pourrait y avoir à prendre une autre attitude. Il n’est pas possible d’établir à ce sujet une règle fixe et immuable, et il faut, si le congrès a lieu, s’attendre à devoir agir d’après ce que les circonstances indiqueront comme étant conforme aux intérêts du pays.
Il s’agit de voir maintenant quelles sont les formes les plus convenables à suivre pour la notification des décisions du Conseil fédéral.
Le Département est d’avis de séparer en deux la réponse et, en conséquence, de se borner dans un premier écrit, à l’Empereur, à une communication tout à fait générale, conçue en termes convenables et dans laquelle le Conseil fédéral annoncerait l’assentiment de la Suisse au principe du Congrès, en indiquant toutefois, d’une manière claire, le terrain sur lequel elle entend se placer.
Puis, dans une dépêche adressée à M. Kern et dont ce ministre serait chargé de laisser copie à M. Drouyn de Lhuys, le Conseil fédéral exposerait et développerait, autant qu’il est besoin pour la circonstance, les réserves et conditions que le Conseil fédéral doit mettre à son adhésion, dans le sens de ce qui vient d’être exposé sous litt. C.
Il s’agit de savoir, en outre, s’il n’y a pas aussi une communication immédiate à faire aux Puissances.
Jusqu’à aujourd’hui les ministres accrédités à Berne sont eux-mêmes peu au courant du plan que leurs gouvernements se proposent de suivre et ils n’ont pas été chargés de faire au Conseil fédéral des ouvertures spéciales relativement au Congrès.
L’attitude à prendre par nous doit être différente. D’abord la neutralité nous impose l’obligation d’observer les mêmes procédés vis-à-vis de tous les Etats, dans une affaire qui est essentiellement européenne. De plus, ce sont les puissances européennes qui sont garantes des traités et qui ont à prononcer sur les questions que la Suisse se propose de porter devant le Congrès. Enfin, il est probable qu’il y aura avant le Congrès, ou à l’ouverture du Congrès, s’il se tient réellement, une entente ou une négociation préalable en vue de la fixation d’un programme et il importe, en conséquence, que les réserves, les conditions et les réclamations de la Suisse soient, sans délai, portées à la connaissance des Puissances.
Cette communication aura, en tout cas, et à supposer que le Congrès ne se réunisse pas, l’avantage de rappeler les réclamations de la Suisse concernant la question de la Savoie neutralisée et d’empêcher qu’on les envisage comme sorties des tractanda.
L’idée d’une communication aux Puissances étant admise, il y a différentes manières de la mettre à exécution. Le Département est d’avis que, dans l’état actuel de la question, ce qu’il y a de mieux est de leur faire parvenir une copie de la dépêche adressée à M. Kern, en se réservant, pour le cas où le projet de Congrès ferait du chemin et s’approcherait de sa réalisation, de leur envoyer soit une note circulaire, soit même un mémoire complet sur les questions qui intéressent la Suisse.
Mais le Conseil fédéral est-il compétent pour prendre ces déterminations de son chef et ne devrait-il pas se faire autoriser par les Chambres fédérales? En d’autres termes, les Chambres se réunissant le 7 décembre prochain, ne devrait-il pas attendre et leur demander des instructions?
Il paraît au Département que cette question doit être résolue négativement par des motifs de haute convenance et par des raisons de droit.
Les motifs de convenance sont d’abord qu’il est impossible d’attendre aussi longtemps pour donner une réponse à la lettre personnelle de l’Empereur. Une communication d’une nature aussi exceptionnelle semble appeler une réplique un peu prompte et s’il n’est point nécessaire que la Suisse soit la première à faire connaître sa détermination, il serait fâcheux qu’elle fût la dernière et qu’elle eût ainsi l’air de marcher à la remorque des autres Etats ou de s’être prononcée ainsi qu’elle jugera bon de le faire, parce que les autres l’auraient fait avant elle.
En ce qui concerne l’Assemblée fédérale, il paraît impossible de la nantir actuellement et de provoquer une délibération expresse de sa part sur l’objet qui nous occupe. On est, en effet, trop encore dans les généralités; on se perd trop dans les conjectures, dans le vague, dans l’incertitude, pour qu’il soit permis d’élaborer un message et d’asseoir des conclusions sur une base quelque peu solide. Dans la phase toute préparatoire où l’on se trouve, il est à tous égards plus prudent et plus convenable que ce soit l’autorité exécutive qui agisse et qui ne cherche point à se décharger de sa responsabilité sur l’Assemblée fédérale.
Au reste, si l’on examine les compétences que le Conseil fédéral peut invoquer à l’appui de cette manière de faire, il ne paraît pas douteux qu’il ne soit pleinement autorisé à donner une réponse de son chef, tout en respectant les attributions qui appartiennent à la représentation nationale.
En vertu de l’art. 90, § 8 et 917, le Conseil fédéral veille aux intérêts de la Confédération au dehors, notamment à l’observation de ses rapports internationaux, et il est, en général, chargé des relations extérieures.
Il veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité.
En vertu du § 6, il nomme des commissaires pour des missions à l’intérieur ou au dehors.
Ces pouvoirs généraux impliquent incontestablement, pour le Conseil fédéral, le droit de se faire représenter à un congrès, moyennant qu’on laisse intactes les attributions de l’Assemblée fédérale, qui sont de prononcer sur les alliances et les traités avec les Etats étrangers, sur les mesures pour la sûreté extérieure ainsi que pour le maintien de l’indépendance et de la neutralité de la Suisse, sur les déclarations de guerre et la conclusion de la paix. (Art. 74, § 5 et 6).18
Ainsi, toute résolution à adopter, tout traité à conclure, toute mesure pour la sûreté extérieure, devraient être soumis à la ratification de l’Assemblée fédérale. Il y a plus, elle a le droit d’être consultée en cas d’événements graves, qui seraient de nature à avoir des conséquences d’une grande portée et sur lesquels, dans tous les pays, l’autorité supérieure est appelée à se manifester.
Outre ces pouvoirs généraux, il y a encore ceux que l’Assemblée fédérale a expressément donnés au Conseil fédéral lors de l’annexion de la Savoie et qui peuvent être envisagés comme étant encore en vigueur, s’ils n’ont pas été continués par l’arrêté du 19 juillet 1861, ainsi conçu:
«Le Conseil fédéral est invité à ne pas cesser de vouer toute son attention à l’affaire de Savoie, comme question encore pendante et à reprendre en temps opportun les négociations dans le sens d’une défense énergique des droits et des intérêts de la Suisse.»19
Le Conseil fédéral ne fait pas autre chose en adhérant au Congrès, que d’annoncer qu’il va reprendre les négociations sur la question de Savoie, en même temps qu’il va veiller aux intérêts de la Confédération au dehors, au maintien de son indépendance et de sa neutralité.20
- 1
- E 2/45.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- No 324.↩
- 4
- Cf. No 324, note 7.↩
- 5
- No 355.↩
- 6
- Publiée dans FF 1860 I, p. 421–427.↩
- 7
- Cf. No 383, note 2.↩
- 8
- Publié dans FF 1860 I, p. 461—474.↩
- 9
- RO VI, p. 464-465.↩
- 10
- No 387.↩
- 11
- Martens, NR IV, p. 554.↩
- 12
- No 390.↩
- 13
- No 401.↩
- 14
- Arrêté du 19 juillet 1860. RO VI, p. 545.↩
- 15
- RO VII, p. 57.↩
- 16
- Publiée dans FF 1863 III, p. 853-854.↩
- 17
- RO I, p. 27-28.↩
- 18
- RO I, p. 23.↩
- 19
- Cf. note 14.↩
- 20
- Dans une lettre du 23 novembre 1863 à Napoléon III, le Conseil fédéral déclare que la Suisse accepte de participer au Congrès. Publiée dans FF 1863 III, p. 855–856.↩
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