Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.2. Relations commerciales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 482
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E13#1000/38#102* | |
Old classification | CH-BAR E 13(-)1000/38 22 | |
Dossier title | Korrespondenz des Handels- und Zolldepartements und Anträge an den Bundesrat; Bundesratsbeschlüsse; Korrespondenz mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris T. 2 (1863–1863) |
dodis.ch/41481 Le Ministre des Affaires étrangères de France, E. Drouyn de Lhuys, à l’Ambassadeur de France en Suisse, L.F.E. de Turgot1
Dans la réunion qui a eu lieu lundi dernier au Ministère des Affaires étrangères, les plénipotentiaires français ont fait savoir à M. le Ministre de Suisse qu’en raison du prochain départ de M. Rouher pour Carlsbad, ils avaient été autorisés par l’Empereur à suspendre momentanément les conférences; mais, dans la crainte que M. Kern pût se méprendre sur les causes de cette interruption, nous l’avons en même temps informé que Sa Majesté désirait que les négociateurs des deux pays fussent en mesure de se réunir de nouveau vers la fin de l’automne2 et qu’elle espérait que l’ajournement serait mis à profit, de part et d’autre, pour amener par des concessions réciproques une entente définitive sur les questions encore en litige.
Je crois nécessaire, Monsieur le Marquis, d’entrer dans quelques explications sur les motifs qui m’ont déterminé, ainsi que mon collègue, M. Rouher, à proposer à Sa Majesté la résolution qu’elle a bien voulu approuver.
La discussion nous ayant paru épuisée après six mois de conférences avec le plénipotentiaire du Gouvernement helvétique, nous avons cru que le moment était venu d’examiner si la France trouverait, dans les concessions offertes par la Suisse, une suffisante compensation de celles qui lui sont demandées par ce pays.
Comme vous le savez, Monsieur le Marquis, la Suisse, sans se contenter du tarif conventionnel que nous avons déjà accordé à l’Angleterre, à la Belgique, au Zollverein et à l’Italie, a réclamé dès l’origine des négociations, le dégrèvement des rubans de soie, des gazes et mousselines et de l’horlogerie.
De son côté, elle nous a offert le maintien du tarif qui depuis 1848 est appliqué aux importations de tous pays sur son territoire, et quelques réductions de droits aussi peu importantes par leur objet que par leur chiffre.
Le tarif des péages est, il est vrai, libéral dans son ensemble, et laisse peu de marge aux dégrèvements sauf pour un seul produit, essentiellement français, les vins.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler, Monsieur le Marquis, que les taxes cantonales et fédérales dont nos produits sont grevés en Suisse, se combinent de manière à constituer une protection au profit des vins du pays.
Nous avons donc dû demander la diminution et surtout la simplification de ces taxes; mais en dehors d’une réduction du droit fédéral sur les vins en bouteille, qui n’entrent que pour une quantité minime dans la somme totale de la consommation en Suisse, nous n’avons rien obtenu. Les taxes réellement exagérées que nos vins ont à payer à l’octroi cantonal, et notamment à Genève, à Fribourg, à Berne, à Bâle, ont été maintenues avec leur caractère différentiel.
En résumé, au point de vue commercial, les résultats acquis de la négociation ne nous ont pas paru assez favorables pour que nous eussions intérêt à procéder dès à présent à la signature du traité qui les consacrerait, surtout en tenant compte de l’ajournement nécessaire, et prévu dès l’origine, de sa mise en exécution jusqu’à l’époque où notre traité avec le Zollverein pourra entrer en vigueur.
En nous plaçant au point de vue politique, nous nous sommes demandé si la conclusion du traité aurait pour effet d’améliorer les dispositions de la Suisse à notre égard. Vous jugerez sans doute comme moi, Monsieur le Marquis, que nous ne saurions nous flatter de recueillir le prix des nouveaux témoignages de condescendance que nous pourrions donner à la Confédération. Il suffit d’ailleurs de parcourir les principales feuilles publiques de ce pays pour se convaincre que nos concessions commerciales, systématiquement dénigrées d’avance et revendiquées en même temps comme un droit, seraient aussitôt méconnues qu’obtenues, au lieu de provoquer chez nos voisins un retour à des sentiments plus bienveillants.
Si l’expérience du passé ne nous autorisait pas à peu compter sur ce revirement, nous ne pourrions pas davantage entretenir l’espoir qu’un arrangement dont la Suisse seule serait appelée à profiter, obtiendrait un accueil favorable en France, surtout dans nos départements frontières. L’Alsace, la Franche-Comté, la Savoie, désirent vivement sans doute, la conclusion du traité, mais parce que ces provinces attendent du résultat des conférences la satisfaction de leurs vœux les plus légitimes, et la réparation de griefs, les uns déjà anciens, les autres nouveaux, mais non moins sérieux.
L’Alsace demande que ses vins ordinaires cessent de payer des droits de plus de 10% de leur valeur, dans les cantons limitrophes.
La Franche-Comté et la Savoie, dans de nombreuses pétitions adressées à l’Empereur, prient Sa Majesté d’obtenir que, pour la partie de leur territoire qui a été placée en-dehors des lignes de douanes de l’Empire, il y ait réciprocité du côté de la Suisse, et que ce pays ne maintienne ou ne relève pas, sur sa frontière, des barrières de douanes que nous avons supprimées sur la nôtre, dans un intérêt commun.
Toute la France se réunit à ces provinces limitrophes pour exprimer le vœu que nos nationaux soient admis en Suisse, comme les Suisses le sont en France; elle proteste contre l’exclusion dont est frappée, pour cause de religion, une classe entière de citoyens français; elle demande enfin que ceux des sujets de l’Empereur qui sont admis à séjourner sur le territoire de la Confédération, ne soient pas astreints à payer, outre les charges communes, la taxe des étrangers connue sous le nom de permis de séjour, taxe qui pèse sur les classes ouvrières et nécessiteuses.
Le Conseil fédéral a répondu à ces diverses réclamations par l’offre d’élargir, dans une mesure que nous avons jugée insuffisante, les crédits ouverts à l’importation du Pays de Gex; il a déclaré, en outre, qu’il serait disposé à autoriser le séjour des Israélites moyennant certaines compensations douanières, donnant ainsi le caractère d’une concession commerciale à une réforme que la Suisse se doit à ellemême et sans laquelle, comme le prouve le rejet récent de son traité de commerce avec les Pays-Bas3, tout règlement conventionnel de ses rapports avec les puissances étrangères lui demeure désormais interdit. A toutes nos autres demandes, la Suisse oppose une fin de non recevoir absolu, en se retranchant derrière les empêchements qui résultent de son organisation intérieure ou des préjugés de ses populations.
Sur quelques points essentiels, le motif de ses refus est même de nature à blesser chez nous le sentiment national. Le pays tout entier, par exemple, ne pourrait apprendre sans un pénible étonnement, que pour ne pas prononcer le nom des provinces que l’Empereur a glorieusement annexées à la France, la Suisse refuse de comprendre dans le règlement de nos rapports de voisinage le Chablais, le Faucigny, et même le lac de Genève.
Il nous a donc semblé que, dans les conditions offertes par le Conseil fédéral, le traité ne nous offrait ni avantages commerciaux, ni réciprocité suffisante pour répondre à la légitime attente de nos départements frontières.
Telles sont les considérations qui nous ont amené à proposer à Sa Majesté d’ajourner à l’automne prochain les conférences. D’ici là, les Suisses se rendront un compte plus exact de l’intérêt qu’ils ont à traiter, et je ne me fais certainement pas illusion en croyant qu’après cette interruption, le plénipotentiaire du Conseil fédéral reviendra, comme il l’a déjà fait une première fois, avec de nouvelles concessions.
Nous reprendrons de notre côté, Monsieur le Marquis, l’examen de nos demandes et de celles de la Suisse, et je n’ai pas besoin d’ajouter que nous y apporterons un sincère esprit de conciliation. Nous pensons dès aujourd’hui qu’il nous sera possible de reconnaître, par un dégrèvement des rubans de soie, les concessions que nous attendons de la Suisse sur la partie essentielle de nos propositions: la modification du régime des permis de séjour et des taxes qui grèvent nos vins. Sans nous refuser à examiner les combinaisons diverses qui pourraient nous être soumises, nous ne saurions en accueillir aucune, je le déclare d’avance, qui entraînât le sacrifice des intérêts majeurs engagés dans ces deux questions, et, si M. Kern ne devait rapporter à son retour que le maintien de ses instructions actuelles, je désespérerais d’arriver à une entente, cependant si désirable.
Il importe donc que le traité consacre dans une certaine mesure ou tout au moins garantisse dans un prochain avenir, l’allégement des charges qui pèsent sur nos nationaux en Suisse et le dégrèvement de nos vins. Nous sommes d’ailleurs disposés à laisser une entière initiative au Conseil fédéral pour le choix des moyens; les propositions que nous avons formulées ne marquent que le but auquel nous tendons. Le Gouvernement helvétique est libre de suggérer lui-même, sur l’un comme sur l’autre point, le mode qui lui paraîtra concilier le mieux les nécessités de sa position avec les exigences de la nôtre.
Je verrais avec plaisir, Monsieur le Marquis, que vous voulussiez bien l’aider et le diriger au besoin dans cette recherche. La juste influence qui vous est acquise en Suisse, les excellentes relations que vous entretenez avec les hommes les plus considérables de la Confédération, la connaissance approfondie que vous avez des intérêts des deux pays, garantissent à votre intervention personnelle de précieuses chances de succès.4
- 1
- Note (Copie): E 13 (B)/167.↩
- 2
- Les conférences pour la négociation du traité ont été interrompues entre le 29 juin 1863 et le 2 janvier 1864.↩
- 3
- Dans son Rapport de gestion de 1863, le Conseil fédéral écrit: En juin 1863 la seconde Chambre de ce Royaume a refusé, par 33 voix contre 17, de ratifier le traité d’établissement et de commerce que nous avions conclu en novembre 1862 avec le Gouvernement Royal néerlandais. On a allégué comme motif, qu’en Suisse, les Juifs n’étaient pas assimilés par la loi aux Chrétiens, et que les Pays-Bas ne pouvaient sanctionner implicitement un tel mode de faire, en ratifiant un traité d’établissement. Les Israélites d’autres pays, spécialement la congrégation de Strasbourg, ont, par des adresses publiques, remercié la Chambre de sa décision. (P. 141-142).↩
- 4
- Note de C. F orner od: Confidentiel, ad acta.↩
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