La position future de la Savoie vis-à-vis de la Confédération étant devenue l’objet de négociations diplomatiques, le Conseil fédéral suisse a soutenu avec une conséquence rigoureuse le principe que, à teneur des droits garantis par les traités, cette question ne peut pas être tranchée sans le concours positif de la Suisse. Cette manière de voir est justifiée longuement dans la Note que le Conseil fédéral a eu l’honneur d’adresser le 19 Mars aux hautes Puissances garantes des traités de Vienne.2 Dans les notes qu’il a échangées, dès lors, avec la France et la Sardaigne, le Conseil fédéral a fait ressortir l’absolue nécessité d’une réunion des hautes Puissances qui aurait pour but de régler, avec la participation de la Suisse, la question pendante et de lui donner une solution en harmonie avec les intérêts européens et ceux de la Confédération suisse. Le Conseil fédéral a d’autant plus de motifs d’espérer un accueil favorable à sa proposition que l’art. 2 du traité de réunion conclu à Turin le 24 Mars 1860 entre la France et la Sardaigne prévoit expressément un arrangement soit avec les Puissances garantes du traité de Vienne soit avec la Confédération suisse.3 Cette stipulation spontanée est présentée à la Suisse comme une garantie sûre que la question pendante, dont on apprécie toute l’importance, recevra une solution satisfaisante pour les intérêts de la Confédération.
La voie que le Conseil fédéral doit suivre pour atteindre ce but lui est tracée par la disposition finale de l’art. 4 du protocole adopté le 15 Novembre 1818 par les Puissances signataires du Congrès d’Aix-la-Chapelle.
Cette stipulation est conçue en ces termes:
«Elles (ces conférences des Puissances) n’auront lieu qu’à la suite d’une invitation formelle de la part de ceux de ces Etats que les dites affaires concerneraient et sous la réserve expresse de leur droit d’y participer directement ou par leurs plénipotentiaires.»4
Le Conseil fédéral suisse se voit maintenant appelé à adresser aux hautes Puissances la demande positive qu’il leur plaise réunir la Conférence prévue par l’article précité, afin d’amener à une solution, conforme aux principes du droit des gens et de l’ordre social en Europe, le conflit actuel, qui a déjà acquis une importance européenne. Il veut laisser à la prudence des hautes Puissances le soin de fixer le lieu et l’époque de cette Conférence, il exprime seulement le vœu que cette réunion ait lieu le plus promptement possible, attendu que l’inquiétude croissante de la Suisse appelle de la manière la plus urgente une prochaine solution de la question; à cela se rattache la condition expresse que la Suisse soit appelée à prendre part à ces délibérations.
Enfin, le Conseil fédéral doit insister avec force pour que le statu quo soit maintenu intact dans les provinces neutralisées de la Savoie, et qu’il ne soit procédé à aucune prise de possession, tant militaire que civile, avant que la décision de la Conférence ne soit intervenue. L’Assemblée fédérale de la Confédération a attaché à ces conditions la plus haute importance dans sa session du 4 Avril.5 Il est incontestable que le maintien du statu quo n’est pas d’un intérêt suisse seulement, mais qu’il est d’un intérêt général pour l’Europe, et le Conseil fédéral peut dès lors attendre que les hautes Puissances sauront apprécier sa demande dans toute sa portée et l’appuieront énergiquement.6
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