Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.5. Question de Savoie
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 1, doc. 374
volume linkBern 1990
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne |
Ancienne cote | CH-BAR FF, 1860 I, pp. 479–481 |
Archives | Archives fédérales suisses, Berne |
Ancienne cote | CH-BAR BBl, 1860 I, S. 493–496 |
dodis.ch/41373
Il est à votre connaissance qu’à l’époque où la guerre paraissait sur le point d’éclater en Italie, le Conseil fédéral a par note circulaire du 14 Mars 18592, exposé aux puissances signataires du Congrès de Vienne, l’attitude que la Suisse serait dans le cas de prendre vis-à-vis des provinces neutralisées de la Savoie.
Dans un mémoire circonstancié publié dans le courant de l’automne dernier3, l’on a de nouveau discuté la question soulevée au sujet des territoires neutralisés de la Savoie et de leurs rapports avec la Suisse, et l’on avait épuisé la matière que présentait ce sujet.
Enfin par note du 18 Novembre 18594, le Conseil fédéral avait exprimé l’attente positive que pour le cas où l’affaire de la Savoie y serait traitée, il serait entendu dans le congrès européen qu’on avait alors en perspective. On sait qu’à cette époque il s’agissait seulement de savoir si les Etats italiens formeraient une fédération et quelle position prendrait cette fédération vis-à-vis de la Savoie. Dès lors la situation s’est complètement transformée; il n’est plus question de créer une Confédération italienne, en revanche, c’est la cession de la Savoie à la France qui fait l’objet de la préoccupation des esprits. Dans ces conjonctures et dans le moment actuel, la Suisse a vis-à-vis des provinces neutralisées de la Savoie, à défendre non seulement des droits acquis, mais encore le principe de sa propre conservation.
Eu égard à ces circonstances, le Conseil fédéral se voit appelé à suivre ultérieurement à cette affaire.
Ensuite des derniers événements, la question de la cession de la Savoie a pris un tel développement qu’elle a dû occuper sérieusement l’attention du Conseil fédéral suisse. Dans le discours du trône par lequel S. M. l’Empereur des Français a ouvert la session des Chambres5, il est dit formellement que la transformation de l’Italie supérieure ayant pour résultat de donner tous les passages des Alpes à un puissant Etat, il a été du devoir de la France de revendiquer pour la sûreté de ses frontières les versants français des montagnes.
Pareillement dans sa note du 24 février adressée au ministre de France à Turin, S. E. Mr. Thouvenel s’est énoncé en ce sens que si tout ou partie des Etats de l’Italie centrale était annexée à la Sardaigne, la possession de la Savoie deviendrait pour la sûreté des frontières françaises une nécessité géographique. Il ajoutait l’explication bienveillante que les intérêts de la Suisse auxquels la France désirait toujours avoir égard, devaient être sauvegardés. Enfin, en ce qui concerne l’annexion de l’Italie centrale à la Sardaigne, il se prépare un plébiscite dont la conséquence logique ensuite des tractations et faits précédents serait la cession de la Savoie à la France. Dans cette situation le Conseil fédéral a dû considérer comme son devoir de faire observer au ministère royal sarde qu’avant la conclusion d’un arrangement sur cette affaire, il conviendrait que la voix de la Suisse fût également entendue. La Confédération, comme on le sait parfaitement, soutient avec la Savoie qu’il s’agit actuellement de céder, avec la Sardaigne, les rapports de traité les plus étroits, rapports qui jusqu’à ces derniers temps ont été à tous égards respectés par les puissances européennes intéressées. En particulier les stipulations des puissances signataires du Congrès de Vienne en date du 29 Mars et 20 Novembre 18156 ont déclaré certaines provinces de la Savoie, le Chablais et le Faucigny et la partie Nord du Genevois comprises dans la neutralité suisse et reconnu à la Confédération le droit d’occuper militairement dans de certaines conditions ces territoires savoisiens. Se fondant sur ces rapports de droit, le Conseil fédéral a cru devoir exprimer au ministère sarde l’opinion que la cession des provinces neutralisées devait avoir lieu avec le concours de la Suisse comme une des parties principales et que la Sardaigne voulût se trouver engagée à avoir égard aux intérêts de la Suisse conformément aux promesses déjà émises par la France dans la note de Mr. de Thouvenel du 24 Février. Le Conseil fédéral est convaincu que S. E. Mr. de Thouvenel appréciera la portée réelle de cette démarche et sera disposé à n’y voir qu’une défense loyale et conséquente des traités en vigueur entre la Confédération et la Sardaigne. Mais le Conseil fédéral se voit appelé à faire ressortir combien il serait désirable que dans la situation actuelle le Gouvernement français voulût s’énoncer d’une manière plus positive sur cette affaire. Il ne méconnaît aucunement la haute signification des ouvertures qui ont été faites dernièrement d’une manière confidentielle au sujet de la position future vis-à-vis de la Suisse des provinces neutralisées de la Savoie, soit par la Légation Impériale à Berne, soit à vous Mr. le Ministre ensuite d’une communication de Mr. de Thouvenel et que le viceconsul français à Genève a été également chargé de confirmer au président du Conseil d’Etat de ce canton. Au contraire le Conseil fédéral a pleine foi dans ces assurances, il y voit la manifestation évidente de l’intention du Gouvernemnt français d’avoir pour la Suisse les égards auxquels elle peut prétendre à teneur des stipulations des traités et en vue du maintien de sa neutralité qui est dans l’intérêt général européen. Il voit enfin dans ces assurances le désir de tenir compte des rapports de deux Etats que leurs souvenirs historiques aussi bien que leur situation géographique appellent à soutenir des relations de bon voisinage et d’amitié. Maintenant que par suite des circonstances exposées ci-dessus la question est entrée dans la phase actuelle, maintenant qu’elle est devenue l’objet de la discussion publique, le Conseil fédéral doit énoncer son opinion en ce sens que ce serait pour la Suisse un grand motif de satisfaction que le Gouvernement Impérial français se trouvât engagé à donner par des déclarations officielles une expression plus positive à ses communications confidentielles. Il croit que le Gouvernement Impérial français peut d’autant moins hésiter à accéder à ce vœu, que son intention relativement au sort futur des provinces neutralisées de la Savoie a déjà été communiquée au Gouvernement Royal de la Grande-Bretagne et par l’organe de l’ambassade de France à Londres au ministère sarde et que d’ailleurs cette affaire a déjà donné lieu à des discussions approfondies au sein du Parlement anglais. Le Conseil fédéral croit pouvoir espérer une réponse favorable dans le sens de la présente note; il vous autorise à en donner connaissance à Mr. le Ministre des Affaires étrangères et à lui en laisser copie.7
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