Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.5. Question de Savoie
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 369
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.154-01#1000/226#48* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.154-01(-)1000/226 39 | |
Dossier title | Savoyerfragen (1860–1860) | |
File reference archive | A |
dodis.ch/41368 Le Président de la Confédération, F. Frey-Hérosé, à l’Envoyé extraordinaire de Suisse à Turin, A. Tourte1
Les différentes lettres que vous avez bien voulu écrire au Conseil fédéral sont toutes arrivées, et cela par l’entremise de Monsieur Müller. Il sera bon de continuer à se servir de cet intercesseur pour les dépêches confidentielles mais adressez aussi quelques lettres d’une moindre importance au Conseil fédéral directement, afin d’éviter toute méfiance aux bureaux de poste de Turin ou de Milan.
Vous étiez déjà bien allé aux informations par rapport à l’affaire de la Savoie, mais évitez soigneusement de prendre un engagement quelconque contre qui [que]ce soit, et ne vous laissez pas entraîner à faire ou à participer à des intrigues ou à entrer dans une politique ambiguë, ce qui ne manquerait pas à être exploité contre nous.
Notre politique est très simple dans la question qui nous occupe: l’état actuel de la souveraineté en Savoie nous conviendrait le mieux, mais si un changement est en vue, il faut que nous nous assurions une bonne frontière militaire. La Suisse n’est pas une puissance qui peut exercer une influence directe sur l’arrangement de la carte de l’Europe. Sa force repose dans sa faiblesse envers le dehors, dans sa force pour maintenir sur son territoire restreint une neutralité qui convient à toute l’Europe.
Si la Savoie est séparée du Piémont, l’intérêt européen exige qu’on nous remette la partie qu’il nous faut pour pouvoir défendre cette neutralité. L’Empereur de France sent cette nécessité tout aussi bien que les autres puissances, et il abandonnera d’autant plus volontiers cette partie que ce n’est que par ce sacrifice qu’il pourra se mettre en possession du reste de la Savoie. Je crois que nous arriverons là, malgré l’opposition des puissances contre cette annexion. Ce n’est pas la question de la Savoie qui les alarme, mais la crainte qu’après la Savoie viendra le tour de la Belgique, puis de la frontière rhénane et une guerre générale. Si elles recevaient des garanties que la France se contenterait de la Savoie méridionale et que la Suisse aurait sa frontière militaire, la résistance deviendrait beaucoup moins forte.
L’Empereur de France décidera probablement dans cette affaire, c’est pour cela qu’il faut bien se garder de se mettre en opposition avec lui, ni ouverte, ni cachée. Même l’Angleterre ne ferait pas un casus belli de la question de Savoie.
Si vous parlez des frontières militaires, n’oubliez pas de dire que le Chablais et le Faucigny ne suffiraient pas, qu’il faut une partie du Genevois. Recommandez aussi (en entrant dans le système suisse, adopté par Napoléon, que le peuple peut par son vote disposer de sa position politique) que, pour le cas d’une votation populaire en Savoie, cette votation devrait avoir lieu par districts. Les provinces du Chablais et du Faucigny avec le district de Carouge voteraient alors certainement en faveur de la Suisse. Chambéry et les industriels d’Annecy préféreraient probablement une annexion à la France.
Quant à des démarches à Londres, autres et plus directes que celles qui ont déjà lieu, vous reconnaîtrez facilement en examinant la chose de plus près, que la France verrait dans cette démarche une hostilité ou au moins une preuve de haute méfiance envers elle, et se fâcherait sérieusement tandis que nous avons surtout besoin de sa bienveillance. Quel appui chercherions-nous d’ailleurs à Londres audessus de celui dont nous jouissons déjà? Ce n’est pas dans notre position de tirer ni pour l’Angleterre ni pour le Piémont les marrons du feu, sauvegardons nos propres intérêts pour autant que cela est nécessaire et laissons veiller aux leurs les autres. Une annexion de la Savoie méridionale à la France en nous abandonnant notre frontière militaire (pas les parties avec le chemin de fer Victor-Emmanuel) me paraît même préférable à la possession de la Savoie par une assez forte puissance italienne, qui pourrait facilement prendre l’idée d’ériger la haute Savoie en forteresse frontière.
Je voudrais encore vous inviter d’ajouter à vos rapports détaillés des rapports plus sommaires, contenant les points principaux, pour pouvoir les lire au Conseil fédéral. On ne peut prendre connaissance de grands rapports qui exigeraient trop de temps pour les lire en séance, que par la voie de la circulation qui a pour de certaines questions de graves inconvénients.
Vous recevrez peu à peu d’autres questions à traiter, ce qui ne manquera pas de vous être agréable.
- 1
- E 2200 Turin 1.↩
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