Classement thématique série 1848–1945:
V. ÉMIGRATION
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 1, doc. 282
volume linkBern 1990
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2200.67-02#1000/675#8* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2200.67-02(-)1000/675 8 | |
Titolo dossier | Missivenbücher (Copies des lettres) April 1851 - März 1859 (1851–1859) | |
Riferimento archivio | 8 |
dodis.ch/41281
Le Consul de Suisse à Rio de Janeiro, H. David, au Ministre des Affaires étrangères du Brésil, d’Olinda1
Vous m’avez fait l’honneur de m’accorder une audience confidentielle au sujet de la question si importante de la colonisation européenne.
Chaque jour l’opinion publique se prononce avec plus d’énergie en faveur de mesures qui tendent à appeler vers votre beau pays, les bras nécessaires pour tirer profit des richesses dont la Providence a béni le Brésil.
On a reconnu que l’esclavage avilit un peuple, qu’il étouffe les aspirations les plus nobles, les plus généreuses, que des hommes libres et heureux constituent seuls la force d’une nation et forment seuls les éléments de sa grandeur et de sa prospérité.
Tout le peuple le sait, tous les hommes éminents et patriotiques proclament cette vérité à haute voix, cependant quelques ambitieux ont pensé à introduire au Brésil la servitude des blancs pour substituer l’esclavage des noirs.
Lorsque les feuilles publiques ont invité les émigrants d’Europe à venir trouver dans ce pays-ci une patrie fertile et heureuse, lorsque les agents diplomatiques du Brésil à l’étranger ont protégé plus ou moins directement ces efforts d’obtenir des colons, la Suisse a confié dans ces promesses, elle a confié dans la justice et la générosité du Brésil. Les communes de mon pays ont avancé des sommes assez importantes, pour faciliter Immigration au Brésil; aussi ce sont les Suisses qui composent plus du tiers des colons malheureux et opprimés de Sao Paulo, au nom desquels je viens faire appel à vos sentiments de justice et de générosité.
Je prends la liberté, M. le Ministre, de me référer aux deux notes que j’ai eu l’honneur de diriger à Son Excellence M. F. M. da Silva Pamechos en date du 29 septembre et 5 novembre 18562 (ces deux notes traitent des colonies situées près d’Ubatuba) et je me permets de joindre sous ces plis une relation traitant de l’état économique de quelques autres colonies de la même province de Sao Paulo.3 Vous verrez par ces informations, dont je puis garantir l’authenticité que la maison Vergueiro et Cie donne lieu à des accusations assez graves et que l’espèce de spéculation, exploitée sous le nom de colonisation au Brésil ne peut et ne doit pas continuer.
La maison Vergueiro et Cie à Santos fait contracter en son nom, des colons en Suisse, en leur promettant des avantages qui pourraient leur procurer un bien-être réel, dans le cas où les articles du contrat fussent fidèlement observés et que les entrepreneurs et les planteurs fussent des hommes d’un caractère élevé et loyal. Malheureusement, l’espoir des colons d’un avenir indépendant s’évanouit bientôt après l’arrivée au Brésil et il ne leur reste que la certitude d’un esclavage perpétuel.
En premier lieu, MM. Vergueiro et Cie se prévalent de l’article 10 de ce contrat pour céder des colons au premier venu moyennant une commission de Rs 10 $ 000 par tête. Je vous remets ci-joint la copie d’un de ces contrats4 et je ne pense pas qu’aucun article y stipule le droit de percevoir cette commission du colon. Les familles comptant plusieurs enfants mineurs sont surchargées de Rs 50 à 100 $ 000! Monsieur le sénateur Vergueiro ayant déclaré publiquement que sa maison avait introduit plus de 3000 colons, la commission de ces malheureux a donc rendu la somme de trente cantos de reis? qui de droit doivent être bonifiés aux colons. Dans le cas même où Vergueiro et Cie pourraient exiger ces Rs 10 $ 000, certes ce n’est point des colons qu’une telle bonification leur est due.
En second lieu, j’ai à faire observer à V. Excellence que les communes suisses ont avancé l’argent nécessaire pour les passages de nos compatriotes sans intérêts; il n’y a parmi les mille contractés que je connais, que deux ou trois familles qui forment une exception à cette règle, exception si minime qu’elle mérite à peine mention. Malgré cela la maison Vergueiro compte 6% d’intérêts à tous les colons; elle se fait même payer 12% par un ou deux fazendeiros auxquels elle a cédé des émigrants en vertu de l’article 10 déjà mentionné. Ces intérêts comptés injustement se montent pendant les quatre années que les colonies existent, à une somme qui augmente puissamment les dettes et la servitude des colons.
Il me reste à ajouter qu’outre les avances que la maison Vergueiro obtient des communes suisses sans intérêts, elle en reçoit aussi de la part de la Province de Sao Paulo; malgré cela on compte des intérêts aux colons et je ne pense pas que telle soit l’intention des législateurs de la dite province.
Après ces considérations préliminaires qui ont rapport à l’administration de la maison Vergueiro comme agents d’émigration, je prends la liberté d’appeler l’attention de Votre Excellence sur les colonies elles-mêmes et les abus qui s’y montrent partout.
Le document ci-joint, rédigé par des témoins oculaires, qui méritent toute confiance et pour lesquels je me rends responsable, vous exposera que quatre ans de travail n’ont rien produit pour les colons que l’augmentation considérable de leurs dettes. Les colons suisses, qui forment les colonies dont le document fait mention, sont arrivés au Brésil chargés d’une dette de Rs. 77.779 $ 000.
Quatre ans d’efforts assidus n’aboutissent qu’à les mettre dans la plus complète dépendance de leurs maîtres et à faire croître leurs dettes à la somme de Rs 113.751 $ 000.
Les calculs auxquels j’ai procédé moi-même, donnent, il est vrai un résultat moins onéreux pour les colons; je diffère d’environ de 2 à 3 cantos, mais basés sur mes propres calculs, déduction faite de ces 2 à 3 cantos, le résultat final reste malheureusement le même; des dettes augmentées, pas une famille qui ait amélioré son sort; ces chiffres ne parlent que trop par eux-mêmes.
En attendant la maison Vergueiro et Cie est devenue bien riche.
Je ne vous parlerai pas de toutes les vexations, toutes les oppressions que les colons ont subies, des prix exagérés des vivres, des mesures irrégulières, des comptes erronés toujours en défaveur des pauvres; je ne vous parlerai pas en détail de la violation manifeste de tel et tel article des contrats, dont les entrepreneurs se sont rendus coupables; je veux vous épargner autant que possible ces ennuis, ces sensations douloureuses. Mais c’est mon devoir de diriger votre attention sérieuse sur la conduite des fazendeiros, qui aboutirait, si le gouvernement de S. M. n’y remédie point, à réduire les colons dans une servitude éternelle, à substituer la servitude des blancs à l’esclavage des noirs; c’est mon devoir de diriger vos vues sur le peu d’attention que les tribunaux et les autorités ont accordé au plaintes fondées des colons et les actes arbitraires, dont les planteurs se sont servis.
Lorsque les colons ont appelé la protection des autorités de S. Jono do Rio Claro et ont imploré leur intervention au sujet du bas prix de Rs 400, que le propriétaire M. Benedito Comargo leur a bonifié, prix inférieur aux cotations que tous les autres propriétaires, qui vraiment n’ont jamais montré de la générosité, ont compté à leurs colons, les autorités de S. Jono ont encore diminué le faible revenu des pauvres colons, établissant le prix de Rs 371.
Il est inutile d’accompagner ces chiffres d’un commentaire quelconque. Lorsque les «parceiros» de la colonie de M. le D. J. Elvis Pacheco Jordao se sont dirigés à M. le Vice-président de la province de Sâo Paulo, M. le D. Roberto d’Almeida, pour implorer sa protection contre l’oppression de leur propriétaire, Son Excellence leur a répondu qu’ils devaient s’adresser à l’autorité compétente de leur district, qui est justement le même M. le D., dont ils croyaient avoir de justes motifs de plainte.
Il est également inutile d’accompagner ce fait d’un commentaire quelconque.
Quand un esclave noir meurt, ils est délivré de sa captivité et la position matérielle de sa famille ne devient pas plus malheureuse; l’enfant, la veuve peuvent acheter la liberté au même prix qu’auparavant; quand un colon meurt, la famille est onérée de ses dettes, la veuve sans appui, les orphelins mineurs succombent sous le poids de cette injustice, et sont réduits à la servitude.
Un jeune homme ne peut se marier sans prendre sur lui une partie des sommes dont les parents de la fiancée sont débités au grand livre de la fazenda; la veuve, l’orphelin sont les esclaves perpétuels des dettes contractées par leurs pères. Quelle différence y a-t-il entre les fers que portent les nègres et ces chaînes qui pour toujours attacheront le colon à la glèbe? Est-ce dans l’esprit des lois du Brésil?
Quand un colon ne se rend pas à tous les caprices du fazendeiro, on lui impose une amende quelconque; de Rs 5 à 10 $, c’est selon la bonne ou la mauvaise humeur du fazendeiro. Qui a institué ces Messieurs comme juges dans leur propre cause? Qui leur a donné le droit d’exercer ces actes arbitraires? Certes ce n’est pas la constitution libérale de l’Empire brésilien.
Il faut en finir avec ces abus que le gouvernement impérial ne saurait plus tolérer plus longtemps. Je viens plein de confiance, M. le Ministre, réclamer auprès de Votre Excellence au nom de mes compatriotes lésés et opprimés le droit et la justice qui leur ont manqué jusqu’ici; persuadé que le Gouvernement de S. M. I. mettra fin à l’état actuel des choses et fera réaliser les promesses qui tendent au bienêtre et au libre développement des émigrants au Brésil.