Classement thématique série 1848–1945:
III. AFFAIRE DE NEUCHÂTEL
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 1, Dok. 233
volume linkBern 1990
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2#1000/44#441* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2(-)1000/44 73 | |
Dossiertitel | Neuenburgerkonflikt (1806–1856) | |
Aktenzeichen Archiv | B.254 |
dodis.ch/41232
Quoique d’après les communications que vous nous avez faites le 152, 17 et 18 courant3 et dont nous vous remercions, la question neuchâteloise semble pour le moment devoir rester dans le même état où elle se trouve actuellement, il nous paraît cependant convenable d’aviser aux démarches qu’aurait à faire la Suisse dans le cas où, tôt ou tard, cette question serait reprise et que l’on voulût donner sérieusement suite au protocole de Londres de 1852.4
L’une de ces démarches consisterait, selon nous, dans un mémoire bien rédigé, où l’on exposât clairement la question, destiné à être communiqué en temps opportun aux cours ou à quelques souverains.
Il y a déjà longtemps que nous avons chargé M. le conseiller d’Etat Aimé Humbert, de Neuchâtel, de préparer les matériaux pour un pareil mémoire et le résultat a été l’ouvrage rédigé par lui que nous avons l’honneur de vous transmettre.5
Il contient tous les faits relatifs à cette question pour le mémoire à rédiger, mais celui-ci doit l’être sous une toute autre forme et aussi brève que possible, plusieurs raisonnements faits par M. Humbert doivent être retranchés tandis que d’autres doivent être ajoutés ou présentés avec plus de force.
Nous croyons devoir recourir à vous, Monsieur, pour la rédaction du projet d’un tel mémoire, comme étant le mieux en position de faire ce travail. Nous vous laissons pleine et entière liberté de faire valoir les points de vue que vous jugerez convenables, mais l’idée dominante doit être une digne défense des droits de la Suisse et la résolution bien arrêtée de les maintenir envers et contre tous.
Sans vouloir influencer en rien votre travail et nous bornant à exposer les motifs juridiques et politiques que l’on doit, suivant nous, s’attacher principalement à faire valoir, nous vous présentons les considérations suivantes:
I. La question est une question purement intérieure de la Suisse et ne concerne pas des rapports internationaux entre deux Etats ou nations indépendants. La preuve en est dans les transactions qui ont eu lieu en 1814 et 1815 concernant l’admission de Neuchâtel dans la Confédération, d’où il résulte clairement:
a. que Neuchâtel n’a pas été déclaré comme faisant partie de la monarchie prussienne;
b. que le Prince de Neuchâtel a été mis en possession de la souveraineté de Neuchâtel, abstraction entièrement faite de sa qualité de Roi de Prusse.
c. que le canton de Neuchâtel a été réuni et incorporé au territoire de la Suisse de la même manière que tous les autres cantons.
La déchéance du prince de la souveraineté sur Neuchâtel qui a eu lieu en 1848, n’étant accompagnée d’aucun changement de territoire dans le système des Etats européens, n’a lésé les droits d’aucun Etat étranger quelconque et n’a modifié que la constitution intérieureet la forme du gouvernement du canton de Neuchâtel, ce qui est dans le droit de toute nation indépendante. Ce changement est parfaitement analogue à ceux qui ont déjà eu lieu précédemment dans beaucoup de cantons de la Suisse ou quelques villes ou corporations, qui étaient en possession exclusive de la souveraineté du pays, en ont été déchues pour être remplacées par le pays entier.
Cette question a déjà été traitée comme question purement intérieure en 1707, puisqu’en dépit des prétentions faites à la succession par plusieurs souverains étrangers, la décision y relative émana uniquement des Etats et autorités du Pays.
II. L’Acte du Congrès de Vienne n’est pas contraire à ce changement intérieur. Cet Acte avait pour but de rétablir des rapports territoriaux de l’Europe troublés et de fonder un nouvel ordre du droit des gens parmi les membres du système des Etats européens, mais nullement de restreindre le développement libre intérieur des Etats particuliers, principalement sous le rapport de la forme de la constitution et du gouvernement. La preuve en est dans la nature de la chose et dans le fait que depuis lors, plusieurs Etats ont changé autocratement [sic] leurs dynasties établies par l’Acte du Congrès de Vienne.
III. La Suisse, et spécialement le canton de Neuchâtel, a, depuis l’existence de la nouvelle constitution, constamment su maintenir l’ordre intérieur, comme peu d’autres Etats ont été à même de le faire en 1848 et 1849. Vis à vis de l’extérieur aussi, ella a su remplir complètement ses obligations. C’est aussi à ce point de vue qu’il n’existe pas de motif à une réclamation fondée sur le droit des gens.
IV. La forme républicaine du gouvernement pour le canton de Neuchâtel dans sa position vis à vis de la Suisse est la seule convenable. Un prince à la tête d’un canton qui est étroitement lié par une fédération avec 21 autres cantons républicains, lesquels sont à leur tour régis ensemble par des formes républicaines, est une contradiction qui à la longue ne serait pas tenable.
Par ces motifs, une immixtion d’Etats étrangers dans la question pendante doit être formellement repoussée. A côté du point de vue du droit on devrait aussi tout particulièrement faire ressortir dans le mémoire le point de vue politique pour lequel le manuscrit de M. Humbert fournit les matériaux.
Ainsi que nous l’avons déjà fait observer, ces considérations ne doivent pas préjuger de la manière dont vous jugeriez devoir traiter cette question; faculté vous est laissée de compléter les points de vues susindiqués ou de les modifier comme bon vous semblera.
Nous vous communiquons encore le résultat général des dernières élections qui ont eu lieu le 20 courant avec un ordre parfait dans le canton de Neuchâtel comme suit: ce résultat général donne 20 à 22 voix aux partisans de l’ancien régime, contre 67 à 70 voix de républicains de diverses nuances.
La ville de Neuchâtel qui, en 1852, n’avait élu que des républicains a, cette fois, élu trois partisans de l’Ancien Régime, grâce à la division des républicains. En revanche, les grandes localités des montagnes et le Val de Ruz ont élu une masse compacte de francs républicains, amis du nouvel ordre de choses.
Tel est le rapport textuel et officiel que nous a fait le Gouvernement de Neuchâtel par lettre du 21 de ce mois.6
Nous devons faire observer en même temps, que de l’augmentation de quelques membres des représentants royalistes, on ne doit pas conclure un renfort du parti de l’ancien système, ce résultat, apparemment plus favorable pour les royalistes, doit simplement être attribué aux différends qui agitent le canton à cause des chemins de fer, et, sans la scission au camp des républicains eux-mêmes, on aurait sans doute vainement cherché à obtenir le résultat susindiqué.