Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.1. Relations diplomatiques
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 150
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#9* | |
Dossier title | Anweisungen an den schweizerischen Gesandten in Paris über sein Verhalten bei der Wiederherstellung des Kaiserreichs, insbesondere Mitteilungen über die Prinzipien der schweizerischen Politik (1852–1852) | |
File reference archive | B.251 |
dodis.ch/41149 1
Votre lettre du 6 de ce mois (reçue le 10) rapprochée de quelques passages de celle du 23 septembre2 m’a engagé à vous indiquer d’une manière plus explicite la conduite que vous aurez à tenir lors de la proclamation de l’Empire, afin que vous ne conserviez aucun doute sur les intentions du Conseil fédéral et pour vous mettre ainsi à l’abri de tout embarras et de toute responsabilité. Ces explications m’ont aussi paru convenables parce qu’il semblerait qu’il existe quelque malentendu sur le sens ou la portée d’un passage essentiel de mon office du 18 septembre.3
Avant tout, permettez-moi de rappeler ici quelques principes fondamentaux de la politique suisse, dont vous êtes pénétré autant que qui que ce soit, mais qu’il importe d’énoncer pour que, placés sur un terrain commun, nous nous comprenions d’autant mieux sur l’application qu’il convient d’en faire dans l’occurence.
Je m’attacherai essentiellement à trois de ces principes.
1° Le droit de libre constitution. Vous savez combien la Suisse tient à cette garantie de sa liberté et de son indépendance et que pour contribuer à faire respecter ce droit envers elle, la Confédération s’est toujours montrée large et facile envers les autres nations, lorsqu’il a été question de reconnaître les changements apportés à leur gouvernement.
En ce qui concerne la forme de cette reconnaissance, les dispositions de la Constitution fédérale impliquent une distinction qu’il importe de faire nettement ressortir. Il y a deux sortes de reconnaissances des Etats et des Gouvernements étrangers.
a) La reconnaissance solennelle par voie de déclaration expresse, de proclamation formelle, comme qui dirait la grande reconnaissance. Celle-ci est du ressort de l’Assemblée fédérale (Constitution fédérale, article 74, chiffre 4);4 mais elle suppose une profonde révolution, le renversement violent d’un gouvernement, ce qu’on a appelé une catastrophe, comme par exemple la Restauration en 1814– 1815, la Révolution de juillet 1830, celle de février 1848 et l’on pourrait ajouter le 2 décembre 1851; une charte ou une constitution a été substituée à une autre, une dynastie ou une Assemblée souveraine chassée, une autre famille ou une autre personne élevée sur le trône; en un mot des événements extraordinaires, une sorte de bouleversement. C’est aussi le cas, lorsqu’il se forme un Etat nouveau qui veut prendre place dans la famille des nations, des provinces ou des pays qui secouent le joug d’une puissance et demandent à être reconnus comme Etat souverain et indépendant. Mais cette reconnaissance éclatante est rare et exceptionnelle. Elle n’a guère lieu que sur une demande formelle de reconnaissance adressée par l’Etat ou le gouvernement qui désire être reconnu, ou tout au moins ensuite d’une attente suffisamment exprimée. Or les gouvernements bien avisés se passent de cette reconnaissance formelle qui ne se concilie guère avec l’intégrité du droit de libre constitution puisqu’elle fait en quelque sorte dépendre l’existence légitime du nouvel Etat ou du nouveau gouvernement du consentement des autres Puissances.
La reconnaissance dont il s’agit suppose aussi que le nouvel Etat ou le nouveau gouvernement est sérieusement contesté et que sa reconnaissance ou le refus de le reconnaître peut entraîner à des conséquences graves pour la Suisse, telles qu’une guerre ou une perturbation des rapports internationaux.
b) La reconnaissance de fait, par voie diplomatique, en entretenant des rapports internationaux avec le nouvel Etat ou le nouveau gouvernement, en agréant ses envoyés, en accréditant ou maintenant des représentants auprès de lui. C’est la reconnaissance ordinaire qui suppose un changement de gouvernement par des moyens réguliers, constitutionnels, paisibles; que le nouvel Etat est reconnu par celui dont il s’est détaché; que le nouveau gouvernement a été accepté par le peuple ou par les autorités constituées ayant vocation pour cela; cette reconnaissance ordinaire qui n’est guère que l’entretien des relations extérieures rentre nécessairement dans les attributions conférées au Conseil fédéral par l’article 90, chiffre 8 de la Constitution fédérale portant: «Il (le Conseil fédéral) veille aux intérêts de la Confédération au dehors, notamment à l’observation de ses rapports internationaux et il est en généralchargé des relations extérieures.» En effet, si cette disposition n’impliquait pas la reconnaissance des Etats et des gouvernements étrangers, dans les cas ordinaires, en règle générale, le but que s’est proposé le pouvoir constituant de la Confédération serait impossible à remplir parce qu’en attendant la réunion et la décision de l’Assemblée fédérale, les rapports diplomatiques devraient être interrompus au grand préjudice du pays. Une convocation extraordinaire de l’Assemblée fédérale pour une pareille reconnaissance, outre qu’elle serait coûteuse, pourrait bien compromettre la sûreté extérieure de la Suisse, par l’éclat qui en est inséparable; il en serait de même des discussions auxquelles la proposition pourrait donner lieu dans l’Assemblée réunie à l’ordinaire ou à l’extraordinaire; le simple fait que la mise en discussion d’une reconnaissance qui n’aurait peut-être pas été demandée, pourrait causer de l’ombrage et amener des embarras internationaux que la Constitution fédérale ordonne d’éviter.
Quant à l’application de cette distinction aux cas qui peuvent se présenter, elle dépend naturellement des faits et de diverses circonstances d’une appréciation quelquefois difficile dans la spécialité.
Cependant les antécédents de la Confédération, entre autres depuis les événements européens de 1848 et spécialement depuis la mise en vigueur de la Constitution fédérale actuelle, peuvent jusqu’à un certain point servir de guide. La Diète d’avril 1848 appelée à reconnaître la République française l’a fait sous forme indirecte d’approbation des rapports diplomatiques entretenus avec elle par le Directoire fédéral, plutôt que sous forme de reconnaissance solennelle et explicite du nouvel état de choses. L’Envoyé du Gouvernement provisoire de la Lombardie a été reçu par le Directoire et le Consul général suisse à Milan a fonctionné auprès du dit gouvernement; la Diète n’a pas eu à délibérer sur la question de reconnaissance. Il en a été de même de l’Envoyé du Lieutenant général de l’Empire germanique, M. Raveaux.
De son côté, le Conseil fédéral a suivi la même marche. L’Envoyé romain M. DeBoni, a été reçu en Suisse, on a communiqué avec lui et le Consul suisse à Rome a continué ses relations avec le Gouvernement républicain; mais l’Assemblée fédérale n’a pas délibéré sur la reconnaissance de la République romaine et de son gouvernement, malgré les propositions de quelques membres. Il a été procédé à peu près de même à l’égard de la Sicile et de laHongrie. Malgré les changements fondamentaux survenus en Prusse et surtout dans l’Empire d’Autriche, où une confédération de principautés a été changée en une monarchie unitaire, où des royaumes comme laHongrie et la Lombardie ont été incorporés à l’Autriche, où deux empereurs ont dû abdiquer, où il y a eu des insurrections, ainsi que des constitutions faites et défaites, octroyées et révoquées, personne n’a songé à une reconnaissance en forme de ces nouveaux gouvernements et en quelque sorte des nouveaux Etats surgis des révolutions allemandes; de part et d’autres il y a eu des ministres et des chargés d’affaires accrédités, mais aucune délibération de l’Assemblée fédérale. La révolution et la restauration dans le Grand-Duché de Baden n’ont pas davantage obtenu de reconnaissance explicite par l’Assemblée.
En ce qui touche la France en particulier, l’Assemblée fédérale n’a prononcé aucune reconnaissance de gouvernement, quoique la Constitution de 1848 eût, en instituant la présidence, établi un régime tout nouveau, bien différent du Gouvernement provisoire, et que le 2 décembre 1851, avec le plébiscite qui l’a sanctionné, eût métamorphosé la république en dictature et même virtuellement en monarchie. Vous êtes demeuré accrédité auprès de ces gouvernements et le Conseil fédéral a reçu et reconnu les ministres qu’ils ont successivement accrédités auprès de la Confédération.
Maintenant de quoi s’agira-t-il, lors de la prochaine proclamation de l’Empire? La monarchie décennale et élective va être changée en monarchie héréditaire;lemot de république sera remplacé par celui d’empire; mais tout en étant élevé à la dignité impériale héréditaire, le chef actuel du gouvernement demeure à la tête de l’Etat et toutes les autres dispositions de la constitution actuelle sont maintenues; le changement qui s’opère a lieu par les voies constitutionnelles, régulièrement, paisiblement, et le peuple aura sanctionné ce changement.
Aussi, malgré la haute importance du senatus consulte du 7 novembre 1852, malgré les conséquences que le changement aura probablement pour l’Europe, on est obligé de reconnaître comme le porte le message du Président au Sénat, qu’il s’agit au fond d’uneaffaire deforme et chacun admet maintenant que déjà le 2 décembre 1851, et même avant, l’Empire était fait.
Il résulte de ce qui précède, que la question de savoir si la Constitution fédérale oblige le Conseil fédéral à soumettre à l’Assemblée fédérale la reconnaissance de l’Empire français et de son gouvernement est tout au moins douteuse; la question de savoir si cela serait convenable et profitable à la Suisse, à moins de demande du Gouvernement français, peut sans hésitation être résolue négativement. Dans le cas où il y aurait lieu à proposer à l’Assemblée de reconnaître le nouvel ordre de choses, ce ne pourrait être que sous une forme indirecte d’approbation de ce qu’aura fait le Conseil fédéral pour l’entretien des relations entre les deux pays. Le Conseil doit donc, commeje vous l’écrivais le 18 septembre, se réserver toute latitude sur ce qu’il pourra y avoir à faire ainsi que sur la forme.
C’est ici le lieu de vous expliquer le véritable sens du passage de mon dit office portant: que si vous demandiez des instructions positives sur le point de savoir si vous devez reconnaître le Gouvernement impérial, le Conseil fédéral serait placé dans un grand embarras, attendu que d’après l’article 74, chiffre 4, de la Constitution fédérale, il ne serait pas compétent à vous les donner de son chef. Ici j’avais en vue la reconnaissance explicite et solennelle par voie de déclaration formelle; mais non pas celle qui résulte implicitement de la continuation des rapports diplomatiques avec le nouveau gouvernement et de la visite d’usage que je vous conseillais.
Par ces considérations et celles qui suivront encore, le Conseil fédéral me charge de vous donner les directions suivantes qui ne sont que l’application plus précise des recommandations que je vous ai déjà fait parvenir.
a) Si vous êtes invité h assister à la proclamation de l’Empire, ensuite du plébiscite, vous vous rendrez à cette invitation, sans vous inquiéter de ce que feront d’autres légations.
Dans le cas où vous ne seriez pas invité expressément, mais où il serait annoncé et certain que des places sont réservées aux membres du corps diplomatique, vous assisterez à la cérémonie comme il vient d’être dit, à moins de circonstances qui vous commanderaient de vous abstenir.
Mais si vous n’êtes point invité ou si des places n’ont pas été réservées aux légations étrangères, il va sans dire que vous n’assisterez pas à la cérémonie.
b) Dès que le vote du peuple français acceptant l’Empire sera connu, vous vous rendrez immédiatement, avant le 2 décembre, jour probable de la proclamation, auprès du futur Empereur pour lui exprimer les félicitations de la Suisse et l’assurer du désir du Gouvernement fédéral de maintenir sur le pied d’une bonne intelligence les rapports entre les deux pays.
Si l’étiquette ne permettait pas au futur Empereur de vous recevoir, vous feriez votre visite et exprimeriez ce qui vient d’être indiqué au Ministre des Affaires étrangères.
c) Cette visite et ces félicitations devront être, dans tous les cas, répétées après la proclamation solennelle de l’Empire.
d) Tout annonçant que le peuple français acceptera le senatus consulte du 7 novembre, vous agirez tout à fait dans les intentions du Conseil fédéral en vous exprimant d’ores et déjà avant le vote populaire, de manière à faire entendre clairement que la Confédération suisse, qui attache le plus haut prix au droit de chaque nation de se constituer librement et dont le gouvernement est issu du suffrage universel, se fera un devoir d’accueillir avec autant de bienveillance que de respect international l’expression de la volonté du peuple français exerçant sa souveraineté par un acte suprême.
e) Par conséquent, il importe que vous mettiez autant de bonne grâce que d’empressement à tout ce que vous ferez conformément aux directions ci-dessus; vous savez combien on y tient et qu’on ne saurait trop éviter ce qui pourrait donner lieu de supposer que le Gouvernement fédéral est mal disposé ou seulement froid envers le régime qui va s’installer. Ainsi, autant que le permettra la dignité de votre caractère, il sera bon d’apporter l’entrain, le con amore qui se concilient avec la prudence et les prévisions de l’avenir; c’est là une affaire délicate, mais qui ne saurait être mieux remise qu’à votre tact.
2° La neutralité de la Suisse n’oblige pas moins à la marche qui vient d’être tracée, laquelle n’est en réalité que l’application du principe de non intervention dans les affaires intérieures des aûtres Etats, car ne pas reconnaître le gouvernement que s’est donné une nation, c’est intervenir.
Et c’est essentiellement en vue de la neutralité que je vous ai dit plus haut (lettre a) que vous ne deviez pas vous inquiéter de ce que feront d’autres légations. En effet, fussiez-vous seul, que vous devez assister à la cérémonie de la proclamation de l’Empire, si le corps diplomatique y est invité ou si on annonce lui avoir réservé des places.
Ici la Suisse ne saurait être trop sur ses gardes. Ses intérêts sont tout autres que ceux de telle ou telle grande puissance, dont la politique pourrait bien être de préparer les voies à une coalition contre l’Empire français et d’y entraîner la Confédération en l’associant dès l’origine à une attitude quasi hostile qu’on chercherait plus tard à présenter comme un engagement. Tout équivoque tournerait contre nous et le Gouvernement impérial se souviendrait bientôt que la Suisse a laissé entrer les Alliés en 1813, que même elle a marché avec eux contre Napoléon en 1815 et qu’elle a reçu quelques millions de la contribution imposée à laFrance après sa défaite. Nous aurions beau objecter l’acte de reconnaissance et garantie du 20 novembre 1815, où les Puissances y compris la France déclarent «Qu’aucune induction défavorable aux droits de la Suisse relativement à sa neutralité et à l’inviolabilité de son territoire ne peut ni ne doit être tirée des événements qui ont amené le passage de troupes alliées sur une partie du sol helvétique»5, on nous répondrait que ce sont les ennemis de l’Empire, y compris les Bourbons, qui ont fait cette déclaration et on nous jetterait à la figure les lignes de la même déclaration où il est dit que: «ce passage librement consenti par les cantons dans la Convention du 20 mai a été le résultat nécessaire de l’adhésionfmnche de la Suisse aux principes manifestés par les Puissances signataires du traité d’alliance du 25 mars. » Au moyen de ces faits et de ces documents rapprochés d’une froideur ou d’une trop grande réserve qu’on interpréterait comme du mauvais vouloir, on nous traiterait en ennemis. Et ce ne sont pas ceux qui nous auraient compromis qui viendraient à notre aide, à moins que la guerre ne fût dans leur intérêt à eux, non pas dans le nôtre.
3° Notre intérêt est, au contraire, de maintenir le plus possible, debonnes relations avec la France et son gouvernement. Sans compter qu’elle est notre proche voisine et qu’une masse d’intérêts suisses y sont engagés, il ne manque pas de causes de conflits qui sont pour nous des motifs décisifs pour ménager son gouvernement, autant que le comportent notre indépendance et notre dignité; Neuchâtel, le Saint-Bernard, les juifs, les réfugiés, la presse assez probablement. Ajoutez, à cela, qu’un gouvernement qui se pose comme le fils aîné de l’Eglise ne manque pas de moyens d’exciter, d’encourager et de soutenir le parti ultramontain et tous les réactionnaires chez nous, pour causer à la Suisse des embarras comme à la Belgique, surtout s’il nourrit effectivement l’arrière-pensée de reprendre les territoires qui avaient été incorporés à l’Empire. Ce n’est certes pas la Prusse qui prendra les armes pour l’affranchissement de Neuchâtel, ni l’Autriche pour soutenir les droits du Valais sur l’Hospice du Saint-Bernard, moins encore ceux du Tessin contre son clergé et l’Evêque de Côme. En ce qui concerne les réfugiés et les juifs, nous n’avons pas davantage à attendre de l’Angleterre qui, tout en reconnaissant le bon droit de la Confédération contre les prétentions élevées par le Gouvernement français dans la note du 26 janvier6 ne nous conseillait pas moins de céder; la même Angleterre n’a-t-elle pas pris l’initiative du Protocole de Londres. La Russie ne briserait sûrement pas de lances pour la presse si elle était attaquée chez nous. Quant aux Etats-Unis, il est prudent d’attendre au moins qu’ils aient ratifié le traité.7
Sont-ce peut-être les comités de Londres, Mazzini, Kossuth, Ledru-Rollin, Ruge et je ne sais quel Polonais qui mettront les peuples en mouvement pour une croisade en faveur de la Suisse? Pour le moment, les peuples obéissent précisément à ceux contre lesquels nous aurions à nous défendre, et si la propagande avait jamais les masses à son commandement, ce serait pour punir la Suisse de ce qu’elle appelle notre trahison de 1849.
Ces considérations, si jamais elles devaient recevoir quelque publicité ne seront sûrement pas du goût des personnes dépourvues d’expérience, ou de celles qui, n’ayant rien appris ni rien oublié, se croient encore en février 1848 ou à d’autres journées d’Aranjuez.
Plus accessibles aux rêves de l’imagination qu’aux leçons de l’histoire, elles écoutent leurs sympathies de préférence à la raison d’Etat. Libre à elles qui, n’ayant pas de mission publique, n’ont pas non plus de responsabilité, mais le Conseil fédéral, qui a un compte à rendre au pays et à ses représentants, auquel on imputerait les embarras et les maux qui sortiraient inévitablement d’une politique s’écartant des directions que je vous ai données de sa part, le Conseil fédéral doit voir ce qui est, laissant au passé ce qui étaitet à l’avenir ce qui sera. A supposer que le présent dût être d’une durée aussi courte que le prédisent ceux qui, méconnaissant les véritables causes de l’état de choses actuel, se réveillent chaque matin dans l’attente qu’une révolution a éclaté à Paris ou ailleurs, le Conseil fédéral n’en devrait pas moins reconnaître l’Empire et l’Empereur, du moment que le peuple français les a acclamés, ne fût-ce que pour un jour.
Mais qu’on ne se fasse pas d’illusion. Sans se livrer à cet espoir chimérique de stabilité et de paix dont on se berce dans les discours et les rapports officiels, faisant à l’imprévu la part la plus large, on ne saurait se dissimuler que l’Empire a des chances de durée avec ou sans la guerre précisément à cause des espérances qu’il a fait naître et qui ne se dissiperont qu’avec le temps si elles viennent à être déçues.
Quoi qu’il en soit, les chances plus ou moins probables de durée de l’Empire ne changent rien aux principes et aux intérêts qui déterminent le Conseil fédéral à le reconnaître ainsi que son chef, pour autant que cela rentre dans sa compétence.
L’étendue de cette lettre, les développements donnés à des considérations qui vous sont familières vous auront déjà fait comprendre qu’elles n’ont pas seulement en vue la marche que vous aurez à suivre lors de la proclamation de l’Empire, quelque important que soit cet acte, mais que j’ai saisi cette occasion pour vous mettre au courant de la manière dont le Conseil fédéral envisage la situation qui se prépare, afin que vous soyez de nouveau assuré de l’accord qui existe entre votre point de vue et le sien.
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