Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.7 Pays de Gex
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 149
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1648* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 274 | |
Dossier title | Notenaustausch mit Frankreich vom 29.7./12.8.1853 betr. Zollerleichterungen für die Landschaft Gex (1851–1856) | |
File reference archive | B.137.2 |
dodis.ch/41148 Le Ministre de France à Berne, J.R. de Salignac-Fénelon, au Président de la Confédération, J. Furrer1
Par sa dépêche du 30 avril 18512, M. le comte de Reinhard, mon prédécesseur, avait soumis au haut Conseil fédéral des observations pressantes sur les désavantages nombreux qu’a produits pour l’arrondissement français de Gex l’établissement aux frontières de la Suisse du nouveau tarif fédéral. Je viens de recevoir du Gouvernement du Prince Président l’ordre d’appeler derechef toute l’attention du Gouvernement de la Confédération sur cette question.
Votre Excellence sait que le traité de 1815 avait établi une espèce de liberté commerciale entre le pays de Gex et la Suisse. Cette disposition qui pouvait présenter, et qui a en effet présenté alors des inconvénients pour le système de douanes de la France, est devenu de la sorte une loi internationale pour les deux pays, et tout ce qui tend à déranger le statu quo pour le maintien duquel les signataires du traité de Paris du mois de novembre3 l’avaient stipulée peut avoir pour effet d’altérer les nombreuses dispositions qui touchent aux rapports commerciaux et territoriaux des deux Etats, et qui forment un ensemble dont on ne peut détacher sans inconvénient l’une ou l’autre partie. Dans sa sagesse, le haut Conseil fédéral pèsera certainement l’importance de conserver intact le caractère de stabilité que réclament les arrangements internationaux. Et il rétablira sans aucun doute, le libre échange local que le traité de 1815 a eu pour but d’assurer entre la Suisse et l’arrondissement de Gex.
Aujourd’hui, Monsieur le Président, cet arrondissement se trouve bloqué à la fois par les douanes de France et celles de la Confédération, et il périrait sous ce régime, si la Suisse ne revenait pas sur l’exclusion totale dont elle frappe ses produits. D’un autre côté, le haut Conseil fédéral sait que ce petit district ne possède aucune industrie qui puisse porter préjudice à celle de la Confédération. Il est permis de croire, au contraire, qu’en admettant ses productions en franchise, comme je dis, les territoires suisses voisins de Gex, tels que Genève, etc., en tireront de grands avantages. Dès lors, et en examinant la question de près, il semble qu’aucune considération importante ne justifie la rigueur subite dont on fait preuve envers cet arrondissement. La seule dont on puisse vouloir s’étayer, c’est que si l’on ouvrait ainsi les portes de la Suisse aux importations de Gex, on ferait naître dans ce district une contrebande qui nuirait sur une grande échelle au système fiscal et aux revenus de la Confédération. Mais cette objection est beaucoup plus spécieuse que solide. En admettant en effet que la Suisse, empressée d’exécuter équitablement le traité de 1815, rétablisse la liberté commerciale entre Gex et le territoire helvétique, on n’entend point évidemment parler d’une liberté illimitée qui viendrait annuler le but dans lequel la Confédération s’est environnée d’une ligne de douanes. Je suis très loin de pousser à ce que l’on fasse venir des marchandises de France et d’Angleterre à Gex pour les faire entrer ensuite, au moyen de cette liberté commerciale, sur le sol de la Confédération. Rien ne serait plus facile que de constater par une enquête réciproque le taux des importations que Gex faisait en Suisse avant la mise en vigueur du nouveau tarif, et de lui rouvrir maintenant les douanes helvétiques, pour des importations d’une valeur correspondante, qui serait calculée avec impartialité. La France use d’un procédé semblable envers cet arrondissement, et l’expérience de 30 ans a prouvé que cela n’a donné lieu à aucune fraude importante. Le Conseil fédéral pourra constater aisément par des experts que l’existence et le développement éventuel de la contrebande ne recevraient donc aucun encouragement d’un crédit d’importation modéré et équitable qu’il accorderait à Gex, en prenant toutes les mesures de contrôle et de surveillance de nature à prévenir la fraude. Il est même vraisemblable que si ce haut Conseil veut bien examiner la question plus sérieusement, il se convaincra que le refus prolongé de tenir compte des justes doléances de la population de Gex produira, dans un temps donné, la contrebande que l’on pourrait essayer d’alléguer comme raison déterminante de l’application rigoureuse du tarif de 1849.4 II reconnaîtra qu’en privant une population de tout commerce et de tout gain licite, on s’expose à faire surgir dans son sein des éléments de fraude qui conduisent directement à tous les méfaits de la contrebande. Il est donc impossible de trouver une cause suffisante pour le maintien de l’interruption du libre échange qui a paisiblement régné depuis si longtemps entre les deux contrées.
J’attache un intérêt particulier, Monsieur le Président, à maintenir une harmonie salutaire et féconde dans tout ce qui concerne les relations commerciales entre nos deux pays. Par ce motif, je tiens beaucoup à régler promptement les petites dissidences que le temps et les événements font quelquefois surgir, et qui dans leur origine, sont bien plus faciles à effacer que lorsqu’on néglige d’y porter remède et qu’on laisse s’accumuler peu à peu un assemblage de griefs. Je suis persuadé que le Conseil fédéral envisagera la question dont j’ai l’honneur de l’entretenir sous le même point de vue, et je vous serai très obligé, Monsieur le Président, de lui exprimer tout le désir que j’aurais de lui voir terminer avec son impartialité habituelle une réclamation qui, si l’on n’y satisfait pas, ferait beaucoup de mal à un arrondissement français sans apporter le moindre avantage réel à la Confédération.