Einmischung des IKRK in den griechischen Bürgerkrieg. Kritik an der Präsenz und den Tätigkeiten gewisser Delegierter, die im Widerspruch zur humanitären Mission stehen. Gerüchte bekämpfen durch die Auswahl von integren Delegierten. Kontakte mit General Markos.
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 17, doc. 45
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2200.28-02#1968/174#5* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2200.28-02(-)1968/174 1 | |
Titolo dossier | Comité International de la Crois Rouge (1947–1948) | |
Riferimento archivio | L. 11/7 |
dodis.ch/4100 Le Ministre de Suisse à Ankara, C. Stucki, au Délégué du Conseil fédéral aux Œuvres d’Entraide internationale, E. de Haller1
Je vous remercie de votre lettre du 28 novembre2 concernant la récente intervention du CICR en Grèce3, lettre qui a croisé mon rapport du 1er décembre4. Je l’ai lue avec le plus vif intérêt et avec le plus grand profit. En effet, je ne méconnais nullement le poids des arguments que vous avancez et je retiens, notamment, la théorie comme quoi il est naturel, pour le CICR, d’apporter des secours matériels à des gens qui souffrent et dont personne d’autre ne s’occupe. Je ne manquerais pas de tirer parti de ce raisonnement si jamais le milieu grec, officiel ou privé, me cherchait noise dans ce domaine fort délicat.
Je sais, cependant, d’avance ce qu’on me rétorquerait ici: Est-ce que vraiment les déportés grecs sont les seuls gens qui souffrent? Le gouvernement grec s’en occupe fort convenablement, puisqu’il fait pour eux proportionnellement davantage que pour les 400’000 réfugiés de la Grèce du Nord, fidèles au Gouvernement et victimes précisément des bandes terroristes qui jouissent de l’appui moral et matériel des déportés. Si le CICR se préoccupe de préférence du sort des milieux qui se trouvent «en difficultés» avec leurs Gouvernements légitimes, il aurait beaucoup à faire derrière le «rideau de fer». Pour commencer, les milliers de Grecs en Roumanie qui sont acculés à la misère la plus noire par les maîtres actuels du «Royaume» danubien. Et ensuite les millions qui, entre l’Elbe et Vladivostok croupissent dans des prisons et des camps et dont le seul crime consiste à être anticommunistes sinon simplement non-communistes. Où est la tierce puissance ou l’organisation privée qui «se penche» sur ces malheureux dont personne d’autre ne s’occupe? N’estil pas vrai qu’ils dépérissent sans qu’une voix ne se lève ni qu’un doigt ne bouge pour eux et qu’ils sont rayés des rangs des vivants comme s’ils n’avaient jamais existé?
«Ultra posse nemo tenetur», répondrais-je à mes critiques. Le CICR se féliciterait de faire, pour cette catégorie de misérables également, tout ce qui est humainement possible. Mais est-ce vraiment raisonnable de ne rien faire pour une catégorie de malheureux parce qu’on n’est pas en mesure de soulager en même temps les souffrances d’une autre catégorie d’êtres humains en soi tout aussi méritants? Ne vaut-il pas mieux sérier les questions?
A ce taux-là, me répliquerait-on, ce seront toujours les Etats fondés sur des principes démocratiques et respectueux des sentiments d’humanité qui feront les frais de ces interventions, alors que les autres, les totalitaires, se retrancheront invariablement derrière la majesté de l’Etat, qui ne peut tolérer d’immixtions étrangères dans le domaine de la souveraineté nationale ni accepter une ingérence dans des affaires considérées comme ressortissant à la politique intérieure. Pareille situation choque le sens le plus élémentaire de l’équité, mais on s’en accommoderait à la rigueur si l’on avait le sentiment qu’en attendant de pouvoir agir utilement, les organisations humanitaires et charitables se préoccupaient au moins moralement aussi du sort de ces oubliés. Mais que constate-t-on en réalité? Un silence de cimetière sinon une indulgente bienveillance. Ne croit-on pas revivre les temps du satirique romain: «Dat veniam corvis, vexat censura columbas»?
Qu’opposer à ce raisonnement? Peut-être ceci: Ces objections sont parfaitement valables pour la pratique entre Etats mais le CICR a sa pratique à lui, une pratique qui se poursuit uniquement sur le plan strictement humanitaire sans se préoccuper de considérations politiques d’aucune sorte; il agit en toute circonstance, dans une indépendance complète, même à l’égard du Conseil fédéral, n’obéissant qu’à ce qu’il considère comme son devoir humanitaire. Le Gouvernement fédéral ni le peuple suisse n’ont donc à répondre des mesures que le CICR décide et le représentant diplomatique suisse n’a aucunement qualité pour s’en faire l’avocat, d’autant qu’il n’est jamais pressenti par le CICR sur les intentions de ce dernier et qu’il ignore complètement les mobiles qui l’ont déterminé à agir in concreto.
A côté de ces considérations d’ordre général, il conviendrait d’examiner également l’aspect personnel de ces questions. J’ai déjà fait une allusion, précédemment, aux hésitations qu’avaient éprouvées certains milieux suisses d’ici à l’annonce de la nouvelle nomination de M. Wenger. Les quelques conversations que j’ai eues avec ce dernier, m’ont permis de mieux saisir les réserves qu’on fait par-ci par-là contre ce choix. J’ignore si c’est le CICR qui a précipité son départ pour la Grèce, mais à Athènes on a entendu dire qu’étant sans poste, M. Wenger avait lui-même pressé le mouvement et qu’il avait hâte de rentrer en Grèce, où, couvert par le pavillon du CICR, on ne vit, somme toute, pas trop mal (je souligne que ce ne sont pas des propos grecs et que «relata refero»). Vous comprendrez le malaise qu’une pareille interprétation des faits doit évoquer: Ce sont les malheurs de la Grèce qui fournissent la pâture à des étrangers assez habiles pour en tirer parti. Ces soupçons sont encore plus facilement éveillés lorsqu’on renvoie en Grèce des gens qui y ont travaillé pendant l’occupation, quoique, d’un autre côté, il soit compréhensible, que la préférence du CICR aille vers des hommes qui ont déjà l’expérience du pays. J’en arrive, dans cet ordre d’idées, à un point qui est particulièrement délicat et désagréable au suprême degré: Dans une ambiance aussi roublarde en affaires et portée sur toute sorte de gains et en même temps très encline à la suspicion et à la médisance que l’est le milieu grec, les tentations pour les étrangers sont grandes et ces derniers sont vite soupçonnés de se livrer à certains trafics lucratifs. Je suis intimement convaincu que les grands chefs de la Délégation, les Brunel, d’Amman, de Fischer et bien d’autres encore5, ont travaillé ici dans le plus pur esprit et dans les meilleures traditions de la Croix-Rouge. D’un autre côté, j’ai tant entendu reprocher, de divers côtés, à tel sous-ordre de s’être enrichi en Grèce, sans que, toutefois, des précisions soient données, qu’il me paraît difficile de considérer ces bruits comme entièrement dénués de fondement. Il ne s’agit, pour moi, bien entendu, que d’impressions incontrôlables, tous ces agissements s’étant passés longtemps avant mon arrivée; mais si l’on compare le «standard of life» actuel de certains ex-collaborateurs de la Délégation avec celui qu’ils ont eu avant leur passage en Grèce, on reste souvent stupéfait.
Ces constatations me paraissent d’une importance capitale pour l’avenir du CICR. C’est l’unique raison pour laquelle je me suis permis d’évoquer ce point, à mon corps défendant, et je me féliciterais de voir que le CICR applique les critères les plus sévères au choix de ses délégués à l’étranger.
J’ai hâte d’ajouter qu’en ce qui concerne plus spécialement M. Wenger, je n’ai jamais entendu citer son nom en connexion avec des affaires de ce genre: Et si son choix n’était pas agréable au Gouvernement grec, celui-ci avait toute latitude de refuser le visa, tout en ménageant les formes6.
Pour terminer, je voudrais revenir à certaines questions de fait que vous touchez vers la fin de votre lettre. Les déportés se composent, que je sache, uniquement de civils appartenant à l’extrême gauche et arrêtés principalement l’été dernier, à titre préventif, comme vous le dites. En principe, ils sont tous rapatriables. Des partisans capturés les armes à la main ou simplement coupables d’actes de rébellion n’ont pas été envoyés dans les îles; du 14 septembre au 14 novembre derniers, ils ont bénéficié d’une amnistie complète. Actuellement on les garde derrière les lignes dans des prisons-camps. – Il est possible que M. Lambert ne se soit pas énormément démené pour faire parvenir aux déportés les secours confiés au CICR par des tiers. J’ignore si M. Lambert a expliqué au CICR les raisons de sa carence (si carence il y a). Vis-à-vis de moi, il avance les difficultés matérielles qu’il rencontrait dans le règlement de cette question fort délicate et le souci qu’il avait de résoudre auparavant avec le Gouvernement grec certains problèmes plus importants. L’envoi de M. Wenger n’a guère modifié la situation, puisqu’il ne lui a pas été possible jusqu’ici de s’occuper effectivement des déportés7.
J’ai appris enfin, très confidentiellement, de M. Lambert que le «Général» Marcos a établi un certain contact avec Genève, mais j’ignore en quoi consiste exactement ce contact et si certaines initiatives du CICR en Grèce (envoi de Glutz, de Traz, Wenger) sont à l’origine de cette prise de contact ou si elles en sont les conséquences8. M. Lambert est d’ailleurs décidé, ceci également à titre strictement confidentiel, à contacter le «Général», au su et si possible avec l’agrément du Gouvernement grec, afin de chercher à adoucir le sort des prisonniers et des otages capturés par le chef des rebelles. Quoique l’opération soit fort délicate et comporte des risques évidents pour la position future de M. Lambert à Athènes, je n’ai pas cru devoir le dissuader de son projet et je suis heureux de voir que vous êtes dans les mêmes sentiments. Je lui ai toutefois conseillé de s’en tenir, le plus possible, sur le terrain des solutions pratiques et d’éviter des règlements ayant un caractère juridique trop formel, ceci afin de ne pas trop heurter la susceptibilité du milieu gouvernemental aux yeux duquel le «Général» n’est pas «verhandlungsfähig», ne peut donc pas être un sujet du droit international9.
Je crains que cette interminable épître ne vous apporte rien de bien nouveau et rien d’utile. Veuillez ne pas m’en tenir rigueur et la considérer comme un bavardage qui m’a permis de vider mon sac. Elle ne comporte naturellement aucune réponse.
- 1
- Lettre (Copie): E 2200.28(-)1968/174/1.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- C. Stucki fait ici allusion à l’envoi d’un délégué du CICR en mission spéciale en Grèce pour s’occuper du secours aux personnes déportées par le gouvernement grec. Le délégué, E. Wenger, est arrivé à Athènes le 18 octobre 1947. Au sujet de l’action du CICR en Grèce, cf. aussi DDS, vol. 17, doc. 77, ainsi que E 2001(E)-/1/158 (dodis.ch/4123) et E 2200.28 (-)1968/174/1 (dodis.ch/4124).↩
- 4
- Non reproduit.↩
- 5
- Cf. DDS, vol. 14, table méthodique: 6. Politique et activités humanitaires.↩
- 6
- Le gouvernement grec prit prétexte d’un incident mineur entre E. Wenger et la Croix-Rouge hellénique, survenu en janvier 1948 dans un camp d’internés étrangers au Pirée, pour demander le renvoi de Wenger. En réalité, on reprochait à Wenger ses contacts avec les milieux de la résistance pendant la guerre et ses propos contre les autorités du pays. C. Stucki remarque dans une lettre à E. de Haller du 9 janvier 1948, E 2200.28(-)1968/174/1 (dodis.ch/6760): Les difficultés qu’on fait à M. Wenger ne proviennent pas de la police, mais de l’Etat-Major Général qui affirme posséder des dossiers se rapportant à l’activité dans le Nord de M. Wenger pendant l’occupation et la sédition communiste. Dans un entretien de C. Stucki avec le Directeur général de la police à Athènes, Georgiadès, ce dernier a dit: Selbst wenn man beispielweise anerkenne, dass es für sie nötig gewesen sei, mit den Italienern, den Deutschen oder der EAM gute Beziehungen zu unterhalten, um den ihnen gestellten Aufgaben gerecht zu werden, so stellten solche Beziehungen heute bis zu einem gewissen Grade eine Belastung dar. Cf. la notice de C. Stucki du 1er mars 1948. Non reproduit (dodis.ch/6781). Wenger fut rappelé par le CICR à Genève en mars 1948.↩
- 7
- L’action d’A. Lambert en Grèce avait déjà fait auparavant l’objet de certaines critiques. Le CICR ne renouvela pas son contrat en 1956, en raison d’un détournement de fonds dont il se rendit coupable. Cf. la lettre du Président du CICR, L. Boissier, à G. Georgacopoulos, Président de la Croix-Rouge hellénique, du 10 octobre 1958, E 2200.28(-)1974/100/2.↩
- 8
- Les documents consultés n’ont pas fourni de précision sur cette question.↩
- 9
- C. Stucki écrit dans une lettre à E. de Haller du 5 juillet 1948, E 2200.28(-)1968/174/1 (dodis.ch/6780): Je vous sais grand gré […]de m’avoir fait savoir que la suggestion de prendre contact avec le «Général» Marcos, lors d’un voyage de ce dernier à Prague, avait été écartée par le CICR. A propos du général Marcos, cf. le rapport militaire de Ch. Daniel du 24 février 1949, E 2300Athen/8 (dodis.ch/4080).↩
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