dodis.ch/3960

Notice du Chef du Département politique, M. Petitpierre1

ENTRETIEN AVEC M. KOULAGENKOV, MINISTRE DE L’URSS, LE LUNDI 15 MARS, À 17 HEURES2

Cet entretien a duré plus d’une heure. Son objet a été un tour d’horizon politique:

conférence du Comité de coopération économique européenne qui s’ouvre aujourd’hui à Paris3; plan Marshall4, considéré par le Ministre de l’URSS comme un plan à but politique agressif; projet d’union occidentale qui, selon lui, est lié étroitement au plan Marshall; déclaration sur la volonté de paix du gouvernement et du peuple soviétiques; psychose de guerre qui a tendance à se développer dans de nombreux pays à l’exception de ceux de l’Europe orientale; événements de Tchécoslovaquie5, considérés comme une prise du pouvoir du parti communiste agissant au nom de la majorité du peuple tchécoslovaque.

De mon côté, j’ai expliqué la distinction que nous continuions à faire entre le relèvement économique de l’Europe, auquel nous continuerons à participer, et une alliance politique éventuelle, à laquelle personne ne nous a demandé d’adhérer. J’ai essayé en vain de démontrer que la psychose de guerre à laquelle le Ministre russe a fait allusion existe bien, mais qu’elle s’explique par la crainte qu’éprouvent les pays de l’Europe occidentale de voir se répéter les événements de Hongrie, de Roumanie, de Tchécoslovaquie, etc. J’ai fait allusion aux sentiments d’amitié que le peuple suisse éprouve à l’égard du peuple soviétique, mais aussi à sa volonté de ne pas se laisser imposer un régime communiste, qui n’est pas fait pour lui.

M. Koulagenkov m’ayant dit qu’il avait lu dans un journal que je devais aller prochainement à Paris6 à titre privé, j’ai saisi cette occasion de lui dire que j’avais l’intention de passer mes vacances de Pâques en Angleterre, pays que je ne connais pas encore7.

L’entretien s’est déroulé sur un ton amical, avec le désir réciproque d’éviter de se dire des choses désagréables.