dodis.ch/35767 Notice de l’Ambassadeur de Suisse à Tunis, R. Stoudmann, pour le Chef du Département politique, P. Graber1

VISITE OFFICIELLE EN SUISSE DU MINISTRE TUNISIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES2

1. Pas plus aujourd’hui qu’hier, la visite du Ministre des Affaires étrangères de Tunisie ne répond à une nécessité du point de vue de l’état des relations entre Tunis et Berne3.

2. Le principe de cette visite ayant été accepté et les dates en ayant été arrêtées (26-27 octobre prochain4), il n’y a pas davantage de raison de différer la venue chez nous du chef de la diplomatie tunisienne même s’il devait y avoir, à plus ou moins brève échéance, un remaniement au sein du Cabinet tunisien du moment que notre invitation s’adresse non pas à M. Masmoudi mais bien au Ministre des Affaires étrangères de la République tunisienne.

3. Quant à nous, il s’agit donc essentiellement d’une manifestation de «good will» à l’égard d’un pays ami, la question de personne important moins que le principe de la visite elle-même. De toutes les façons, le bénéfice du geste – même suggéré – nous reste acquis à plus forte raison qu’il s’agira, sauf erreur de ma part, de la première visite officielle en Suisse d’un ministre des Affaires étrangères d’un pays arabe.

4. Depuis que sont intervenus les tragiques événements de Munich5, il y a même, à mon avis, davantage de raison de ne pas surseoir à cette visite, car une attitude négative, simplement réticente ou dilatoire de notre part pourrait – bien à tort, c’est certain, donner l’impression que nous sommes peu enclins à recevoir chez nous le ministre des Affaires étrangères d’un pays arabe.

On se souvient qu’au lendemain de la catastrophe de Würenlingen la Tunisie a déjà pâti de la réintroduction du régime des visas alors qu’elle était le pays qui avait le moins de raison d’être suspecté d’être mêlé de près comme de loin à cet attentat6. Il ne conviendrait donc pas que, par suite de l’ironie du sort, elle se sente à nouveau «victime» d’une situation qui, en réalité, lui échappe complètement.

Certes, il s’est trouvé chez nous, au cours de ces derniers jours, une fraction de notre opinion qui ne s’est pas expliqué l’attitude à certains égards criante adoptée par Tunis à l’égard de la sépulture offerte par le régime destourien aux victimes palestiniennes de Munich7.

En se hâtant d’offrir, le tout premier, aux côtés des héros de Bizerte8, une sépulture en terre arabe aux Palestiniens tombés à Munich, Bourguiba a décidé, une fois de plus, d’un comportement calculé qui lui a permis de démontrer la solidarité tunisienne à l’égard du mouvement palestinien et du monde arabe, d’obliger le Président Qadhafi en faveur duquel il se désista et de n’avoir pas à prendre le risque d’inhumer en terre tunisienne les dépouilles ramenées de Munich.

5. Je suis donc d’avis que la visite officielle en Suisse du Ministre Masmoudi soit maintenue telle que fixée, à plus forte raison que l’Ambassadeur Bergaoui, qui vient de rentrer de Tunis et avec lequel je me suis entretenu téléphoniquement ce matin, m’a confirmé qu’il n’y avait rien de changé et qu’il reprendrait cette semaine encore contact avec le Département à ce sujet.