Rede anlässlich des Nationalfeiertages: die allgegenwärtigen Folgen des Krieges, die Spaltung Europas und das Ende seiner Vorherrschaft, die Pariser Konferenz zum wirtschaftlichen Wiederaufbau Europas. Notwendigkeit der innenpolitischen Einheit: Annahme des AHV-Gesetzes und der neuen Wirtschaftsartikel, liberales Wirtschaftssystem.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 17, doc. 15
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1990/106#31* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 6 | |
Dossier title | Fédéralisme : notes, coupures de presse, discours (1947–1960) | |
File reference archive | 132 |
dodis.ch/355 1
Mes premières paroles seront pour vous dire la joie que j’éprouve à célébrer avec vous, dans nos montagnes neuchâteloises, cet anniversaire du 1er août, la plus belle, la plus simple et la plus pure de nos fêtes. Un magistrat fédéral ressent, plus que tout autre, le privilège qu’il a de rester, tout en étant au service de la communauté suisse, attaché par des liens solides à sa patrie cantonale. Il a besoin de demeurer en contact avec elle, de se savoir constamment soutenu dans sa tâche, aujourd’hui souvent lourde, par l’amitié de ceux qui appartiennent avec lui à cette patrie aux frontières étroites qu’est le canton. Je vous remercie de m’avoir invité à être à La Chaux-de-Fonds ce soir.
Le 1er août est la fête de l’unité suisse.
L’alliance perpétuelle scellée au Grutli au début d’août 1291, il y a plus de 650 ans, est toujours en vigueur. Au cours des siècles, elle a été à plusieurs reprises menacée, à l’intérieur et de l’extérieur. Elle s’est transformée, modifiée, élargie. Elle aura été le grain dont est sorti l’épi. Et c’est parce que le serment primitif, contracté au nom du Seigneur, a été constamment tenu, malgré des défaillances, est resté actuel, qu’aujourd’hui encore nous pouvons célébrer cet anniversaire avec fierté et sans arrière-pensée.
Les temps ont changé, mais nous connaissons aussi, comme nos aïeux de la Suisse primitive, et sous une forme peut-être plus redoutable, la gravité des temps qui les fit s’unir pour leur défense commune. Il est difficile de ne pas constater que, deux ans après que la plus cruelle des guerres ait pris fin, aucun des objectifs pour lesquels les vainqueurs ont fait tant de sacrifices, n’a été atteint, mais que le monde est plus dangereusement divisé qu’il ne l’a jamais été, et que l’Europe, aux trois quarts détruite, épuisée, a de la peine à trouver en elle les forces nécessaires à son relèvement. Il y a des mots qu’on hésite à prononcer encore: liberté, droit, justice, ces mots qui sont l’espoir et la protection des petits et des faibles, parce que, dans cet après-guerre encore si éloigné de la paix, c’est la raison du plus fort qui continue à l’emporter. Sans doute, on ne peut méconnaître qu’un bouleversement comme celui de ces dernières années doit laisser des traces profondes, qui ne peuvent s’effacer en quelques mois, ni même en quelques années. «La paix est chose plus complexe et plus obscure que la guerre, comme la vie est plus obscure et plus profonde que la mort.» Et le commencement et la mise en train de la paix exigent de grands efforts. Mais, quand on pense aux souffrances et aux sacrifices que la guerre moderne impose aux peuples qui y sont entraînés, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi il est si difficile de consentir aux sacrifices – qui ne seraient souvent que des concessions – sans lesquels la paix ne pourra pas s’établir. Quoi qu’il en soit, des millions d’hommes sont encore sous les armes, dans presque toutes les parties du monde. Aucun traité de paix n’est encore en vigueur. Les conférences, qui se sont réunies jusqu’à présent pour régler le sort de deux pays, qui sont nos voisins, et dont l’un a été libéré, ont abouti à un échec. Et l’on ne peut songer sans frémir aux moyens de destruction nouveaux que les ingénieurs et les chimistes préparent dans leurs laboratoires.
Il n’y a aucun doute: la gravité des temps actuels donne toute sa force à l’alliance dont nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire.
Cette alliance, pour reprendre les termes du Pacte, nous commande de nous assister mutuellement de toutes nos forces, tant au dedans qu’au dehors du pays, envers et contre quiconque tenterait de commettre contre nous un acte de violence ou une injustice.
Aujourd’hui, nous n’avons pas, comme autrefois, d’ennemis à l’extérieur, et nous ne sommes menacés par personne. En revanche, nous sentons plus que jamais que notre sort est lié à celui de l’Europe. Notre pays n’est plus situé entre quatre Etats qui se faisaient équilibre les uns aux autres. Mais l’Europe elle-même est placée entre deux Puissances plus fortes qu’elle. Ses divisions lui ont fait perdre la situation prépondérante qu’elle avait dans le monde. Et si elle ne prend pas conscience de la nécessité de son unité qui, malgré ses déchirements, peut se fonder sur une civilisation commune, elle deviendra une proie et perdra la maîtrise de son destin. Si nous n’avons plus, aujourd’hui, à nous défendre contre un ennemi extérieur, nous devons, dans notre propre intérêt, participer à tous les efforts qui s’accomplissent pour créer cette unité européenne. Nous ne pouvons pas ignorer que les affaires de l’Europe sont nos affaires, et que nous avons des intérêts communs avec les autres pays de notre continent. Notre présence à la conférence qui s’est ouverte à Paris3, le mois dernier, et qui a pour but le relèvement économique de l’Europe, signifie que nous avons conscience des devoirs que nous impose une solidarité européenne encore à créer. On doit regretter que tous les Etats intéressés n’aient pu s’associer à cette tâche commune et l’on souhaite qu’ils puissent un jour y participer: ils savent que la porte ne leur est pas fermée. D’autre part, on ne peut se dissimuler que de grandes difficultés devront être résolues: surtout parce que les causes des maux économiques dont souffre l’Europe sont essentiellement d’ordre politique, et que la solution qui consisterait à s’attaquer à ces causes et à tenter de les supprimer n’est guère praticable aujourd’hui.
Mais, plus une tâche est ardue, plus elle mérite qu’on l’aborde avec la volonté de la mener à chef, et que rien ne soit négligé qui puisse contribuer à sa réussite. C’est pourquoi notre pays, qui n’a pas d’avantages directs et immédiats à retirer de la conférence, doit néanmoins collaborer activement à son succès. La Suisse est l’incarnation vivante d’une idée dont elle est née et qui, dans les limites étroites de son territoire, a fait sa grandeur et sa force. Cette idée – celle de l’alliance – est fondée sur le respect des diversités, sur l’égalité voulue par la loi du plus puissant et du plus faible, et sur le sentiment de fraternité qui doit unir les membres d’une même communauté, liés entre eux par un serment qui est un acte de volonté. C’est là le sens profond du fédéralisme. Nous devons souhaiter que, sur le plan international, l’idée fédéraliste4 puisse un jour être réalisée. Elle ne sera cependant féconde que si elle n’exclut aucun pays, si elle ne tend pas à la formation de blocs ou d’alliances à caractère politique et militaire, et surtout si elle est fondée sur des principes de droit valables pour tous, et non sur la puissance matérielle et sur l’asservissement du plus faible au plus fort. L’Europe est encore bien loin de cette réalité. Elle paraît même s’en éloigner plutôt que de s’en rapprocher. Mais, si la conférence de Paris est couronnée de succès, elle aura été un pas fait dans cette direction. Un échec, en revanche, pourrait peser lourdement sur l’avenir de l’Europe et rendre encore plus précaire une situation dont la gravité ne peut échapper à personne.
Il y a des pessimistes qui vont jusqu’à penser que les difficultés actuelles ne pourront se résoudre par des voies pacifiques, et que le conflit latent, qui empêche la paix de s’établir, aboutira, dans un jour plus ou moins lointain, à de nouvelles hostilités ouvertes, qui, une fois de plus, dévasteraient le monde et donneraient le coup de grâce à la civilisation de l’Occident. Si une éventualité aussi tragique ne peut être, aujourd’hui, absolument exclue, il serait téméraire et dangereux de la considérer comme probable. Mais la prudence nous impose de demeurer vigilants et de continuer à faire, pour notre défense nationale, les sacrifices nécessaires, puisque cette dernière guerre ne nous a pas encore amenés au seuil de l’époque heureuse où les hommes pourront enfin consacrer leurs forces, toutes leurs forces, au progrès social et à améliorer leurs conditions d’existence. Nous devons rester unis dans la volonté de collaborer avec les autres peuples pour chercher à reconstruire une Europe prospère et pacifique, dont seront bannies la misère et l’inquiétude. Cette union sera d’autant plus étroite que nous aurons réussi à réaliser, sur le plan intérieur, une démocratie aussi parfaite que possible.
A cet égard, le 6 juillet 19475 a été un jour de victoire pour la démocratie suisse. On a critiqué parfois avec véhémence ceux qui ont lancé un référendum contre la loi sur l’assurance vieillesse et survivants. Cette critique méconnaît nos institutions. Sans doute, la plupart de ceux qui ont signé le référendum l’ont fait dans l’espoir que la loi serait rejetée par le peuple. Mais ils ont usé d’un droit respectable accordé par la Constitution à chaque citoyen. Et, surtout, ils ont rendu service aux autorités et aux partisans de la loi, en donnant l’occasion au peuple de faire connaître sa volonté dans une question de si grande importance. Aujourd’hui, il n’y a plus d’équivoque possible. L’assurance vieillesse, dans la forme où elle a été réalisée, n’est pas une institution imposée au peuple par ses autorités ou par les partis politiques, mais c’est l’œuvre du peuple suisse lui-même, qui a manifesté clairement que, malgré les sacrifices qui en résulteront pour lui, il entend s’engager résolument dans la voie du progrès social.
L’acceptation, par le peuple et les cantons, des nouveaux articles économiques6 de la Constitution est aussi un acte de sagesse et de raison, accompli à un moment où l’on ressentait une certaine lassitude et une certaine impatience à l’égard des interventions de l’Etat, nécessitées par la guerre et l’aprèsguerre, dans de nombreux domaines de la vie économique. Ces nouveaux articles constitutionnels étendent les pouvoirs de la Confédération, mais ils ne déploieront leurs effets pratiques que dans les lois d’application sur lesquelles le peuple exercera son contrôle. Deux courants se manifesteront: l’un dans le sens du renforcement et de l’extension des pouvoirs de l’Etat, l’autre pour le retour à une liberté dans le domaine économique et social aussi large que possible. Je pense que nous ne devrons, dans l’application de ces nouveaux articles constitutionnels, jamais perdre de vue que la prospérité de notre pays et son développement économique sont dus non à des richesses naturelles, qu’il ne possède pas, mais à l’initiative personnelle de ceux qui ont créé des entreprises, en faisant souvent un effort d’imagination et en courant des risques, et à la qualité du travail professionnel de tous ceux qui, à quelque poste qu’ils soient, ont assuré le succès de ces entreprises en leur consacrant le meilleur de leurs forces. L’action de l’Etat ne doit pas s’exercer comme un frein et réduire les possibilités qu’offre un régime de liberté économique; mais elle doit, avant tout, corriger et prévenir les excès et les abus de cette liberté, et le désordre qui en résulte, en particulier dans les relations sociales, lorsque l’esprit de solidarité est sacrifié à l’égoïsme et à la cupidité. La civilisation européenne, à laquelle nous participons, est fondée sur la liberté individuelle et sur le respect de la personne. Les doctrines totalitaires, quel que soit le nom qu’elles se donnent, et le masque derrière lequel se dissimule leur visage réel, nous sont étrangères. La démocratie suisse ne doit pas devenir une vaste bureaucratie centralisée, à laquelle les citoyens seraient asservis comme des sujets, et qui penserait et agirait pour eux – mais elle doit se développer dans le sens d’une responsabilité toujours plus grande de chacun envers tous. User de sa liberté à son seul profit, c’est abuser de la liberté. L’usage le plus noble et le plus satisfaisant pour soi-même qu’on puisse faire de la liberté, c’est de s’en servir en faveur des autres.
Une fois de plus cette année, les cloches du 1er août ont sonné. Les feux se sont allumés sur une Suisse paisible. Demain ne nous appartient pas. Abordons-le virilement avec confiance et avec courage, en restant fidèles à l’alliance et en formant le vœu ardent qu’au-delà de nos frontières la paix et la concorde étendent aussi leurs bienfaits.
- 1
- (Copie): E 2800(-)1990/106/6.↩
- 2
- Le lieu et la date de la rédaction du discours ne figurent pas sur le document.↩
- 3
- Il s’agit de la «Conférence des Seize» convoquée à Paris, le 12 juillet 1947, pour étudier entre pays européens la réponse à donner au Plan Marshall. Sur cette négociation, cf. DDS, vol. 17, doc. 6 et doc. 24.↩
- 4
- Sur l’attitude de M. Petitpierre à l’égard des mouvements fédéralistes et leurs activités en Suisse, cf. DDS, vol. 17, doc. 18, doc. 37 et doc. 80.↩
- 5
- Sur l’adoption par le peuple suisse de la loi sur l’assurance vieillesse, cf. Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants (du 24 mai 1946), FF, 1946, vol. 98, II, pp. 353-578; Loi fédérale sur l’assurancevieillesse et survivants (du 20 décembre 1946), RO, 1947, vol. 63, II, pp. 843-900.↩
- 6
- Sur l’adoption par le peuple suisse des articles économiques, cf. le Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant une révision partielle des dispositions constitutionnelles qui régissent l’ordre économique (du 10 septembre 1937) et le Message complémentaire (du 3 août 1945), FF, 1937, vol. 89, II, pp. 829-898 resp. FF, 1945, vol. 97, I, pp. 877-908, et l’Arrêté fédéral constatant le résultat de la votation populaire du 6 juillet 1947 sur la révision des articles de la constitution fédérale relatifs au domaine économique (du 1er octobre 1947), RO, 1947, vol. 63, II, pp. 1047–1050.↩
Relations to other documents
http://dodis.ch/192 | is mentionned in | http://dodis.ch/355 |