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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 24, doc. 1
volume linkZürich/Locarno/Genève 2012
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2500#1990/6#498* | |
Old classification | CH-BAR E 2500(-)1990/6 23 | |
Dossier title | Curchod, Théodore, 1913 (1946–1978) | |
File reference archive | a.21 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1978/84#1275* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1978/84 237 | |
Dossier title | Gold der Rebellen von Stanleyville (1964–1967) | |
File reference archive | C.41.129.1.(2) |
dodis.ch/33689 Présentation de ma lettre de créance au Président de la République Démocratique du Congo2
Une semaine3 après mon arrivée à Kinshasa, soit dans un délai extrêmement court, j’ai présenté ma lettre de créance au Général Mobutu au cours d’une cérémonie qui ne diffère guère de celle pratiquée dans d’autres pays. Ici, le caractère solennel se trouve cependant tempéré par le déploiement de couleurs vives où chatoient uniformes et habits parés de l’Ordre du Léopard, emblème de la jeune République, dont un magnifique spécimen peut d’ailleurs être admiré par le visiteur dans un vaste enclos érigé à proximité immédiate de la résidence du Chef de l’Etat. «Tel Rome avait sa louve, Kinshasa a son léopard» a déclaré malicieusement le Président Mobutu au Nonce Apostolique4 qui récemment lui faisait compliment sur l’aménagement de sa maison admirablement située au-dessus des rapides du Congo.
Dans l’allocution que j’ai prononcée, j’ai discrètement glissé le souhait de pouvoir conclure sans retard les accords suisso-congolais5 actuellement en discussion. Le Président Mobutu, prenant à son tour la parole, a relevé entre autres le rôle éloquent tenu par la Suisse dans le concert des nations. Il s’est également plu à souligner l’attention toute particulière que son gouvernement accorde aux propositions de traités entre les deux pays.
La partie oratoire terminée, nous nous sommes entretenus à bâtons rompus en la seule présence de M. Justin Bomboko, Ministre des Affaires étrangères, les autres personnes présentes à la cérémonie dont mes deux collaborateurs6 s’étant retirées dans un salon voisin. Le Président Mobutu a visiblement manifesté du plaisir à savoir que j’avais déjà passé 15 années en Afrique7 et il m’a félicité d’y être revenu malgré les difficultés de l’époque actuelle. Il a fait l’éloge de la Suisse et de ses médecins8, particulièrement du Professeur Vannotti qui, en mars dernier, s’est penché au chevet de son épouse9 avec une conscience et un dévouement remarquables. M. Mobutu m’a décrit en détail les qualités de ce praticien lausannois avec lequel il s’est lié d’amitié. De mon côté, je lui ai fait part de l’esprit avec lequel j’entendais exercer mes fonctions auprès de son gouvernement et j’ai abordé la question de nos rapports communs en reprenant la phrase de son discours consacrée à notre collaboration. J’ai renouvelé le vœu de voir signer sans retard les différents accords dont les principes ont été admis et qui ne présentent aucune divergence notoire, les points de vue des deux pays pouvant fort bien se rencontrer et trouver une solution autour d’une table de conférence. Le Président, sans me répondre directement, s’est tourné vers son Ministre des Affaires étrangères qui, d’un signe de tête, fit savoir qu’il était au courant de la question. J’ai senti qu’il ne fallait pas allonger davantage l’audience tirant d’ailleurs à sa fin. Nous avons alors rejoint la suite du Président pour la photographie officielle prise dans le jardin. La voiture du Général Mobutu, escortée de dix gendarmes à motocyclette, m’a ramené à 17 h 30 à mon domicile.
Le fait intéressant déjà mentionné au début de cette communication est le délai très court qui s’est écoulé entre le jour de mon arrivée et celui de la présentation de ma lettre de créance. Rares en effet ont été les Chefs de Mission qui furent reçus une semaine après avoir foulé le sol congolais. On cite deux exceptions: le Nonce Apostolique10 et l’Ambassadeur de France11. Mon collègue allemand12 a dû attendre presque trois mois et l’Ambassadeur d’Italie13, arrivé ici au début de novembre, a présenté ses lettres le même jour où je remettais les miennes au Chef de l’Etat. Il est vrai que, selon la rumeur, ce retard serait dû à une faute commise du côté italien dans la procédure relative à la demande d’agrément.
L’empressement manifesté à l’égard de la Suisse semble de bon augure et nous devons certes nous en réjouir. Le Président Mobutu, en agissant de la sorte, a certainement tenu à témoigner la sympathie qu’il nous porte. D’ailleurs, depuis mon arrivée, j’ai déjà recueilli de nombreuses preuves à ce sujet.
Cette bienveillance est agréable à relever. Mais est-elle la seule raison de la diligence dont nous venons d’être l’objet? Je ne le pense pas. Les circonstances actuelles peuvent avoir plaidé en notre faveur. Il est permis d’admettre que le Président Mobutu désirait resserrer les liens avec les pays entretenant des relations diplomatiques avec le Congo afin de pouvoir compter sur leur soutien éventuel dans la lutte acharnée qu’il mène contre l’Union Minière du Haut-Katanga et dont le point culminant coïncidait avec le jour de la réception du 1er janvier où le Corps Diplomatique au complet était réuni. Car, en dépit de la détermination et de la fermeté des dirigeants dans cette affaire, on perçoit l’inquiétude des milieux gouvernementaux devant le rebondissement de décisions prises de manière trop hâtive. Les conséquences risquent d’ébranler dangereusement le régime si une solution de compromis n’est pas trouvée14.
Mais à aucun instant durant notre entretien et au cours de la réception du 1er janvier, le Président Mobutu n’a laissé apparaître la moindre trace d’agitation, de fatigue ou de souci. Il m’a donné au contraire l’impression d’une grande maîtrise de soi. C’est un homme élégant, d’allure jeune, dont le contact est direct et sympathique.
Pour votre information, je vous remets ci-joint photocopies15 de mon discours et de la réponse du Président Mobutu qui, tous deux, ont été partiellement diffusés sur les ondes de Radio-Kinshasa. La télévision était également présente à la cérémonie de même que les cinéastes des actualités congolaises.
- 1
- Lettre: E2500#1990/6#498* (a.21). Visée par W. Spühler, M. Gelzer et R.-E. Campiche.↩
- 3
- La lettre de créance a été présentée à J. D. Mobutu le 29 décembre 1966.↩
- 5
- Sur les négociations des quatre accords ayant trait respectivement aux échanges commerciaux, à la protection des investissements, à la navigation aérienne et à la coopération au développement, cf. DDS, vol. 24, doc. 39, dodis.ch/33051.↩
- 7
- Avant son entrée au Département politique, Th. Curchod a travaillé pendant 3 ans à la Société commerciale de l’Ouest africain (SCOA) à Accra au Ghana. De 1946 à 1950 il a été Gérant du Consulat de Suisse à Tananarive à Madagascar. De 1954 à 1960 il a occupé le poste de Consul à Léopoldville au Congo. Cf. doss. comme note 1.↩
- 8
- Sur les séjours médicaux des dirigeants congolais en Suisse, cf. la lettre de Th. Curchod à P. Micheli du 23 avril 1969, dodis.ch/33859.↩
- 9
- M.- A. Gbiatene Gbiatibua.↩
- 13
- E. Baistrocchi.↩
- 14
- Sur la nationalisation de l’Union minière du Haut-Katanga et les répercussions sur la Suisse, cf. la lettre de Th. Curchod à P. R. Jolles du 9 décembre 1967, dodis.ch/33849. Cf. aussi doss. E2001E#1978/84#4497* (C.41.157) et E 2200.147(-) 1987/120 vol. 13 (512.212 ZA).↩
- 15
- Cf. doss. E 2200.147(-) 1986/117 vol. 1 (063.8).↩
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