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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 24, doc. 3
volume linkZürich/Locarno/Genève 2012
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7110#1978/50#2188* | |
Old classification | CH-BAR E 7110(-)1978/50 140 | |
Dossier title | Uhren "Roll-back" - Korrespondenz (1965–1967) | |
File reference archive | 841.8 • Additional component: Vereinigte Staaten von Amerika |
dodis.ch/33140 Abolition des droits de douane américains sur les montres appliqués en vertu de la clause échappatoire2
Les circonstances qui ont préludé à la décision prise le 11 janvier 1967 par le Président Johnson de ramener les droits de douance américains sur les montres à leur niveau antérieur vous sont connues. Une documentation3 détaillée vous a été remise hier à ce sujet. Les aspects techniques ont également fait l’objet d’une information complète4. J’aimerais néanmoins vous faire part de certaines réflexions d’ordre plus général que m’inspire cette décision.
Tout d’abord, je tiens à rendre hommage à l’esprit de décision, au courage et aux convictions du Président des Etats-Unis. Le Président Johnson avait une décision difficile à prendre. Les milieux protectionnistes5 étaient parvenus à donner au cas horloger le caractère d’un problème de haute politique intérieure. Ces milieux n’ont épargné aucun effort pour tirer parti de la guerre du Vietnam, des exigences de l’armement atomique et de la recherche spatiale, des multiples difficultés de la conjoncture politique intérieure, etc. en vue de bloquer, de quelque manière que ce soit, une décision conforme à une politique commerciale libérale, car c’est de cela qu’il s’agissait en fait. Toutes ces oppositions, le Président Johnson est parvenu à les surmonter sans se laisser détourner des seules considérations qui entraient véritablement en jeu, à savoir: les principes et les besoins de la politique commerciale extérieure des Etats-Unis, l’état des rapports avec la Suisse et la situation générale sur le front du Kennedy Round6, au moment où cette importante négociation économique et commerciale est entrée dans sa phase finale. Une lucidité et un esprit de décision aussi marqués méritent la reconnaissance non seulement du gouvernement suisse, mais aussi de l’ensemble de la communauté commerciale internationale.
En second lieu, la décision du Président Johnson démontre que même un petit pays ne demeure pas impuissant dans notre monde des grands, lorsqu’il a une bonne cause à défendre et qu’il s’emploie avec ténacité à la faire prévaloir. Nous avons cependant dû patienter longuement jusqu’à ce que les circonstances se modifient en notre faveur. Tel a été le cas lorsque les Etats-Unis ont pris l’initiative des négociations Kennedy. L’occasion nous était ainsi donnée d’établir le parallélisme entre nos propres arguments et les objectifs généraux du Kennedy Round qui visent une très large libéralisation des politiques tarifaires et commerciales à l’échelle mondiale, sans reculer devant les sacrifices individuels inhérents à une telle libéralisation. Ainsi, la requête suisse tendant à l’annulation de la décision du Président Eisenhower de soumettre les montres au régime de la clause échappatoire coïncidait avec les intérêts bien compris du gouvernement américain. Il fallait encore la volonté bien arrêtée – une volonté qui ne se laissait rebuter par aucun détail – des fonctionnaires directement concernés – à la tête desquels se trouvait, du côté suisse, l’Ambassadeur Weitnauer – pour écarter, l’un après l’autre, les obstacles qui se dressaient encore sur la voie conduisant à une décision. C’est sur près de 13 ans que se sont étendues les différentes phases de ce conflit de politique commerciale.
J’aimerais rappeler ici le souvenir du regretté Secrétaire d’Etat et chargé de missions spéciales pour le Kennedy Round, Christian Herter. Nous lui devons beaucoup, ainsi qu’à ses collaborateurs. L’une de ses toutes dernières activités officielles avant son décès a été de présenter, sous sa signature, au Président, la proposition de rapporter les droits de douane fondés sur la clause échappatoire.
Décrire toutes les vicissitudes qu’a connues le problème avant qu’une solution favorable soit trouvée reviendrait pratiquement à rédiger un roman-fleuve. Les plus hauts principes et la simple anecdote, le sublime et les banalités se sont côtoyés, certains épisodes ont frôlé le vaudeville. Les détours et les manœuvres dilatoires de toute sorte auxquels nos antagonistes ont recouru ont parfois tenu de l’extraordinaire, voire de la farce.
Je ne puis toutefois passer sous silence ce que cette situation cache de sérieux et les réflexions qu’elle nous inspire. Il s’agit du fait que des entreprises qui, aux Etats-Unis, se retranchent derrière des protections douanières exorbitantes et qui ont tout essayé pour en imposer le maintien, possèdent des usines en Suisse7, fabriquent une grande partie de leur production dans notre pays et tirent le meilleur parti de l’esprit d’invention, de la perfection technique et du travail qualifié des horlogers suisses. La Suisse est un pays libéral; elle ouvre ses portes de bon gré aux entreprises étrangères qui désirent s’y établir et son industrie ne manque certes pas de se montrer, comme il se doit, large d’idées vis-à-vis des filiales d’entreprises étrangères installées sur notre sol. Que l’on puisse croire, en tant qu’entrepreneur américain, qu’il soit possible d’engager, sans hésitation aucune, le combat contre les intérêts de politique commerciale suisse aux Etats-Unis et, simultanément, de profiter de tous les avantages d’une implantation en Suisse, voilà qui suscite l’étonnement des autorités suisses et méritait d’être dit.
Je terminerai par quelques mots sur la portée de la décision prise par le Président Johnson pour l’avenir du Kennedy Round et pour la politique commerciale mondiale. Nous aimerions y voir un signe de la volonté du gouvernement américain d’entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour assurer le succès des négociations en cours à Genève et pour contribuer au progrès des discussions dans d’autres domaines. Cela implique comme contre-partie nécessaire et inévitable que les autres pays participant au Kennedy Round – les grands comme les petits – ne prennent pas d’emblée prétexte des hésitations présumées de l’un quelconque des partenaires à rechercher les solutions à des problèmes qui donnent bien du fil à retordre pour retenir leurs propres concessions. Le Kennedy Round ne peut contribuer de façon significative à la libéralisation du commerce mondial que si tous les participants font preuve d’un maximum de bonne volonté et sont prêts à fournir un apport constructif. Ce n’est que dans cet esprit que les efforts présents et futurs seront couronnés du succès, dont la communauté commerciale internationale a un urgent besoin afin d’éliminer définitivement des entraves périmées aux échanges. Une économie mondiale florissante et en plein expansion en sera la récompense.
- 1
- Discours (copie): E7110#1978/50#2188* (841.8). La déclaration de H. Schaffner a été faite le 13 janvier 1967.↩
- 2
- Sur la «escape-clause», cf. DDS, vol. 11, doc. 197, dodis.ch/46118; DDS, vol. 18, doc. 63, dodis.ch/7803; DDS, vol. 19, doc. 10, dodis.ch/9205; doc. 18, dodis.ch/9206; doc. 118, dodis.ch/9215 et doc. 136, dodis.ch/9219; DDS, vol. 22, doc. 178, dodis.ch/18884; DDS, vol. 23, doc. 11, dodis.ch/30947; le télégramme No 5 de A. Weitnauer à l’Ambassade de Suisse à Washington du 10 janvier 1967, dodis.ch/33931; la notice de J. Bourgeois du 17 février 1967, dodis.ch/33934 et la lettre de F. Walthard à H. Schaffner du 1er mars 1967, dodis.ch/33933. Sur la situation de l’industrie horlogère suisse et américaine après le «rollback», cf. la lettre de F. Schnyder à P. R. Jolles du 5 mars 1968, dodis.ch/33938 et la lettre de R. Probst à P. Micheli du 23 août 1967, dodis.ch/33944.↩
- 3
- Cf. le communiqué de la Division du commerce du Département de l’économie publique du 11 janvier 1967, dodis.ch/33932.↩
- 4
- Cf. doss. comme note 1.↩
- 5
- Cf. les initiatives de W. Mills, doc. 41, dodis.ch/33135, note 5.↩
- 6
- Sur le Kennedy-Round, cf. DDS, vol. 24, doc. 15, dodis.ch/33250.↩
- 7
- Sur les firmes américaines en Suisse, cf. doss. E2001E#1978/84#7169* (B.41.31.21.3).↩
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