Meinung von de Gasperi über die Wahl zwischen der Monarchie und der Republik. Schicksal der königlichen Familie. Zurückhaltung der angelsächsischen Mächte.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 16, doc. 73
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#929* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 406 | |
Titre du dossier | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 53 (1946–1946) |
dodis.ch/300 CONFIDENCES DE M. DE GASPERI. – VERS LA JOURNÉE DÉCISIVE2
Au cours d’une conversation avec M. De Gasperi, j’ai réussi, non sans peine, à lui arracher un avis personnel sur les chances respectives de la monarchie et de la république.
Tout d’abord, le Président du Conseil a tenté de se dérober en alléguant qu’il était extrêmement difficile de formuler un pronostic, surtout à Rome et dans la région du Latium. Ensuite, il a reconnu que la victoire des républicains devait être considérée comme probable. «Faisons abstraction, m’a-t-il dit, de la capitale et de ses environs. Au sud de cette zone, les royalistes comptent sur une majorité de 70%. Tenons ce calcul pour exact. Au nord de Rome, les partisans de la république obtiendront un pourcentage au moins égal. Or, le nord a 24 millions d’habitants contre 18 au midi. Concluez!»
Comme vous le savez, le premier Ministre, personnellement, est monarchiste: il ne croit pas que ses compatriotes aient atteint un degré suffisant de maturité politique pour user raisonnablement d’institutions républicaines. Six mois de collaboration intime avec le nouveau souverain lui ont appris à l’estimer. Ce n’est pas sans regrets qu’il le verra s’incliner devant le verdict populaire. Il m’a confié les soucis que lui cause l’avenir de la famille royale. Il semble croire que, si Humbert II était resté Prince de Piémont et Lieutenant général du Royaume, il aurait pu garder une place au foyer de la République italienne, mais que, monté sur le trône «in extremis», il devra, comme ses parents, prendre le chemin de l’exil. «Où ira-t-il?» se demande M. De Gasperi. «Je ne pense pas qu’il rejoigne son père, avec qui il est assez loin de s’entendre». Je n’ai pas osé demander à mon interlocuteur si le roi avait exprimé une préférence ou mentionné certaines terres d’asile pour le cas où il devrait quitter son pays, mais, à part moi, je me suis étonné que le Président du Conseil ignorât ou feignît d’ignorer les projets de son souverain.
Un familier de la Cour me disait récemment que le Roi garde tout son calme, considère la situation très objectivement, estime devoir prêter jusqu’au bout son appui aux partisans de la Couronne, mais se déclare Italien et prêt à collaborer, si on le lui permet, avec le régime et les hommes que l’Italie choisira pour prendre en mains ses destinées. La reine, en revanche, serait nettement pessimiste et se préoccuperait surtout de mettre à l’abri ses enfants.
M. de Gasperi a fait tout ce qu’il pouvait pour sauver la monarchie. A cette fin, il avait préconisé, dès son entrée au gouvernement, l’abdication de Victor Emmanuel, qui, selon lui, s’est produite trop tard pour être efficace. Il avait aussi proposé, à un moment où M. Parri était encore Président du Conseil, de fixer la date du plébiscite sur le régime à trois mois après les élections à la Constituante. Il estime (et cela explique son discours ambigu de samedi dernier) que la Maison royale eût bénéficié d’une séparation nette entre le problème électoral et celui du choix entre la république et la monarchie. En outre, l’ajournement du vote sur le régime eût permis une consultation plus complète: le 2 juin, en effet, ni les prisonniers non encore rapatriés ni les habitants des régions dont le sort demeure incertain ne pourront se prononcer. Mais la demande du Ministre des Affaires étrangères fut rejetée par le Cabinet Parri.
Ces derniers temps, les monarchistes avaient espéré que les Alliés s’emploieraient à faire reculer la date du double scrutin et à seconder le projet de large et immédiate amnistie dont la Couronne pouvait escompter un résultat favorable à sa cause.
Espoir déçu. M. Kirk, Ambassadeur des Etats-Unis, est absent depuis plusieurs mois. Son influence personnelle eût peut-être joué au profit du souverain. Quant à Sir Noël Charles, Ambassadeur de Grande-Bretagne et fidèle ami du roi, il a sans doute été contraint de sacrifier ses opinions à celles de son gouvernement. C’est donc à l’Amiral américain Stone qu’est échue la tâche de définir la politique des Anglo-Saxons. Il l’a fait d’un mot: abstention.
Quant à l’amnistie, elle a été l’objet, en Conseil des Ministres, d’un débat houleux qui s’est terminé à la mode italienne, par un compromis: ni les républicains ni les royalistes ne pourront donc en tirer bénéfice.
Le Ministre de l’Intérieur, M. Romita, semble préoccupé avant tout de maintenir l’ordre et d’assurer à la grande journée du 2 juin un climat calme et paisible. Toutes les forces de police sont mobilisées à cet effet. Leur chef, qui ne manque pas d’énergie, paraît les tenir bien en mains.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Rom/53.↩
- 2
- Le 2 juin les électeurs italiens auront à choisir entre la Monarchie et la République. Le même jour auront lieu les premières élections politiques de l’après-guerre – et les premières avec la participation des femmes – pour la désignation des membres de l’Assemblée constituante.↩
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