Beherrschende Position der USA in der UNESCO. Paris wünscht die Verstärkung des europäischen Beitrags. Die Schweiz könnte eine herausragende Persönlichkeit delegieren.
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 17, Dok. 51
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001E#1000/1571#2275* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(E)1000/99 194 | |
Dossiertitel | Commisson consultative pour la collaboration avec l'UNESCO / Suisse et UNESCO (1946–1948) | |
Aktenzeichen Archiv | B.63.37.13.01 |
dodis.ch/2710
Voulez-vous me permettre d’attirer votre attention sur la conversation que j’ai eue avec M. Roger Seydoux, venu me voir pour m’entretenir de l’UNESCO.
Ancien Directeur de l’Ecole des Sciences politiques, M. Seydoux est aujourd’hui Chef du service de l’expansion artistique, sous les ordres de M. Joxe, à la Direction générale des Relations culturelles du Ministère des Affaires étrangères. Il est, en même temps, un des membres les plus écoutés de la délégation française à l’UNESCO, et, en cette qualité, a participé à la conférence de novembre à Mexico.
M. Seydoux ne m’a pas caché que la politique avait joué un rôle important dans les délibérations de Mexico2 et que le State Department avait réussi à glisser quelques-uns de ses hommes derrière la façade «culturelle» de sa délégation. Cela n’empêche pas qu’en général, la tendance américaine, aujourd’hui prépondérante à l’UNESCO, pourrait être définie par cette formule simpliste: «Imposer la paix au monde par la vertu de l’éducation.» Ce double aspect – politique et pédagogique – devait paraître suspect aux yeux d’une délégation européenne et, plus particulièrement, latine et française.
M. Seydoux m’a parlé ensuite de la méfiance plus ou moins explicite où le monde anglo-saxon, de Mexico, semblait tenir les pays de l’Europe occidentale impuissants à dominer leurs difficultés intérieures (C’était, je le rappelle, à l’époque des grèves françaises). Si bien que la position, à Paris, du siège de l’organisme paraît aujourd’hui, sinon contestée, au moins ébranlée. Le personnel de l’UNESCO, avec sa forte proportion d’Anglo-saxons, ne s’y sent pas dans une ambiance favorable; trop souvent ignoré des Parisiens, qui ont d’autres goûts et d’autres soucis, il se plie malaisément aux difficultés matérielles de la vie présente dans la capitale française.
Toutefois, en dépit de cette prévention latine contre la tendance anglosaxonne, la France n’accepterait pas volontiers le déplacement du siège de l’UNESCO. Suivant l’idée de M. Blum, elle est fermement attachée au principe de son maintien à Paris. On retrouve ici – affaire de prestige – la volonté, constamment manifestée depuis 1944, d’attirer et de fixer dans la capitale française les grandes institutions et conférences internationales.
Parlant ensuite de la personne du Directeur général, M. Seydoux m’a montré que la situation de M. Julian Huxley ne semblait plus aussi solide que l’an dernier, soit auprès des Américains, soit auprès des Européens et même des Anglais. Son mandat expirant à l’automne prochain, on se préoccupe déjà de lui chercher un successeur. Les Américains auraient un candidat national en la personne de M. Bedell; mais ils seraient également favorables à un Australien (M. Walker?).
Or, les Français et, avec eux, pensent-ils, d’autres pays européens, craindraient de voir s’accentuer ainsi, en la personne d’un nouveau directeur, les tendances qu’ils appellent américaines. Ils estiment que, si l’UNESCO peut faire œuvre utile, ce n’est pas en cherchant à imposer la paix au monde, d’une manière à la fois ambitieuse et naïve, comme je l’ai dit plus haut, mais en limitant ses objectifs, en visant d’abord quelques réalisations pratiques, et, par exemple, en faisant tomber, peu à peu, les barrières qui s’opposent à la libre circulation, d’un pays à l’autre, des valeurs culturelles et des informations.
C’est pourquoi ils seraient enclins à soutenir un candidat plus réaliste que M. Huxley, plus «organisateur».
M. Seydoux en est venu ainsi à parler de notre délégation suisse à Mexico3; et, sans formuler aucune critique contre les personnes qui la composaient, il m’a laissé entendre que cette délégation avait pu paraître un peu mince. Le monde de la pensée suisse pourrait, selon lui, s’enorgueillir aujourd’hui de personnalités plus marquantes que celui de la Belgique, par exemple, ou de la Hollande. Et, maintenant que la Suisse fait partie de l’UNESCO, il suppose qu’elle jugera le moment venu de «montrer ses hommes»; peut-être songerat-elle aussi à former une commission…
M. Seydoux m’a dit ensuite qu’on verrait ici, d’un œil sympathique, la candidature d’une personnalité suisse. Nous avons alors prononcé quelques noms, entr’autres celui de M. Rappard – mais ne serait-il pas trop âgé? – et, surtout, celui de M. Piaget, en qui les Français se plaisent à reconnaître une expérience solide et, précisément, ces dons d’organisateur auxquels ils attachent un grand prix. On pourrait aussi – mais cette idée ne m’est venue qu’après notre conversation avec M. Seydoux – retenir le nom de M. Robert de Traz, qui se recommanderait par des mérites d’un autre ordre.
Je résume mes impressions: M. Seydoux s’est fait l’écho des inquiétudes et des vœux français touchant l’avenir, le proche avenir de l’UNESCO: ils indiquent que nous pourrions être amenés à jouer un rôle important dans l’avenir de cette institution et que nous serions bien inspirés, quelle que soit la solution apportée aux problèmes du siège et du futur Directeur général, d’attirer et d’intéresser à l’UNESCO les personnalités éminentes du monde de la pensée suisse, rassemblées, ou non, en commission. Je pense à des hommes tels que les Professeurs C. G. Jung et Piccard, au Recteur de l’Université de Zürich, le Dr. Th. Spoerri, au Dr. Auguste Simonius, à Denis de Rougemont, dont les noms s’ajouteraient à ceux de Rappard, de Piaget, de Robert de Traz, cités plus haut. On pourrait aussi songer aux lauréats des Prix Nobel et aux titulaires des doctorats récemment décernés par les Universités de Paris, d’Oxford et d’Harvard.
En effet, tandis que la France n’a pas hésité à placer dans sa délégation des hommes de tout premier plan, comme Jacques Maritain, serait-il bon que nous demeurions longtemps «en veilleuse», au lieu d’attirer le concours des esprits qui sont l’honneur de notre pensée suisse?
Je sais bien sûr, d’ailleurs, que vous avez déjà mesuré l’importance de cette question, ainsi que M. le Ministre Secrétan. Je me proposais simplement de vous montrer, par ces lignes, l’actualité qu’elle revêt aujourd’hui aux yeux de nos voisins de l’ouest et la bienveillance avec laquelle ils envisagent et attendent notre contribution.
Tags
Vereinigte Staaten von Amerika (USA) (Politik) Frankreich (Politik) Wissenschaft UNO – Allgemein Kulturelle Beziehungen