Rapport à l'intention de Monsieur Max Petitpierre, Conseiller fédéral
Schweizerische Guthaben bei ausländischen Staaten: Unterscheidung von Vermögen und Guthaben des Bundes und derjenigen natürlicher und juristischer Personen. Bedingung der Rückzahlung im Rahmen der bevorstehenden Wirtschaftsverhandlungen mit den betroffenen Ländern. Frage der Entschädigung der kriegsgeschädigten Schweizer. Bemühungen der Schweiz für den wirtschaftlichen Wiederaufbau Europas.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 17, doc. 32
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1000/1571#3489* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1000/1571 294 | |
Dossier title | Kredit- und Finanzwesen (1947–1948) | |
File reference archive | C.41.124.0 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1000/1571#3498* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1000/1571 294 | |
Dossier title | Finanzverhandlung und Abkommen über den Zahlungsverkehr, Allgemeines (1946–1947) | |
File reference archive | C.41.205.0 |
dodis.ch/1642
CRÉANCES SUISSES SUR L’ÉTRANGER
Vous référant au rapport sur les avoirs et engagements de la Confédération à l’étranger à fin 1946, que le Département des Finances a présenté le 13 juin 1947 au Conseil fédéral3, vous nous avez demandé d’examiner chaque créance suisse contre un Etat étranger, et plus spécialement les points suivants:
a) dans quelle mesure la Suisse peut obtenir la reconnaissance de cette créance, si jusqu’à présent elle n’a pas été reconnue expressément par l’Etat intéressé;
b) de quelle manière son remboursement peut être envisagé;
c) s’il est possible d’engager, dès maintenant ou par la suite, des négociations en vue d’obtenir la reconnaissance et le paiement de la créance. I.
Le rapport du Département fédéral des Finances et des Douanes du 13 juin 1947 contient toutes les indications relatives à l’or de la Confédération déposé à Berne, à New York, à Londres et au Canada, et il n’y a pas lieu d’y ajouter de commentaire4. Les remarques suivantes ne se rapportent donc qu’aux autres avoirs, créances et engagements de la Confédération.
a) Les créances de la Confédération ne constituent qu’une partie, et souvent qu’une petite partie des créances suisses contre un Etat étranger. En effet, il faut se rappeler qu’il existe, à part les créances de la Confédération, des avoirs privés, consistant notamment en:
tranches souscrites en Suisse des dettes publiques des différents Etats,
avoirs en banque et autres avoirs de citoyens suisses, notamment de rapatriés, et leurs revenus,
investissements industriels, participations diverses dans l’industrie et dans
les succursales de maisons suisses, ou indemnités de nationalisation ou de
confiscation dans les pays qui ont socialisé leur industrie,
fonds de garantie et autres placements de sociétés d’assurance suisse,
crédits accordés par les banques suisses.
En principe les créances de la Confédération ne jouissent d’aucun privilège à l’égard des créances privées. Au contraire, alors que certains paiements résultant de créances privées sont considérés comme des «paiements courants» (intérêts, dividendes et même dans une certaine mesure amortissements contractuels) ou y sont assimilés (transferts de petits capitaux en faveur de rapatriés suisses, paiements en rapport avec des contrats d’assurances, primes d’assurance ou de réassurance, paiements de capitaux dans l’assurance-vie, indemnités de sinistres ou autres prestations) et sont aussi généralement admis au transfert conformément aux accords commerciaux récemment conclus, les transferts de capitaux proprement dits sont exclus de ces accords, et cela tant pour les créances de la Confédération que pour les créances privées. Il s’agira de trouver des solutions qui, tout en s’adaptant aux conditions spéciales de chaque Etat débiteur et à la nature de chaque créance, permettent le rapatriement de ces avoirs, soit par conversion en une dette consolidée avec plan d’amortissement, soit en trouvant des moyens d’investissement profitant à l’économie suisse. On peut se demander s’il n’y aurait pas lieu de prévoir la priorité des avoirs de la Confédération sur les créances privées.
Il paraît donc indiqué d’examiner les avoirs et créances de la Confédération en tenant compte de l’ensemble de nos relations financières avec les différents Etats débiteurs. C’est pourquoi les tableaux indiquant l’état des créances, tels qu’ils avaient été établis par le Département des Finances – ont été complétés; nous y avons ajouté les créances privées5. Les indications fournies à ce titre ne sont qu’approximatives. Il aurait fallu des enquêtes longues et coûteuses pour réunir des données détaillées. Mais les chiffres cités suffiront pour servir de base à l’examen des questions soulevées.
b) Le remboursement des créances suisses dépend entre autres de deux faits, résultant de la situation économique actuelle:
1) Les débiteurs ne disposent pour la plupart ni d’or, ni de francs suisses ou d’autres devises convertibles. Ils sont donc obligés d’exporter d’abord des marchandises en Suisse pour se créer les moyens de paiement nécessaires. Selon la nature de l’accord conclu avec ses partenaires (accord monétaire, accord de clearing) l’Etat débiteur étranger s’oblige à exécuter les transferts financiers convenus, ou bien il y réserve un certain pourcentage de ses disponibilités.
2) Après la cessation des hostilités en Europe, la Suisse éprouva un grand besoin d’importer certaines marchandises. Ses partenaires ne manquèrent pas d’exploiter cette situation au moment de la conclusion des accords économiques. Il a fallu leur concéder des avantages, notamment en réduisant partiellement la quote-part des disponibilités réservée aux transferts financiers. Les Etats étrangers demandent généralement: ou bien que la Suisse paie les marchandises qui sont livrées au moyen de ses propres exportations (en outre la Suisse s’engage le plus souvent à mettre à la disposition de l’Etat cocontractant une quote-part en francs suisses qui peut être utilisée pour l’achat de marchandises dans les pays tiers), ou bien qu’elle paie différentes catégories de marchandises en dollars librement convertibles, en dehors de la réglementation normale convenue pour les paiements réciproques.
Il résulte de ces conditions économiques anormales que la question des transferts financiers – malgré les efforts des négociateurs suisses – n’a pas encore trouvé une solution durable.
Comme la balance commerciale suisse présente un déficit considérable – qui s’est élevé pendant les six premiers mois de l’année courante à 640 millions de francs – la saturation du marché suisse en produits importés fait des progrès. Cet assainissement de la situation commerciale laisse espérer que dans un avenir pas trop éloigné les négociateurs suisses ne se trouveront plus devant cette alternative: obtenir des importations moyennant de grandes concessions financières ou clore les pourparlers sans recevoir de marchandises. La normalisation des échanges commerciaux profitera au service de la dette.
c) Les conditions politiques hostiles à la reconnaissance et au respect des engagements pris s’ajoutent dans certains Etats à la situation défavorable de l’économie, ce qui fait naître de nouvelles difficultés pour le règlement des créances suisses. C’est notamment le cas pour les indemnités de nationalisation et de confiscation, pour la dette publique et pour les dettes contractées pendant la guerre par les régimes antérieurs, considérés aujourd’hui comme traîtres.
d) Dans plusieurs pays, le remboursement des créances suisses (notamment des avoirs bancaires constitués par les rapatriés avant leur retour en Suisse) est rendu impossible par les mesures internes de blocage des avoirs décrétées dans ces pays. Ce blocage fait parfois partie d’un ensemble de mesures prises en vue d’une réforme monétaire générale (par exemple en Tchécoslovaquie et en Pologne). Il empêche le transfert des créances, quand bien même celui-ci est prévu dans un accord bilatéral signé avec la Suisse. On s’efforce d’obtenir des dérogations en faveur des ressortissants suisses qui sont dépourvus de moyens d’existence en Suisse, mais le résultat des démarches des autorités fédérales dépend du bon vouloir des Gouvernements étrangers, car nous ne pouvons agir sur les mesures internes en vigueur à l’étranger.
Les tendances inflationnistes, notamment en France, en Italie et dans les pays de l’Est européen, sont aussi un facteur qui tend à diminuer la valeur des créances suisses dans ces pays.
e) Enfin il y a lieu de relever encore que les dommages de guerre, subis par les pays occupés, grèvent leur économie nationale et contribuent à compliquer la position de la Suisse comme Etat créancier. D’ailleurs les Suisses qui résidaient autrefois dans ces pays ont eux-mêmes été directement touchés par ces dommages, soit que leurs biens et leurs avoirs en banques aient été pillés, détruits ou réquisitionnés, soit qu’ils aient dû les abandonner.
Les dommages de guerre touchant la propriété suisse à l’étranger s’élèvent au total pour les destructions, les pillages et les réquisitions, à environ 2,3 milliards de francs. La possibilité d’indemniser totalement ou partiellement les personnes lésées dépend de la législation interne et de la situation financière des Etats sur le territoire desquels les dommages sont survenus. Les personnes touchées par ces dommages ne possèdent un droit à être indemnisées que pour les réquisitions, et, à la rigueur, pour les pillages. Pour ces derniers cependant, il faut préalablement élucider la question de la responsabilité. La réparation des dommages dus à des destructions, comme celle des atteintes portées à l’intégrité corporelle et à la vie, est une notion qui n’est pas généralement reconnue du droit des gens; elle n’a été réglementée jusqu’à présent que par un petit nombre d’Etats. Dans les législations où une réparation a été prévue, les étrangers en sont généralement exclus, à moins que leur pays d’origine accorde l’égalité de traitement. La Suisse ne peut le faire, puisqu’elle a été épargnée par la guerre. Ainsi donc pour les réquisitions et les pillages, la personne sinistrée possède une créance juridiquement fondée et un droit à être indemnisée, ce qui d’ailleurs ne signifie pas encore que cette créance sera reconnue par le débiteur. Au contraire il n’existe aucune créance semblable lorsqu’il s’agit de destructions. Presque tous les Etats ont refusé de reconnaître l’égalité de traitement des Suisses avec leurs propres nationaux uniquement sur la base d’un traité d’établissement. Cela n’empêche pas que l’on indique au moins pro memoria les dommages dus à des destructions dans la liste des dettes des différents Etats considérés.
Trois pays seulement accordaient des réparations effectives et traitaient les ressortissants suisses de la même manière que leurs nationaux (Allemagne, Grande-Bretagne et Philippines). Avec la disparition du Gouvernement allemand, ces prestations ont cessé. La Grande-Bretagne et les Philippines ont décrété que les indemnités ne peuvent être transférées à l’étranger, mais doivent être utilisées au financement des travaux de reconstruction.II.
a) Pour ce qui a trait aux frais d’internement, il convient de relever que d’après l’art. 11 de la 5e Convention de La Haye concernant les droits des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre6, la Puissance neutre, qui reçoit sur son territoire des troupes appartenant aux armées belligérantes (unités régulières et partisans), les internera. Le droit des gens impose donc une obligation à la Puissance neutre en question. On peut admettre que tous les militaires proprement dits des armées belligérantes, qui pénètrent en territoire neutre, tombent sous le coup de l’art. 11 de la 5e Convention de La Haye.
Le remboursement des frais, causés par l’internement [selon le] droit des gens, est réglé par l’art. 12, alinéa 2 de la 5e Convention de La Haye. Selon l’avis de M. Sauser-Hall7, l’Etat neutre a droit au remboursement de tous les frais que lui cause l’internement des troupes réfugiées (pas seulement vivres, habillement, secours commandés par l’humanité).
b) En ce qui concerne les prisonniers de guerre évadés, dont la situation est réglée par l’art. 13 de la 5e Convention de La Haye, ils ne furent pas internés sur la base des prescriptions du droit des gens, mais sur la base du droit suisse. Toutefois on peut admettre, quant au remboursement des frais d’internement de cette catégorie de personnes, l’application des mêmes principes que ceux qui sont valables pour les internés militaires, bien qu’il n’existe aucune disposition conventionnelle sur ce point. En tout cas il semble équitable que l’Etat neutre qui héberge des prisonniers de guerre évadés et qui ne peut, par suite des événements, les faire passer en territoire occupé par l’armée dont ils proviennent, soit en droit de se faire rembourser les frais résultant pour lui de leur séjour forcé sur son territoire.
c) Quant aux déserteurs et réfractaires, qui ne tombent pas sous le coup de l’art. 11 de la 5e Convention de La Haye, il est évident que la Suisse ne saurait réclamer d’un Etat le remboursement des frais causés par l’accueil en Suisse de ces fugitifs.
d) En ce qui concerne les réfugiés civils, le Conseil fédéral, par arrêté du 1er avril 1946, a renoncé au remboursement des frais occasionnés par leur accueil en Suisse8.
Quelques Etats, dont les ressortissants ayant séjourné en Suisse appartenaient aux deux catégories d’internés précitées (internés militaires et prisonniers de guerre évadés), se sont déjà déclarés prêts à nous rembourser tous les frais d’internement. Avec d’autres pays, dont il n’y avait chez nous que des prisonniers de guerre évadés, une entente au sujet des frais d’internement est également déjà intervenue. Avec d’autres encore une décision n’a pas pu être prise jusqu’à présent.
Le moment venu, il conviendra d’étudier les possibilités de transfert dans le cadre de nos relations économiques et financières générales avec les pays considérés.
A part les créances relatives à l’internement en Suisse de soldats étrangers, il convient de mentionner que les belligérants nous doivent encore une somme, estimée à plus de 70 millions de francs, pour réparation des dommages dus aux violations de la neutralité. Les détails s’y rapportant ont été réunis dans le tableau III annexé9 au présent rapport.III.
Les tableaux ci-après ne concernent que les créances suisses à proprement parler. Les facilités accordées à différents Etats en vue de leur permettre de placer immédiatement des commandes sur le marché suisse sans devoir attendre de s’être créés par leurs exportations les fonds nécessaires (garantie contre les risques d’exportation) et les contributions à fonds perdus versées par la Confédération ou par des particuliers ne s’y trouvent pas mentionnées. Pour donner un aperçu complet des prestations suisses, deux tableaux ont été annexés au présent rapport. Le premier comprend les sommes garanties par la Confédération au titre de la garantie contre les risques d’exportation, quand cette garantie a été accordée dans le cadre d’un accord commercial10 (nous ne mentionnons donc pas les garanties demandées par des maisons particulières suisses). L’autre reproduit le tableau qui figurait dans le mémoire introductif remis à Paris par la Délégation suisse au Comité de coopération économique européenne et contient les prestations officielles et privées faites à fonds perdus pour la reconstruction des pays dévastés par la guerre11. IV.
Enfin il est opportun de rappeler, pour mémoire, que la Suisse participe aux travaux du Comité de coopération économique européenne à Paris (Plan Marshall). Sans qu’il soit possible de prévoir pour le moment quel sera exactement le résultat de ces travaux, il y a lieu de s’attendre, s’ils aboutissent, à ce que la Suisse doive faire un nouvel effort en faveur de la reconstruction économique européenne.
Bien qu’une entreprise similaire pour l’Europe orientale n’ait pas encore été créée, la Suisse ne saurait – le cas échéant – que difficilement refuser sa participation, de sorte qu’elle doit s’attendre à être appelée également à étudier de quelle manière elle pourrait contribuer à la reconstruction économique des régions de l’Est du continent.
- 1
- Rédigé par la Division du Contentieux, des Affaires financières et Communications du DPF, ce rapport est signé par F. Kappeler et adressé à M. Petitpierre qui l’avait demandé dans une note du 25 juin 1947. Non reproduit.↩
- 2
- (Copie): E 2001(E)-/1/294.↩
- 3
- Cf. PVCF No 1484 du 24 juin 1947, E 1004.1(-)-/1/482 (dodis.ch/1567).↩
- 4
- Cf. aussi DDS, vol. 15, doc. 444, dodis.ch/48048.↩
- 5
- Les tableaux concernent les pays suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Turquie, URSS, Yougoslavie. Non reproduit (dodis.ch/1642).↩
- 6
- Cf. RO, 1910, vol. 26, en particulier pp. 391-392 pour les articles 11-13 de la Convention de La Haye de 1907 (dodis.ch/1996).↩
- 7
- Cf. sa lettre du 12 juillet 1947, E 2001(D)-/3/320; cf. aussi E 2001(D)-/3/318.↩
- 8
- Cf. PVCF No 890 du 1er avril 1946, E 1004.1(-)-/1/468 (dodis.ch/1378).↩
- 9
- Non reproduit.↩
- 11
- Cf. E 2001(E)-/1/297.Sur la participation suisse à cette Conférence des Seize, cf. DDS, vol. 17, doc. 6, doc. 24 et doc. 29.↩
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