au sujet de la proposition du Département des postes et des chemins de fer concernant les autorisations pour le survol du territoire suisse par des aéronefs d'Etat étrangers.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 21, doc. 16
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E1004.1#1000/9#620* |
Ancienne cote | CH-BAR E 1004.1(-)1000/9 619 |
Titre du dossier | Beschlussprotokolle des Bundesrates November 1958 (2 Bände) (1958–1958) |
dodis.ch/15582 Co-Rapport du Département politique au sujet de la proposition du Département des postes et des chemins de fer concernant les autorisations pour le survol du territoire suisse par des aéronefs d’Etat étrangers
I. Dans sa proposition, le Département des postes et des chemins de fer attire l’attention du Conseil fédéral sur une divergence qui s’est produite entre le Département politique et l’Office fédéral de l’air au sujet de l’octroi des autorisations de survol de notre territoire en faveur d’avions militaires américains transportant des malades.
Le Département politique ne peut pas se rallier à l’argumentation exposée dans cette proposition et tient à relever ce qui suit. Il est exact que les instructions, approuvées par le Conseil fédéral dans sa séance du 4 juillet 19582, ayant trait à l’octroi de permis de survol ou d’atterrissage en faveur d’aéronefs militaires ou autres aéronefs d’Etat étrangers, prévoient, au chiffre II, 1er alinéa, que l’Office fédéral de l’air est autorisé à traiter de son propre chef les cas de transports de blessés et de malades et qu’il n’est pas question dans ces instructions de la nécessité que les requêtes présentent un caractère d’urgence. La disposition susmentionnée précise cependant que le dit office devra traiter ces cas dans le cadre des directives énoncées sous chiffre II, directives au terme desquelles «les demandes seront examinées en se fondant sur les principes inhérents à la sauvegarde de notre souveraineté, à notre politique de neutralité, eu égard à la situation politique internationale et compte tenu des considérations d’ordre militaire découlant de la situation stratégique sur le plan interne et international». Or, de l’avis du Département politique, la pratique suivie dans ce domaine par l’Office fédéral de l’air ne s’est pas révélée en harmonie avec les directives précitées. Il ressort en effet des copies des permis délivrés par l’Office fédéral de l’air, que ce dernier a autorisé, au cours du mois de juillet, 35 survols d’avions militaires américains dont le but indiqué était le «transport de malades». La période dans laquelle les permis ont été délivrés en si grand nombre coïncidait avec celle des opérations militaires américaines au Liban, de sorte que le fréquent passage au-dessus de notre territoire des avions en question devait incontestablement être mis en rapport avec ces opérations.
II. Il convient d’examiner, pour plus de clarté, comment se pose, d’une manière générale, la question relative au survol ou à l’atterrissage d’aéronefs militaires ou d’autres aéronefs d’Etat transportant des blessés ou des malades. On doit distinguer les trois cas suivants:
a) Vols à caractère purement humanitaire.
On comprend dans cette catégorie les survols ou les atterrissages d’aéronefs militaires ou d’Etat étrangers affectés à des actions de sauvetage, soit lors d’accidents aériens, soit en cas d’autres catastrophes. Il n’y a aucun doute qu’en l’espèce les permis devront être délivrés sans autre, même si les délais prescrits pour le dépôt des demandes ne sont pas observés. Les autorisations pourront
être délivrées non seulement en faveur des aéronefs affectés aux opérations de recherches ou de sauvetage, mais aussi en faveur de ceux transportant des experts étrangers participant aux enquêtes éventuelles. Notons que ce dernier cas est visé à l’article 26 de la Convention de Chicago du 7 décembre 19443 et est également prévu à l’article 137 du Règlement d’exécution de la loi sur la navigation aérienne du 5 juin 19504.
b) Transports de blessés et malades en cas de guerre.
Cette question est réglée par les deux conventions de Genève du 12 août
1949, l’une relative à l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne5 et l’autre à l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer6. L’article 37 de la première de ces deux conventions et l’article 10 de la seconde, qui sont identiques, traitent du survol du territoire des Etats neutres par les aéronefs sanitaires des Parties au conflit. Le 1er alinéa dispose que ces aéronefs pourront survoler le territoire des Etats neutres et précise notamment qu’«ils ne seront à l’abri des attaques que durant leur vol à des altitudes, à des heures et suivant un itinéraire spécifiquement convenus entre les Parties au conflit et les Puissances neutres intéressées». L’alinéa 2 stipule que «les Puissances neutres pourront
fixer des conditions ou restrictions quant au survol de leur territoire par les aéronefs sanitaires ou à leur atterrissage. Ces conditions ou restrictions éventuelles seront appliquées d’une manière égale à toutes les Parties au conflit».
Il ressort de ces dispositions que tout survol des territoires d’Etats neutres par des aéronefs sanitaires doit faire préalablement l’objet d’accords entre tous les gouvernements intéressés et qu’en outre les Etats neutres peuvent appliquer des limitations au survol desdits avions. En ce qui concerne la Suisse, il appartient au Conseil fédéral de se prononcer sur l’opportunité d’admettre de tels survols ainsi que, le cas échéant, sur les accords qu’il y aurait lieu de passer à ce sujet avec les deux parties belligérantes. En tout état de cause, les mesures à prendre ne sauraient être de nature à favoriser l’une des Puissances au conflit étant donné que, comme il résulte des dispositions précitées, les dispositions à adopter dans ce domaine doivent être appliquées d’une manière uniforme à tous les belligérants.
c) Autres cas de transports de malades ou blessés.
En règle générale, les transports de militaires blessés ou malades qui ne rentrent pas dans le cadre des actions humanitaires proprement dites doivent
être considérés comme ayant un caractère essentiellement militaire. Les autorisations de survol doivent donc être refusées. Il n’y a pas de doute, en effet, que l’organisation de ces transports fait partie du dispositif militaire et que les buts qu’elle cherche à atteindre sont d’ordre militaire. Ceci est particulièrement vrai lorsque les transports en question assument un rythme fréquent et régulier.
Ce sont alors de véritables mesures d’évacuation destinées incontestablement au renforcement du dispositif militaire. Ce fut notamment le cas lors des nombreux survols de notre territoire par des avions militaires américains au cours du mois de juillet, au moment des opérations au Liban.
Le fait d’accorder des autorisations de survol dans ces cas ne se révèle pas contraire, il est vrai, au droit de neutralité, mais n’est cependant pas en harmonie avec notre politique de neutralité. En effet, celle-ci nous oblige à éviter tout ce qui pourrait mettre en cause notre position d’Etat neutre en cas de guerre. L’interdiction des survols ayant un caractère militaire, prévue par les instructions du Conseil fédéral du 4 juillet 19587, se situe précisément dans le cadre des mesures inhérentes à la politique de neutralité. Cette manière de procéder est d’autant plus justifiée dans les temps de «guerre froide» que nous traversons. Il ne faut pas perdre de vue, d’autre part, qu’en ce qui concerne le cas des avions militaires américains transportant des malades et se rendant d’Italie ou du Moyen-Orient en Allemagne à travers notre pays, ces derniers peuvent atteindre leur destination en survolant d’autres Etats, membres de l’OTAN, et en évitant ainsi d’emprunter notre espace aérien. Si l’on tient compte du long trajet effectué du Liban vers l’Allemagne, un léger détour par la France paraît supportable. Il convient d’ajouter que la pratique que nous préconisons n’exclut pas, par ailleurs, la possibilité que, dans des cas d’une réelle urgence, et à titre tout à fait exceptionnel, des autorisations puissent être accordées, car alors l’élément d’ordre humanitaire prévaut sur l’aspect militaire.
III. C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient de se prononcer sur la question soulevée dans la proposition du Département des postes et des chemins de fer. Nous avons montré, en résumé, que l’octroi de permis de survol ou d’atterrissage en faveur d’avions militaires ou d’autres aéronefs d’Etat étrangers ne comporte aucune difficulté s’il s’agit de transports de blessés ou malades en cas d’actions de sauvetage proprement dites. Les autorisations pour les transports de militaires malades ou blessés se heurtent en revanche à des objections: en temps de guerre, les mesures éventuelles à
être refusés eu égard à notre politique de neutralité, vu que ces transports revêtent en général un caractère essentiellement militaire. L’octroi des permis doit dès lors être strictement limité aux cas urgents, l’élément humanitaire se révélant alors prépondérant. Cette manière de procéder est d’ailleurs conforme à l’esprit des instructions approuvées par le Conseil fédéral dans sa séance du
4 juillet 1958.
Vu ce qui précède, le Département politique a l’honneur de proposer:
1. Le présent rapport est approuvé.
2. L’Office fédéral de l’air est autorisé à délivrer de son propre chef les permis de survol ou d’atterrissage dans les cas visés sous chiffre IIa) du présent rapport, ayant trait aux vols purement humanitaires.
3. Dans les cas prévus sous IIb) du présent rapport, ayant trait au transport de blessés et malades en cas de guerre, les autorisations nécessaires ne pourront être accordées que dans le cadre d’une action approuvée par le Conseil fédéral.
4. Dans les cas visés sous IIc) du présent rapport, ayant trait aux autres transports de militaires blessés et malades, les autorisations de survol doivent en principe être refusées. Dans les cas qui présentent un caractère exceptionnel ou urgent, l’Office fédéral de l’air devra préalablement consulter, avant toute décision, les Départements politique et militaire.
- 1
- E 1004.1(-)1000/9/619.↩
- 2
- Cf. les Instructions du Conseil fédéral concernant l’octroi d’autorisations de survol et d’atterrissage en Suisse d’aéronefs d’Etats étrangers du 4 juillet 1958, E 1004.1(-)1000/9/615 (dodis.ch/15583).↩
- 3
- Convention internationale sur l’aviation civile.↩
- 4
- Cf. RO, 1950, I, pp. 517–567 (article 137, p. 551).↩
- 5
- Cf. RO, 1951, pp. 184–208.↩
- 6
- Cf. RO, 1951, p. 209–229.↩
- 7
- Cf. note 1.↩
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