dodis.ch/13174 Le Chef du Département militaire, P.
Chaudet, au Secrétaire d’Etat français aux Forces armées
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J’ai l’honneur de répondre à vos lettres des 31 octobre et 5 novembre derniers2, par lesquelles vous nous proposez, notamment, l’achat d’avions français et l’établissement d’une collaboration technique entre nos deux pays dans le domaine de la construction aéronautique.
Il m’a paru utile de soumettre vos intéressantes propositions à des experts militaires avant de me prononcer moi-même. Je suis parvenu aux conclusions de principe suivantes:
Votre offre de fournir à la Suisse une centaine d’appareils «Super-Mystère B.2» et de faire construire en Suisse une série d’appareils «Etendard IV» ne peut, malheureusement, pas être retenue. En effet, sans nier que ces deux types d’avion représentent de fort belles réalisations de la technique, ainsi que nous avons pu nous en convaincre lors des démonstrations effectuées au cours de cette année, nous estimons qu’ils ne répondent pas aux conditions d’engagement qui sont les nôtres. De plus, pour couvrir nos besoins du moment, le Conseil fédéral suisse a présentement fixé son choix sur le «Hunter Mk.6». En conséquence, l’envoi en France d’une délégation d’experts, chargés d’examiner et d’essayer le «Super-Mystère B.2» et l’«Etendard IV», ne me paraît pas indiquée, dans les circonstances actuelles. Je tiens, néanmoins, à vous exprimer mes remerciements pour l’aimable invitation que vous avez bien voulu nous faire.
Votre proposition pour l’établissement d’une collaboration technique entre nos deux pays dans le domaine de la construction aéronautique retient d’emblée toute mon attention. Une collaboration de ce genre existait avant la dernière guerre avec différentes maisons françaises, telles que Hispano-Suiza et Messier; elle avait fait ses preuves et il est regrettable qu’elle n’ait pas été reprise dès le moment où l’industrie aéronautique française – en particulier grâce à la Société M. Dassault – parvenait à regagner la place en vue qu’elle occupait naguère.
Une telle collaboration, envisagée sur le plan gouvernemental, pose toutefois à la Suisse des problèmes de nature politique, car elle pourrait être jugée incompatible avec notre statut de neutralité. En revanche, je ne pense pas qu’il y aurait des difficultés à ce que notre industrie aéronautique entretienne avec la vôtre, à l’échelon industriel, des relations étroites; je considère que c’est là une coopération désirable dont l’idée mérite d’être retenue et étudiée. Je reviendrai volontiers sur cette question lorsqu’elle aura été examinée plus en détail; en attendant, je ne peux que donner mon accord de principe tout en vous remerciant bien vivement d’avoir pris l’initiative d’une suggestion à laquelle je suis favorable3.