Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 115
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1970/217#6929* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1970/217 454 | |
Dossier title | Wirtschaftsverhandlungen und Abkommen mit der Schweiz (1955–1957) | |
File reference archive | C.41.111.0 • Additional component: Spanien |
dodis.ch/11415
Lors de la présentation de mes lettres de créance2, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le Général Franco qui a aiguillé la conversation sur des sujets économiques. Depuis le récent remaniement ministériel auquel il a procédé3, ces questions paraissent le préoccuper plus que par le passé. Il est visiblement désireux de rétablir un équilibre qu’une politique commerciale et financière peu heureuse a compromis. Sans me demander formellement mon avis, Franco a profité du fait que je suis depuis plusieurs années en Espagne4 pour entrer en matière plus profondément qu’il n’est habitué à le faire vis-à-vis des diplomates étrangers.
Il commença par me dire le prix qu’il attachait à augmenter les échanges non seulement avec la Suisse mais encore avec d’autres pays européens. Je saisis l’occasion pour souligner que l’accord de clearing de son pays avec le nôtre5 est celui qui fonctionne le mieux aujourd’hui et que nous sommes le quatrième fournisseur européen de l’Espagne. Il s’en félicita et ajouta qu’il espérait que le chiffre de nos échanges irait encore en augmentant, ce à quoi je répondis que c’était également là notre désir mais que, l’Espagne étant presque exclusivement réduite à exporter les produits de son sol, les possibilités étaient évidemment limitées. Me souvenant des vues que M. le Ministre Stopper m’avait récemment exposées, je déclarai au Caudillo que des moyens devraient pouvoir être trouvés pour remédier aux effets restrictifs de cette circonstance. Faisant allusion aux opérations triangulaires que nous avons déjà effectuées, je lui dis que d’autres procédés de ce genre pourraient sans doute améliorer notre commerce réciproque, mais pour cela des recherches approfondies et minutieuses sont indispensables de part et d’autre. A ce propos je citai, à titre d’exemple, les résultats obtenus grâce au Dr Frey6 qui ne néglige jamais d’examiner à fond toutes les éventualités.
Franco ayant fait allusion à des accords plurilatéraux, je lui dis que, selon l’avis de notre délégué aux accords commerciaux7, un rapprochement de l’Espagne de la zone du libre échange serait sans doute de nature à faciliter ses rapports économiques avec plusieurs pays d’Europe. Franco me laissa alors entendre que trop de pays refusent à l’Espagne des crédits à long terme. Je profitai de cette observation pour lui faire savoir que, dans l’affaire de Aldeadavila, un groupe suisse avait proposé, il y a quelques mois, de prendre des engagements de longue durée, mais que pour des raisons que j’ignore, ses offres n’avaient pas été retenues8. Il eut l’air étonné et je crois que ma remarque a porté. Revenant au thème général, je lui demandai s’il n’estimait pas que l’idée même d’une collaboration économique multilatérale, qui semble opportune aujourd’hui, ne gagnerait pas à être rendue plus familière à certains milieux espagnols. En formulant cette pensée, je songeais surtout à luimême, car on prétend qu’il éprouve quelque méfiance pour le principe même de telles opérations. Après un temps de réflexion, il me répondit que l’expérience vaudrait la peine d’être tentée et que lui-même avait depuis longtemps songé à un système polygonal, pourvu d’un centre de compensations. Il me développa son idée, à vrai dire assez rudimentaire.
Durant tout l’entretien, je me suis gardé avec prudence d’avoir l’air de lui donner des conseils ou même de formuler des suggestions, mais c’est plutôt en lui demandant son avis que je réussis à placer la mien. En ligne générale, Franco m’a semblé désireux de renforcer les liens économiques avec les pays d’Europe, afin peut-être de se dégager un peu de l’emprise américaine. Mais cette dernière remarque est plutôt une impression qu’une constatation.
Le Ministre des Affaires étrangères9, qui assistait à l’entrevue, m’a dit le soir même qu’il avait été très satisfait du tour de la conversation et que le Chef de l’Etat en avait repris certains éléments au cours d’un entretien qu’il eut avec lui après mon départ.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1970/217/454.↩
- 2
- Ph. Zutter était en poste à Madrid depuis décembre 1951, en tant que Ministre. Le 2 mai il a présenté ses lettres de créance l’accréditant comme Ambassadeur de Suisse, cf. la lettre de Ph. Zutter au Chef du DPF, M. Petitpierre du 6 mai 1957, E 2300(-)-/9001/263.↩
- 3
- Cf. à ce propos le rapport politique de Ph. Zutter à M. Petitpierre du 26 février 1957, E 2300(-)-/9001/263.Onze ministères ont changé de titulaire, dont celui des Affaires étrangères, où F. Castiella a pris la place de M. Artajo, et celui du Commerce, où A. Ullastres a remplacé M. Arburua, cf. aussi la lettre de Ph. Zutter à la Division du commerce du DFEP du 26 février 1957, E 7110(-)1970/112/118.↩
- 4
- Cf. note 1.↩
- 5
- Accord entre la Suisse et l’Espagne relatif à l’échange de marchandises et au règlement des paiements, conclu le 27 novembre 1954, entré en vigueur le 1er janvier 1955, cf. RO, 1954, vol. 2, pp. 1204–1216; modifié par échange de notes, le 17 avril 1957, cf. RO, 1957, p. 424. Cf. PVCF No 1036 du 14 mai 1957, E 1004.1(-)-/1/601 et E 2001(E)1970/217/454.↩
- 6
- T. Frey, de la Division du commerce du DFEP.↩
- 7
- E. Stopper.↩
- 8
- L’offre faite par le groupe suisse conduit par Brown Boveri & Cie pour l’équipement de la centrale hydroélectrique d’Aldeadavila, sur la Ribera del Duero, portant sur un montant de 55 millions de francs, remboursable au plus tard dans 12 ans. Le 14 juillet 1956, le Conseil fédéral avait accepté de mettre ce projet au bénéfice de la garantie pour les risques à l’exportation, cf. PVCF No 1199 du 14 juillet 1956, E 1004.1(-)-/1/591.En février 1957, les autorités espagnoles avaient informé le Ministre Ph. Zutter que la préférence avait été donnée à la concurrence étrangère, dont les projets de financement étaient plus intéressants que la proposition suisse, cf. la lettre de Ph. Zutter à la Division du commerce du 8 février 1957, E 7110(-)1970/112/118.Sur le projet d’Aldeadavila, cf. E 2001(E)1970/217/454.↩
- 9
- F. Castiella, cf. note 2.↩